- Chapitre 25 -

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Jaska aurait aimé continuer la conversation avec ses amies, mais le perroquet qui gardait son téléphone dans son bec en avait décidé autrement

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Jaska aurait aimé continuer la conversation avec ses amies, mais le perroquet qui gardait son téléphone dans son bec en avait décidé autrement.

Malgré la fatigue, il avait eu recours à toutes les méthodes possibles et imaginables — mais il était resté raisonnable, bien sûr — pour convaincre l'animal de lui rendre l'appareil. Il avait parlé dans toutes les langues qu'il connaissait, et même dans ce dialecte de son invention, destiné à une ancienne histoire. Il avait tenté de l'influencer par son art, en vain. Il lui avait proposé de la nourriture, piochée dans ses maigres réserves. Il avait créé un prédateur pour l'intimider, et lui faire lâcher l'objet, mais la bestiole avait fui vers la forêt aussitôt qu'il l'eut achevée. Il n'y comprenait plus rien.

Puis, désespéré, il réalisa qu'être raisonnable ne serait pas suffisant, s'il voulait rester joignable par d'autres Artistes. Alors il tourna le dos à l'oiseau, et reprit l'écriture. Il chercha avec soin les mots exacts, afin que son sort présente le moins de danger possible. Mais il avait beau mettre toute son âme dans son œuvre, il sentait que son acte ne le mènerait à rien de bon. Jouer avec la cohérence et les composants de sa fraction n'amenait jamais que des ennuis : avec ce texte, il la fragiliserait, et rendrait sa sortie encore plus difficile qu'elle ne l'était déjà. Ses amies parviendraient-elles à l'extraire, et à s'extraire elles-mêmes ? Maintenant, il n'en était plus si sûr.

Malgré sa réticence, sa magie fonctionna. Dès qu'il eut posé le point final, sa cible se réduisit en poussière. L'écrivain s'écroula sur sa table : il savait que supprimer des éléments d'un monde demandait beaucoup d'énergie, mais pas à ce point. Il ne songea même pas à recontacter Johanna, et se contenta de plonger dans un profond sommeil... un sommeil qui tendait à devenir éternel, commençait-il à penser.

*
*     *

Johanna se posa sur le sol humide, puis Tara et les trois Gardes atterrirent à leur tour.

Sans laisser aux deux jeunes femmes le temps de prendre leurs marques, un des agents indiqua la direction à suivre pour retrouver l'Artiste abandonné. Les intrus commencèrent alors une marche pénible et périlleuse à travers la jungle : tout, autour d'eux, semblait destiné à les désorienter. Ils crurent tourner en rond quand ils se trouvaient sur le bon chemin, ils pensèrent emprunter la piste conseillée par l'appareil de localisation quand ils déviaient de leur route. Et la nature paraissait unie contre eux : à plusieurs reprises, un volatile ou un singe les attaqua. Ils ne purent compter les fois où ils avaient dû utiliser une de leurs œuvres pour détourner l'attention de l'animal et poursuivre leur voyage.

Enfin, dans une minuscule clairière entre deux bosquets, ils aperçurent Jaska.

 Il s'était aménagé un camp d'aventurier, une perle d'organisation au cœur du chaos de son monde. La tente qu'il habitait était ordonnée, sa table d'écriture propre, ses anciens textes empilés de sorte qu'aucun centimètre de papier ne dépasse. Mais l'auteur lui-même dépérissait. Sa barbe semblait abriter un nouvel écosystème, ses cheveux s'emmêlaient en paquets gras autour d'un élastique, et il dégageait des relents de sueur, insupportables pour quiconque se trouvait à moins de deux mètres. Étalé sur son bureau, entouré de feuilles vierges, ou, au contraire, couvertes d'inscriptions, il dormait. Le fait qu'il n'ait pas encore été mangé par un prédateur tenait du miracle... à moins que sa puanteur ne les ait repoussés.

Artistes 1 - Le masque mimétiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant