Chapitre 20-1

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[Non réécrit; non corrigé]

Si je devais décrire le chalet de Dettlaf, je dirais qu'il est magnifique. On aurait dit que l'on changeait de lieu ; l'intérieur différait complètement de l'extérieur. Le hall d'entrée, spacieux, lumineux avec un grand chandelier au plafond et un petit porte-manteau, débouchait sur un salon tout aussi vaste et décoré avec goût. Dans ce dernier, un canapé d'angle en cuir entourait une petite table basse en bois où étaient posés quelques bibelots. Trois grandes fenêtres, aux rideaux élégants, laissaient passer la lumière du jour déclinante et entre chacune d'elles se trouvait un abat-jour. Il y avait également une cheminée en pierres polies face au canapé, mais ce qui attira mon attention fut le tableau qui se trouvait juste au-dessus. Ou, du moins, la personne qui y était peinte.

Jamais de ma vie je n'avais vu un tel être. Certes, la perfection n'existait pas mais, il s'en rapprochait. Le tableau était cadré à la taille et présentait un homme d'environ une trentaine d'années. Vêtu d'une chemise blanche déboutonnée aux premiers boutons, il avait des cheveux corbeau plus ou moins longs qui encadraient son visage rectangulaire. Sur la peinture, son teint paressait laiteux et ses yeux en amandes surplombés de fins cils et d'épais sourcils noirs étaient indescriptibles ; comme si une explosion d'étoiles avait eu lieu dans ses iris. Son expression était sévère et il regardait droit devant lui. Il y avait également un élément perturbant sur le dessin. De grandes ailes, majestueuses, éblouissantes, se dressaient derrière lui. L'auteur du tableau avait usé des couleurs noir, violette et rouge pour les dessiner. Le détail de chacune des plumes apparaissait et le résultat était subjuguant. Cet homme dégageait une puissance qui se ressentait même à travers son portait. Il avait quelque chose de, divin.

Je jetai un coup d'œil à Nadian qui s'était, lui aussi, immobilisé pour contempler l'œuvre d'art. Un mélange de fascination, de respect et d'admiration éclairait son regard. C'était la première fois que ses yeux exprimaient autant d'émotions, et je finis par me demander qui était cet homme qui avait l'air de tant le subjuguer.

Le Sanglant baissa soudainement la tête, comme s'il avait trop fixé le tableau. Ses muscles se tendirent et sa respiration devint plus bruyante. A cet instant, Nadian ressemblait à un enfant pris en flagrant délit de vol de friandises ; il réagissait comme une personne n'ayant pas le droit de fixer l'être peint. Pourtant, je ne voyais pas ce qu'il avait fait de mal. Ce n'était qu'une simple toile.

— Tu vas bien ? lui demandai-je, les sourcils froncés.

Il se tourna vers moi. Pendant un court instant, je crus lire une certaine peur dans ses yeux, une profonde terreur même. Mais j'eus à peine le temps de cerner l'émotion qui le traversait qu'il avait déjà repris son expression froide et fermée.

— Pourquoi me poses-tu cette question ?

Parce que pour la première fois depuis notre rencontre, je t'aie vu terrorisé.

Je voulus lui répondre lorsqu'un raclement de gorge me coupa dans mon élan. Sansa s'avança vers nous et indiqua d'un petit signe de tête une porte.

— C'est par ici, dit-elle.

Nous la suivîmes donc. Pendant que nous marchions, j'observai Nadian. Il avait l'air perdu dans ses pensées et ses prunelles étaient voilées. Poings serrés et muscles raidis, il ne semblait plus à l'aise depuis que nous avions vu le tableau et ne parvenais pas à calmer sa respiration. Pourquoi était-il dans cet état ? Encore et encore, je n'arrivais pas à dégager cette interrogation de mon esprit.

Sansa ouvrit le battant de bois et nous conduisit dans une cuisine ouverte sur une salle à manger. Des éclats de voix que je reconnus facilement se firent entendre. Ils étaient tous là : Valentin, Odyssée et Noon, mais aussi Frédérich, Nicholaos et tout naturellement Dettlaf. Ils se tenaient autour d'un îlot central noir, avec en face de chacun d'eux un verre remplit d'un liquide pourpre. Leur discussion semblait animée et les esprits, échauffés. Seul Frédérich demeurait calme et écoutait les échanges vifs des autres.

Papillons de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant