Chapitre 18

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[Non réécrit, non corrigé]

Le son émit par la porte qui s'ouvrait me sortit de mon demi-sommeil. Clignant des yeux, je levai la tête et plongeai mes prunelles dans celles de ma tortionnaire préférée. Elle était seule, pour changer, et portait une tenue plus simple qu'à l'accoutumée. Un sourire froid incurva mes lèvres, et je redressai mon buste.

Dommage, j'aurai bien aimé insulter ses chiens de gardes.

— C'est déjà l'heure de s'amuser ? demandai-je d'une voix monotone et glaciale.

Elle attrapa une chaise et vint s'installer en face de moi. Se laissant choir sur son siège, elle sortit une bouteille de vin et une coupe de son sac et se servis un premier verre. Elle me le tendit, mais je refusai sa proposition d'un mouvement de tête.

— Désolée, mais je ne bois pas.

Un soupir franchit ses lèvres et elle vida le contenue de sa coupe d'une traite. Le revers de sa main essuya le liquide sur sa bouche et son menton se posa dans sa paume.

Le silence perdura durant quelques instants avant qu'elle ne se décide à parler :

— Tu n'es plus aussi amusante, constata-t-elle, une moue sur le visage.

Je manquai d'éclater de rire. Cette femme était hilarante. N'était-elle pas satisfaite d'elle ? De ce qu'elle avait fait de moi ? Pourtant, son travail était bien réussi !

— Qu'est ce qui t'arrive, Anna ? Tu n'aimes pas le fruit de ton dur labeur ? susurrai-je.

La rousse contracta sa mâchoire et une veine battit sur son front. Bien, elle réagissait parfaitement comme je le désirais. Je voulais la voir énervée, tendue, mal à l'aise ; je souhaitais de tout mon cœur qu'elle sorte de ses gonds. J'avais besoin de voir son visage déformé par la rage. Ce désir gonflait et incendiait mes veines. Il s'agissait de ma drogue et j'avais besoin de ma dose.

Vas-y, énerve-toi.

Elle m'ignora et se resservit du vin. Je soufflai l'air de mes poumons, grandement déçue, et bascula ma tête en arrière, les yeux fermés.

— C'est toi qui n'es plus amusante, Anna, déclarai-je. Je voulais que l'on s'amuse, moi.

— Qu'est ce qui t'es arrivé, Dayanara ?

J'ouvris les yeux. Que m'était-il arrivé ? La réponse était pourtant simple : j'étais morte. Elle m'avait tuée.

Depuis bien longtemps.

Plusieurs mois étaient passés. Je ne saurais dire exactement combien, mais à travers la minuscule fenêtre de ma cellule, j'avais vu les saisons s'écouler, les unes après les autres. Nous étions désormais en été ; à en croire la chaleur étouffante et les rayons du soleil éblouissants.

A mon réveil après le massacre d'Anna-Maria, je m'étais sentie au plus mal, à la fois physiquement et mentalement. Lourdeurs musculaires, maux de têtes incessantes et nausées s'étaient associés à la sensation que mon corps ne m'appartenait plus. Ma mémoire était en compote. Je revoyais les évènements passés par intermittences, comme des flashs. Les gorges tranchées, la mare de sang, mes pleurs intarissables. Je me souvenais de tout. Sauf d'une chose. Il y avait un élément flou, comme si quelque chose avait été gommée de ma mémoire. Dès que je tentai de m'en souvenir, un mal de tête foudroyant me paralysait et, souvent même, je perdais connaissance. J'avais essayé, encore et encore, de me le remémorer. Mais mes efforts ne m'ont rendu que malade. Jusqu'à lors, je n'arrivai pas à m'en souvenir. Et cela me frustrait.

Anna-Maria m'en avait fait voir de toutes les couleurs. Je ne comprenais pas son attitude. C'était elle qui avait massacré des familles, elle qui avait rendu ma meilleure-amie, ma moitié, orpheline. Tout cela pour obtenir des réponses que je n'avais pas. Et voilà qu'elle m'en voulait. C'était l'hôpital qui se fouettait de la charité ! J'avais dû supporter son excès de haine, de cruauté et de folie. Je n'avais rien fait. Pourtant, elle m'avait fait passer par toutes les tortures possibles. Brûlures par cigarettes ou liquides bouillants, suffocations par immersion dans l'urine, mutilations qui avaient de mon corps une carte routière, et j'en passe. Mais croyez-moi, ces souffrances n'étaient rien comparés à celles psychologiques. Elle ne n'avait pas épargnée. J'avais assisté, impuissante, à ma prope destruction. Anna-Maria m'avait brisée, réduit en miettes et jetée aux oubliettes. Mon corps, mon esprit, tout était en morceaux. J'étais arrivée à un tel point que même mes bons sentiments m'avaient peu à peu quitté. Il ne me restait plus que la haine, la cruauté et la colère. Elle ne m'avait pas tué physiquement, certes ; mais moralement, je n'étais plus qu'un tas de cendres.

Papillons de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant