20| Prise de conscience 👺

2.9K 383 229
                                    

Min Yoongi

Je me dirige vers les divers matériaux brisés et les range avec lenteur. Je m'en veux. J'ai essayé d'appeler Taehyung mais il ne répond pas. Il doit m'en vouloir, j'aurais dû être clair dès le début avec lui. Ma poitrine me tiraille. Que doit-il bien penser ? Qu'il y a quelqu'un d'autre dans ma vie ? Que je suis sur deux tableaux ? Je soupire, drainé. Je range ainsi le charriot. Je m'imagine Taehyung à ma place, avec ses mains fines, sa silhouette élancée, son ombre se déplaçant entre les allées tel un fantôme. Je souris, la tristesse embaume mon corps.

Un klaxonne résonne soudain dans ma tête. Un mauvais pressentiment électrise mes sens. Taehyung a un problème. Ce sentiment d'insécurité, je le connais, il avait traversé mon corps en début d'année, lorsque j'ai retrouvé Taehyung en pleurs dans la bibliothèque; et au séminaire, quand je l'avais retrouvé dans le meuble.

Je me précipite dans la rue. Taehyung, fais en sorte que tu ailles bien. Mes jambes et mes articulations tombent en miettes, cependant, le rythme de ma course ne ralentit pas. Je fonce à travers la ville et ne m'arrêterais que lorsque je l'aurais trouvé. Une ambulance passe soudain près de moi. Ses roues crissent un peu sur le béton, un frisson me parcourt l'échine. Tae...

Sans attendre une seconde de plus, je cours derrière le véhicule. Les battements de mon cœur résonnent à chacun de mes pas. Le parfum de Taehyung s'immisce brusquement dans mes narines, mais une autre odeur agresse mon odorat. Une odeur métallique mélangée à celle du goudron. Mon pouls accélère.

L'ambulance tourne, je fais de même. Mes yeux se posent alors sur une marre rouge, elle reflète toute ma peur et mes angoisses. La scène qui se déroule sous mes yeux s'imprime dans ma mémoire engloutie d'horreurs. Des brancardiers embarquent un jeune homme inconscient et le portent d'urgence à l'hôpital. J'accours jusqu'à eux, bouscule les personnes qui regardent la scène. Des pauvres spectateurs de mon malheur.

« Laissez-moi passer ! » Hurlé-je à pleins poumons.

J'arrive à la hauteur du brancard et attrape sa main dépassant de la couverture de secours.

« Vous êtes un proche ? » Me demande l'un des hommes.

J'hoche la tête, mes yeux fixés sur le corps étendu. Ni une ni deux, on m'embarque dans le camion. Le bruit de la sirène et l'agitation autour de moi ébranlent mon âme. Elle vacille à la lueur des gyrophares.

« Il a perdu beaucoup de sang, prévenez l'hôpital ! » Ordonne un des ambulanciers.

Les larmes dégringolent mes joues en entendant cette information. Ma main sert fort la sienne, empêche une partie de son esprit de rejoindre le ciel et de la garder auprès de moi.

L'ambulance s'arrête. Taehyung est sorti en vitesse. Le brancard passe les portes coulissantes de l'hôpital et écarte toutes les personnes sur son passage. J'essaie de suivre le rythme des médecins à travers ce labyrinthe mais perds peu à peu la cadence. On me demande de m'asseoir, d'attendre. Au loin, le groupe disparaît derrière des portes battantes. Mon bonheur s'écroule.

Je me laisse ainsi glisser contre le mur, démuni de toute force. Les yeux dans le vague, je replis les genoux contre ma poitrine et m'isole du monde. Les bruits de l'hôpital diminuent, mon corps plongé dans un océan de noirceur. Ma douleur est mon néant.

Des tremblements secouent mon corps. J'essaie de les stopper, resserrant mes bras et plongeant ma tête entre mes genoux, en vain. Je ne suis plus qu'une coquille vide et fragile dont la seule lumière lui a été retirée.

« Taehyung... »

Un murmure désolé. Un prénom imaginaire. Pourtant, son corps, ses yeux, son sourire, son rire... Tout est inscrit à l'encre noire dans ma mémoire.

Relation InterditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant