6| Aide 👺

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Kim Taehyung

Le cliquetis régulier du chariot emplit les murs de la grande bâtisse. Je range les livres qu'un étudiant m'a rapportés, ici les personnes ne me craignent pas autant qu'à l'université, comme si cet endroit les protégeait, hors du temps. J'ai lu par ailleurs chaque ouvrage de cette bibliothèque, incollable sur tous. La lecture a toujours été un de mes passes-temps favoris. A l'école primaire, lire était un échappatoire. On me surnommait même le « rat ». Un soupir m'échappe en repensant à ces souvenirs désagréables. Tous ceux qui m'embêtaient finissaient avec une mâchoire ou un bras cassé et en prime ? Une arcade ensanglantée. C'est pourquoi après le « rat », ce fut le « démon ».

Quoi qu'il en soit, mon savoir me sert de la meilleure façon qui soit aujourd'hui. Je suis fier de pouvoir renseigner les habitués lorsqu'ils poursuivent des recherches. Je pourrais passer des heures à discuter et analyser un livre avec autrui, le problème ce serait plutôt avec qui.

Plongé dans mes pensées, je trébuche sur la petite latte du plancher —celle à réparer— et tombe la tête la première. J'essaie de me rattraper à mon chariot mais ne fais que l'entrainer dans ma chute. Un vacarme effroyable. Je finis les fesses à terre, une tonne de bouquins à mes pieds.

« Fais chier... »

J'examine les livres un à un pour voir s'ils sont abîmés et les remets à leur place, soulagé. Mes prunelles tombent alors sur ce tissu blanc, il a dû glisser de ma poche. Mes doigts attrapent le mouchoir et le manient avec la plus grande attention. Je le garde depuis maintenant cinq jours. Malgré les nombreux lavages, l'odeur de son propriétaire y est toujours figé. J'amène le linge à mon nez et imprime cette senteur agréable et familière. Je n'ai jamais rien senti de tel. Mes sens s'en délectent et mes membres usés par mon travail acharné se délient.

« Tu aimes le mouchoir ? » Me demande une voix grave que j'aurais aimée ne pas entendre à cet instant.

Mon cœur fait un bond. Mon regard se pose sur l'alpha qui hante mon esprit. Un sourire amusé aux lèvres, il s'accroupit à ma hauteur et me regarde perdre mes moyens. Complètement.

« Tu.. fin.. je.. genre.. ouais.. euh ... »

Il rit, ma poitrine tressaute.

« Oui ? »

Son sourire amusé ne le quitte pas un seul instant et lui confère des traits enfantins.

« Est-ce que tu veux que je te le rende ? Je l'ai lavé ...? » Murmuré-je, pas très sûr de mes mots.

« Non garde le, tu as l'air de bien l'aimer ... »

Je me gratte l'arrière de la tête et flanque le mouchoir dans ma poche. C'est parce qu'il y a ton odeur dessus ... La gêne escalade mon être à cette pensée audacieuse. Aucune chance que je lui dévoile la vérité un jour.

Ne me voyant plus rien dire, il prend un livre à terre, l'examine et le repose dans le chariot. Mes sourcils s'arquent, étonné par son attitude, mes yeux suivent le moindre de ses faits et gestes assimilant doucement ce qu'il est en train de faire. Je croise soudain ses pupilles sombres, il esquisse un demi-sourire.

« Tu penses que je fais ça pour quoi à ton avis ? »

« Et bien euh... je suppose que tu m'aides ? » Tenté-je, pris au dépourvu par sa question.

« Bien joué Sherlock. » Ricane-t-il.

Son changement de comportement me titille, juste ce qui faut, ma fierté ramène son échafaud. Un ricanement dédaigneux sort de mes lèvres, je croise les bras sur mon torse.

« Je me demande vraiment pourquoi ta présence ici ne m'étonne pas. Stalker. » Chuchoté-je, fier comme un coq.

Il s'arrête tandis que je reprends un livre et m'active. Son regard insistant ne me déstabilise pas comme d'habitude, il m'enveloppe et m'emplit de malice.

« Eh bien... tu seras étonné d'apprendre que je viens ici pour lire. Enfin, comme toi non ? » Répond-il du tac au tac.

Un rictus joueur naquit sur ma bouche. Mon regard se pose dans le sien, essaie d'y déceler une faille, mais n'en trouve aucune.

« Et... est-ce que tu les as tous lus ? »

Une pointe d'excitation transparaît dans ma voix, pensant avoir le dernier mot. Ma surprise n'en est que plus grande lorsqu'une lueur malicieuse embrase son regard félin.

« Je pourrais te faire une analyse détaillée de chaque ouvrage, conte, témoignage, et encyclopédie qui se trouve dans cet endroit. »

Je reste incrédule et l'inspecte. Mais non impossible... Mes sourcils se froncent tel un enfant, une moue boudeuse tire mes traits.

« Je te crois pas. »

Mon air grognon lui arrache un rire franc. Il masque sa bouche et retient ses éclats d'âme. Une partie de moi pousse à le croire mais les doutes la recouvrent.

« Ok alors ce sont lesquels tes préférés ! » Clamé-je.

Il secoue la tête amusé par mon défi et dépose le dernier livre.

« Je dirais ... Les Fleurs du Mal ! Ce recueil me transporte. La plume de Baudelaire est fantasque et fantastique. » Il me sourit et continue. « Puis, on passe par les incontournables comme : Alcools, L'étranger, même Harry Potter ! »

Mes yeux s'illuminent, l'excitation et la joie font vibrer mon être. Je me redresse pour mieux m'asseoir, prêt à parler pendant des heures.

« J'approuve totalement ! Ses poèmes sont tous merveilleux même si j'avoue avoir une préférence pour Apollinaire... Par contre ne me parle pas d'Harry Potter sinon on risque d'y passer des nuits entières. » Dis-je rieur.

« Ça ne me dérangerait pas ... »

Son sourire est contagieux, il harmonise ses traits et prend possession de mes lèvres. Une multitude de sentiments me traverse, mon cœur pris dans le tumulte. Je m'apprête à continuer notre conversation lorsque les coups de l'horloge retentissent. 19h. Une moue confuse barre soudain son visage, puis un soupir exaspéré brise sa bouche. Il s'ébouriffe les cheveux avant de me regarder.

« Désolé, je pense que ce sera pour une autre fois ... Je dois y aller. » Me dit-il, déçu.

« Qu'est-ce que tu as à faire ? » Demandé-je, curieux.

Depuis quand ça t'intéresse ?

« Je dois rentrer pour ne pas rater le repas familial et puis remplir deux, trois bricoles ... » Soupire-t-il.

« Oh ... »

Il se relève sous mon regard attentif et attrape son sac à dos.

« T'inquiètes, on reparlera quand tu veux de nos livres favoris ! Heureusement on a fini de ranger ! Bon et bien je te laisse... »

« Oui ne t'en fais pas, vas-y. »

Mon cœur gonfle de joie en entendant son souhait de parler à nouveau. Je l'observe ainsi s'en aller d'un pas pressé et le vois s'arrêter au tournant du couloir. Il tourne sa tête vers moi et m'adresse un clin d'œil joueur avant de repartir. Son attitude me laisse interdit, un faible sourire craquèle ma bouche. Je mords ma lèvre et pouffe, secouant la tête de temps à autre, ignorant ces sensations nouvelles...

Finalement, il a l'air gentil.

Relation InterditeWhere stories live. Discover now