53| Secourir

Depuis le début
                                    

Il se met à faire des rondes autour de moi, tel un loup qui fondrait sur sa proie. Il se poste derrière, sa main gantée m'attrape le menton d'un coup sec et dévoile mon visage aux plus jeunes.

« Comme nous n'arrivons pas à lui soutirer des informations avec une torture "douce", on va y aller plus fort. »

Il se frotte les mains à cette simple pensée, des veines saillantes ressortent sur ses bras musclés. Son sourire machiavélique ne quitte pas ses lèvres. Cet homme sait se présenter pour rendre les autres insignifiants. Sa barbe de trois jours est parfaitement rasée, son uniforme bleu marine épouse parfaitement sa corpulence imposante. Cette couleur se détache des vêtements noirs que revêtent les trois autres. Une petite étoile est épinglée à la poche avant de son veston, l'étoile des généraux. Cet homme se sert de son pouvoir pour asservir les autres, ça me dégoûte.

Je remarque alors plusieurs couteaux dans les poches de son pantalon et discerne deux pistolets rangés dans sa ceinture épaisse. Le bruit de ses pas résonnent autour de moi, enserrent ma tête dans un étau. Il se tourne vers un plan de travail reculé, auquel je n'avais prêté aucune attention jusqu'alors ; sa main effleure les outils qui s'y trouvent avec attention, les caresse, presque amoureusement. Ses doigts si doux se referment d'un coup abrupte sur un objet marron en cuir, comme un chasseur qui après avoir appâté sa proie, n'hésite pas à la briser. Il le soulève et fait trainer sa pointe sur le sol poussiéreux. Un fouet.

« Bon, on va voir comment il réagit à quelques coups. » Annonce-t-il aux autres. Il tend l'objet à l'un d'eux et me désigne du doigt. « Toi, en premier. Essaie de le faire avouer. »

L'homme reste perplexe mais devant le regard noir de son supérieur, finit par saisir l'objet d'une main hésitante.

« Du nerf ! On ne va pas y passer la journée ! »

Ses cris me font rater un battement, la pression retombe d'un coup sur nos corps. L'individu s'active et vient se placer devant moi. Mes pupilles s'arrêtent sur le fouet, ses lignes de cuir entrelacées ensemble. Mon cœur se met à pulser fort, l'appréhension gagne peu à peu mon être et me serre l'estomac. Seulement, je fais tout pour garder mon calme. Il le faut. L'entraînement Eumae. Je déglutis en le voyant lever le bras, suspendu en l'air. D'ici, je peux voir sa chair trembler, entendre sa respiration se saccader. Le stress monte en nous et nous essayons de nous débattre pour le faire disparaître. Il ne veut pas faire ça, il ne voulait pas se retrouver ici. Il est comme moi.

Le général s'adosse au mur d'en face, ses yeux cernent ses quatre prisonniers. Son aura écrasante enveloppe l'atmosphère et pétrifie les soldats.

« Bon, j'observe un peu comment vous faîtes. S'il ne parle pas, je prépare l'électricité. » Annonce-t-il sur un ton méprisant.

Une boule se forme dans ma gorge ; mes membres se tendent, anticipent déjà la douleur que je vais devoir endurer. Je relève les yeux sur l'homme qui supporte la corde comme s'il soulevait sa croix. Il évite de suite mon regard et resserre sa poigne autour du cuir. Il est en train de se donner du courage. Il va me fouetter, je le sais. Il n'a pas le choix.

Mes paupières se ferment peu à peu et mon âme plonge dans cette mer de ténèbres, cet espace où le temps et la vie n'existent plus. Un endroit créé par chaque membre du clan Min pendant leur entraînement, une issue spéciale dans notre esprit façonnée lors de notre petite enfance. Complètement inébranlable. Cet espace de vide nous permet de supporter la pression, nous protège des émotions trop fortes, de la douleur. Le corps demeure mais l'esprit s'évade.

Le fouet crie alors son rugissement déchirant l'air et s'abat sur mes cuisses. Ma chair est arrachée, mes muscles mutilés me brûlent, le sang coule en cascade le long de mes jambes et mon pantalon. Cependant, aucun son ne sort de ma bouche. Il réitère son action sur mes bras, mes tibias, mes poignets, mon dos. Il s'acharne sur mon corps pendant trente minutes, n'épargne aucune parcelle de ma peau. Le bruit d'un appareil photo est voilé par les claquements du cuir. Je sens mes habits me coller à la peau, mes muscles trembler. L'odeur du sang combinée à la surtension de mes membres érigent en moi une peur démesurée. Les minutes s'écoulent, les coups s'enchaînent avec toujours plus de violence. Mon esprit reste néanmoins coincé dans ce lieu parallèle alors, tout va bien, je n'hurle pas, ne supplie pas, ne révèle rien.

Relation InterditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant