15.
PDV Lauren
Zayn exécuta ma demande très rapidement : voilà pourquoi il faut engager du personnel compétent. Il m'apporte le dossier à peine un quart d'heure après ma demande et le pose délicatement sur mon bureau. Je l'ouvre et commence à lire.
Jonas McAlester, 25 ans, très actif dans l'armée en grande de lieutenant. Originaire de Toronto au Canada, sa famille a immigré aux Etats-Unis assez tôt pour qu'il obtienne la double nationalité. A été fiancé durant cinq ans à une certaine Fiona, qui est morte d'une leucémie stade terminal l'année dernière. Jonas est très fréquemment en déplacement, et ne réside que trente jour dans l'année dans un appartement placé dans un quartier mal famé au Sud de la ville. Une mission lui est assignée depuis la semaine prochaine jusqu'à dans trois mois. On peut aussi voir que....
Je referme le dossier, satisfaite : il n'aura pas le temps de faire du mal à Camila, dans la limite où elle acceptait de le rencontrer pour un café. Rassurée, j'attrape mon sac et mes clefs et conduits prudemment jusque chez Ally et Troy. La mère et le père de la future mariée me sautent littéralement dans les bras, me demandant des nouvelles. Je ne les ai pas vu depuis deux ans, et ils sont comme une seconde famille. A la perte de mes parents, ils ont aidé ma tante à nous nourrir et nous ont gardé Taylor et Chris très fréquemment. Ils ont malheureusement loupé l'enterrement de ce dernier, et s'en excusent platement.
Patricia, la mère d'Ally - qui soit dit en passant est presque plus petite que sa fille, qui l'eût cru! - me prend une énième fois dans ses bras. Puis, elle s'attaque à Taylor, que je suis allée chercher au lycée en venant ici.
- Oh Tay, tu as tellement grandi! s'enthousiasme Patricia. Tu es très belle et n'as rien à envier à Lauren!
- Oui, à part ses yeux, ronchonne la jeune fille en me faisant un clin d'œil.
J'éclate de rire, rapidement imitée par Ally et Troy. Après un repas bien chargé, nous décidons d'aller nous poser sur la terrasse. Il faut avouer qu'Ally a des goûts décoratifs tout bonnement divins. Sa terrasse est un pu bijou : ces sofas ornés de dessins géométriques, la couleur bordeaux des coussins et les petites lampes accrochées à la tonnelle font de cet endroit celui que je préfère dans toute sa maison. Je vois dans les yeux d'Ally que quelque chose la préoccupe, et je décide de ne pas aborder le sujet immédiatement.
A la place, c'est elle qui commence la discussion.
- Lauren... On n'a pas réellement eu le temps de parler depuis... tu sais. Je voulais savoir si tu allais bien.
Si une autre personne m'avait dit ça, soit j'aurais menti, soit j'aurais envoyé des piques jusqu'à ce que cette personne arrête de me poser des questions personnelles. Mais c'est Ally qui demande, et elle mérite que je lui réponde honnêtement. Je lui souris tristement, consciente que les larmes sont proches de mes yeux maintenant. Non, elles ne tomberont pas.
- J'ai un énorme vide dans le cœur maintenant, comme un trou qui ne se comblera jamais. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est de ma faute, que... Attends avant de dire quoi que ce soit, je dis brutalement en voyant la bouche d'Ally s'ouvrir. Mais je vais bien. Je me reconstruits. Je me dis que j'ai Tay à mes côtés. Je t'ai, toi. Et j'ai... Camila.
Ally fronce les sourcils.
- Lauren, fais attention avec cette fille, murmure-t-elle.
- Comment ça?
- Tu es vulnérable ces temps. Ne te laisse pas avoir par un petit minois comme le sien. Dieu ne mène par les gens comme elle au Paradis.
Oh, la revoilà avec son Dieu de malheur. J'y crois pas. Nos seuls sujets de disputes sont la religion, et cela depuis toutes petites. Ally a grandi dans une famille de fervents croyants, tandis que je m'évertue à me rappeler que jamais Sa présence n'avait été ressentie à mes côtés lorsque mon père est mort, ou Chris. Je ne suis pas une fille de foi, je ne crois qu'en les hommes et leurs actions. Ally le sait très bien.
Mais ce qui m'énerve le plus, ce n'est pas sa petite morale spirituelle. C'est surtout le fait que j'ai mal caché mon jeu, et qu'elle se doute que Camila ait quelque chose à voir avec ma bonne humeur, et non pas Enzo comme les autres fois. Dieu sait ce qu'elle doit penser de moi. A vrai dire, je me fiche de son opinion, car je ne lui ai rien dit lorsqu'elle est sortie avec Troy. Bien que je n'ai rien contre lui, voir sa meilleure amie tomber amoureuse d'un fraudeur a été difficile à accepter. Maintenant qu'il s'est remis sur le droit chemin, je lui accorde mon pardon.
Je me lève alors, mais Ally me retient par le bras. Je reprends ma récente position et attends qu'elle ne me dise le fond de sa pensée.
- Ecoute Lau, je connais le regard que tu portes sur Camila : tu t'es attachée à elle, même si ce n'est pas forcément romantiquement parlant. Je sais ce que tu penses de l'attachement : je t'en prie, ne la détruis pas parce que tu penses que tu ne la mérites pas en tant qu'amie. Laisse-la faire ses preuves. Et...
Elle prend une pause et une grande inspiration en même temps, avant de fermer ses yeux, pour me dire :
- Et même si un jour ces sentiments que tu éprouves s'avèrent être un amour pur (ma gorge se sèche)... alors je ferai abstraction de ma foi pour te guider à travers cette étape importante. Je t'aime Lauren, et jamais tu ne me perdras.
C'est fou comme Ally a toujours de ces paroles et discours dramatiques. On se croirait dans Scandal ou dans une autre série de Shonda Rhimes. Je lui souris et serre sa main dans la mienne. Je ne dis rien, par contre. Je ne suis pas au clair quant à Camila, et je ne veux pas précipiter les choses. Surtout que je n'ai aucune idée de si elle partage mes sentiments "amicaux".
- Je t'aime aussi, AllyCat.
J'étais certaine que mentionner son surnom du lycée allait la faire rire. C'est sur cette note joyeuse que nous allons rejoindre les autres. Je fus surprise de constater le nouvel arrivage.
En effet, Normani parle maintenant avec les parents d'Ally, tandis que Taylor, Camila, Dinah et Sofia parlent ensemble. Lorsqu'elles nous voient arriver, elles me font toutes un signe amical (sauf Dinah, mais je commence à avoir l'habitude).
Je lance un regard interrogateur à Ally, l'air de dire "C'est quoi ce bordel", mais en plus poli.
- Je me suis dit que faire un dîner avec les principaux acteurs du mariage serait une bonne idée, alors voilà! explique Ally, rejointe par Troy.
- Mes parents n'ont malheureusement pas pu être là, mais on peut se passer d'eux, renchérit ce dernier en posant une main autour des hanches d'Ally.
J'acquiesce et fonce vers la cuisine pour me servir un verre de cognac. Comment puis-je réfléchir au sujet de Camila tranquillement si elle est partout? Je soupire plus fort que je le devrais. J'entends des pas derrière moi et me retourne. Dinah. Génial. Elle s'approche de moi et prend le vin pour y boire à la bouteille. Je la regarde faire, consciente que la question ou l'affirmation qui va suivre ne va pas être des plus plaisante. En fait, j'aurais dû faire psychologue comme métier : j'essaye toujours de déchiffre les gens, de savoir pourquoi ils agissent ainsi. Mon profil pour Dinah est le suivant : une fille aînée qui a grandi avec la pression de donner l'exemple à ses frères et sœurs, tout ça dans un quartier mal famé. Dieu sait dans quelles situations elle s'était retrouvée pour en être arrivée à détester les hommes. Elle les jette comme des déchets après qu'elle ait utilisé leurs corps.
J'ai un immense respect pour elle, c'est pourquoi je l'écoute sans broncher. Elle s'approche de moi avec un regard empli de défi.
- Bon, Jauregui, commence-t-elle d'une voix assurée. Il semblerait que je me suis trompée sur ton sujet : tu n'es pas une psychopathe manipulatrice sans sentiments.
- Euh... Merci? je demande, neutre.
Dinah lève ses yeux au ciel.
- Tu as peut-être sauvé Mila en la ramenant chez toi l'autre soir, mais je ne baisse pas ma garde pour autant. Tu sais très bien qu'elle est lesbienne, et qu'elle en pince sûrement pour toi. Si tu ne veux pas d'elle, n'expérimente pas. Ne lui parle plus. Je ne veux pas que son cœur se brise. Elle mérite plus que ça.
- Je suis d'accord avec toi.
Je tourne les talons et vais rejoindre Normani pour faire honneur à l'excellente nourriture qu'Ally a fait venir du Mexique.
