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PDV Camila

Elle est cachée derrière sa tour d'Ivoire et ne lance que des regards vides de vie. Elle regarde dans le vide, puis les nuages et le ciel, puis le vide à nouveau. Ses sourcils sont froncés légèrement. Ses émeraudes sont éteintes. Son nez parfois bouge un peu, tandis que son menton se contracte de temps en temps. Des larmes sont retenues. Des cris sont étouffés. Dans sa tête dansent sans doute mille et un remords. Sur son bureau, une photo d'elle, Taylor et... Chris. Elle évite de poser ses yeux dessus, alors qu'elle conserve son silence.

Je m'asseye en face d'elle et croise mes jambes. Elle m'ignore totalement et tape quelques phrases sur son ordinateur. J'aime la regarder. Elle feint d'aller bien, elle enfile son costume de fille froide pour que le monde oublie qu'elle va mal. Les médias se sont emparés de l'affaire, et de centaines de messages d'encouragement lui ont été envoyé. Une cinquantaine de lettres non-ouvertes sont posées dans sa poubelle. Le portrait d'elle et Ally est accroché au mur cette fois-ci, et l'image avec Enzo a disparu. Je n'ose poser la question, consciente que ce serait bien trop subjectif. Après tout, ce ne sont pas mes affaires.

Lorsqu'enfin elle lève les yeux vers moi, je ne perçois plus cette complicité qui avait tout juste débuté à naître entre nous. Elle joint ses mains ensemble et me dévisage. Je ressens des frissons au passage de ses yeux, et elle se contente de rire. Un rire jaune, un rire faux. Un rire totalement forcé, je le sais, mais qui me réchauffe le cœur.

Je perds alors patience.

- Tu voulais me voir? je demande le plus calmement possible.

Elle me lance un regard électrique qui me fait frissonner une fois je plus. Je comprends bien évidemment sa peine car j'aurais eu la même pour Sofia. Mais sentir le ton froid qu'elle va employer venir ne prévoyait rien de bon.

Je ne cille pas, déterminée à rester forte devant elle.

- Oui. Il se trouve que le professeur de danse qu'Ally a embauché pour t'apprendre la valse a un empêchement cette semaine.

- Très bien, alors nous ferons ça la semaine prochaine, je concède, dubitative.

Tandis que je me lève, Lauren me retient en un regard. Je reste debout, face à elle qui se lève en soupirant. Elle contourne son bureau pour se retrouver à un petit mètre de moi. Je sens des palpitations dans mon cou mais les ignore.

Elle lève une une main sur le côté, tandis que l'autre n'attend que mes hanches pour se poser. Je fronce les sourcils, et elle me dit:

- Ally veut que ce soit bouclé aujourd'hui, de sorte à ce que les préparatifs pour le mariage avancent comme ils sont censé avancer.

Je reste impassive.

- Et tu veux danser avec moi? je demande, consciente de l'arrogance dans ma voix.

Ma réplique lui arrache un sourire. Elle s'approche de moi et je suis forcée de me contrôler. Arrête ça Mila, elle a un copain. Elle ne va pas le laisser tomber pour une presque inconnue au bataillon.

- C'est moi qui vais t'apprendre.

J'en ai le souffle coupé. Elle pose sa main sur ma hanche et me lance un regard amusé.

- Tu ne serais tout de même pas gênée, Camila?

Chaque fois qu'elle prononce mon prénom, j'en veux plus. J'avale difficilement ma salive et lui fais une grimace amicale. Elle me sourit, avant de continuer ;

- Pose ta main droite sur mon épaule, et la gauche dans la mienne.

J'obéis à ses ordres. Elle commence à faire trois pas par trois pour nous emener dans un manège dont ses yeux sont le moteur. Je la suis, reconnaissante envers ma mère qui m'avait appris la valse. Lauren s'étonne de mon habileté et me lance un regard que je qualifierait de perdu.

Très vite, elle reprend le dessus, et nous rions en coeur. Tout s'accélère, et je sens mon coeur s'envoler. C'est la première fois que quelqu'un me fait cet effet.

Non Mila. Tu rêves trop haut pour toi.

Lorsque notre danse endiablée s'arrête enfin, nous restons dans la même position une petite dizaine de secondes. Sans que je puisse les en empêcher, mes yeux glissent des yeux de Lauren à ses lèvres. J'ai tant envie de...

Elle brise le contact en souriant, s'éloignant alors de moi pour de diriger vers le réfrigérateur, duquel elle sort une bouteille de vin rouge hors de prix. Je reprends mes esprits et m'approche d'elle.

Elle me sourit.

- Merci de ne pas être une aussi pitoyable danseuse que je le pensais, me dit-elle d'une voix douce. Je suppose que je devrai remercier Sinuhe.

J'aquièce immédiatement, évitent son regard. Elle me tend un verre et nous trinquons. Je me rends compte que Zayn n'est pas à son bureau.

Je décide de lui répondre alors;

- Tu es une bonne professeur Lauren.

Lorsque son prénom s'échappe de mes lèvres, je me raidis. Le ton que je viens d'utiliser est celui réservé aux conquêtes amoureuses qui comptent réellement. Je me rends compte que jamais je n'avais réellement été éprise de quelqu'un. Avant aujourd'hui. Je lance un regard à Lauren : elle a remarqué ma voix rauque et me dévisage d'un air surpris.

Elle fronce les sourcils.

- Si tu le dis.

Sa réponse m'enlève un poids sur les épaules. Elle n'a pas relevé. Je soupire et, avant de partir, je la remercie pour la petite leçon. Je tente de ne pas frissonner lorsqu'elle me fait la bise, puis pars d'un pas assuré et pressé vers la porte.

Je sors de Jauregui Industries sous les flash des photographes. Je tente de me protéger des regards indiscrets, me demandant pourquoi ils sont tous sur moi, avant d'apercevoir mon sauveur ; Troy est garé à quelques mères de là. Je me précipite vers la voiture avant de claquer la portière.

Je reprends mon souffle alors que Troy démarre. Lorsqu'il tourne à l'angle de la rue, je constate avec bonheur que personne ne nous suit. Troy a les yeux braqués sur la route.

Il a l'air en colère.

- Dis-moi, qu'est-ce qui se passe? je demande, stupéfaite.

Il prend encore un virage avant de me parler.

- Lauren a rompu avec Enzo, et maintenant la presse fait ce qu'elle fait toujours; trouver un coupable.

Mon sang se glace dans mes veines.

- Attend, ça veut dire qu'ils pensent que Lauren et moi... ?

- Oui, me coupe-t-il.

Je plonge ma tête dans mes mains. Lauren va m'en vouloir, j'en suis certaine. Ou alors faire une déclaration blessante disant que je ne suis rien pour elle. Je soupire bruyamment.

Troy pose une main sur mon épaule.

- Ne t'en fais pas, Lauren va arranger ça. Maintenant, je t'emmène chez Ally.


Eʟʟєs (Cѧmяєň)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant