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PDV Lauren.

C'est lundi matin.

Je hais les lundis. Ma mère est partie un lundi. Mon père est mort un lundi. Je hais tant cette journée que le reste de la semaine, chaque journée ayant sa propre histoire. Pourtant, je me lève tous les jours pour aller travailler. Je ne sors que rarement, et je me réveille tôt parce que mes nuits sont hantées par des cauchemars. J'ai beau toujours avoir du monde autour de moi, je me sens terriblement seule. Enzo est un formidable petit-ami, mais je n'ai pas l'impression qu'il soit MA personne. Vous savez, cette personne qui est simplement l'autre partie de vous, qui vous vole votre âme et votre cœur, pour ne rien laisser quand elle part. Eh bien cette personne, j'ai peur de la trouver. Donc je suis avec Enzo. Non que je ne ressens rien, mais plutôt que je ressens de moins en moins de choses pour lui.

Aujourd'hui, il a enfilé son plus beau costume pour la venue de ma famille, et également pour avoir l'air d'un homme très important - ce qu'il est censé être à mes yeux. Ne plus l'aimer comme avant me faisait me sentir terriblement mal : il est tellement gentil et attentionné. S'il avait été gay, ça aurait été plus simple. Je soupire et me tourne vers mon bureau, armée de mon sourire faux et de ma bonne humeur fictive. Je souris alors aux personnes présentes dans la pièce.

Ma tante avait déposé Chris et Taylor un peu plus tôt dans la matinée. Le premier a 18 ans, et a le gabari d'un rugbyman : à vrai dire, il est le capitaine de l'équipe de son lycée, et aussi dans les meilleurs élèves. Je ne parle pas beaucoup avec lui, car il ne semble pas très enclin à me recevoir. A vrai dire, nous sommes plutôt proches, mais il préfère être seul. Il est très mature pour son âge et a toutes les filles à ses pieds, sauf celle qu'il veut. Le pauvre. Quant à Taylor, du haut de ses 17 ans, elle étudie dans le même lycée que Chris, mais une année de moins. Pour elle, je suis l'exemple à suivre. Je lui ai tant de fois répété de forger sa propre voie qu'elle est partie à l'opposé de moi pour ses études : en arts visuels. Et, pour tout vous dire, c'est une artiste.

Ils sont tous deux sur le canapé, Chris ayant les yeux rivés sur son téléphone et Taylor sur la télévision, regardant les nouvelles. Enzo, quand à lui, arrive avec notre dîner et distribue à ma famille une Pasta Box thaïlandaise, et nous mangeons tous devant la télévision. Je croise plusieurs fois le regard de mon amoureux, qui me sourit gentiment.

Tandis que nous sommes tous tournés vers la télévision et que Zayn n'est pas là pour réceptionner un quelconque client, je suis surprise par des coups contre la baie vitrée. Je me lève d'un bond et fait volte-face, pour découvrir une jolie brune souriante. Mon cœur fait un énorme bond dans ma poitrine et je manque de laisser tomber ma Pasta Box par terre. J'ai un immense chignon mal fait sur la tête et me suis à peine maquillée ce matin. Quant à ma tenue vestimentaire, j'avais opté pour le jean noir et une chemise blanche quelconque. Et elle, elle a sorti le grand jeu : une tunique plus courte que les autres, un bon choix vu la chaleur qu'il fait dehors. Ses jambes sont vraiment très belles.

Je m'approche d'elle, tandis que les regards de ma sœur et de mon copain sont fixés sur ma nuque. En la voyant rire bêtement, je sens une vague d'irritation monter en moi. Je lui indique de sortir de la pièce pour que je puisse fermer derrière nous. Je plonge ensuite mon regard dans le sien, en choisissant soigneusement mes mots, sèche et directe :

- Camila, vous n'avez pas pris de rendez-vous. De plus, le bureau est fermé de 12h à 13h. Vous seriez gentille de repasser plus tard, merci.

Tandis que je me retourne, elle tousse. Je lui fis face à nouveau, les bras croisés sur ma poitrine, énervée. Je n'ai non plus pas une patience à toutes épreuves.

- Si je suis venue si expressément, c'est qu'il y a une raison, vous le pensez-bien, répond Camila.

Elle est indéchiffrable. Je sens une légère pique d'arrogance dans sa voix, ainsi qu'un manque évident de patience. Je pose mes mains sur mes hanches, ce qui l'incite à poursuivre;

- Je dois vous emmener chez Kordei Design pour que vous choisissiez votre robe.

- Quoi? Mais Ally avait dit mercredi, je..., tentai-je de conter.

- Vous savez Lauren, dans la vie il y a des changements de plans. Tout le monde passe par là. Prenez vos affaires, Enzo pourra faire le babysitting à votre place.

Je la fusille du regard. Elle reçoit comme une décharge électrique tandis que je vais chercher ma veste et avertir ma famille de ce récent changement de plan. Taylor insiste alors pour venir, et je me dis que c'est une bonne chose. J'attrape ma veste et le bras de ma petite soeur, avant de passer devant Camila, qui ne posa aucune autre question et nous suit. Taylor semble excitée, tandis qu'elle essuie les regards noirs de Camila. Je me demande alors ce que la brune pense : est n'est quand-même pas jalouse de ma sœur? Arrête, elle est lesbienne, ça ne veut pas dire qu'elle a un crush pour toi, idiote. Je m'en veux d'avoir de tels préjugés.

Taylor monte à l'avant, comme à son habitude, et Camila prend le siège de derrière, non moins confortable. Ma sœur n'est pas le genre de personne à se gêner : elle branche son téléphone avec un câble et enclenche Spotify. Des musiques récentes se succèdent, pour le plus grand plaisir de mes oreilles. Camila reste silencieuse, et j'ose quelques coups d'œil dans le retro : elle regarde par la fenêtre, imperturbable.

Une fois garée devant le magasin, nous sortons de la BMW et allons retrouver Ally. A la vue de ma petite sœur, cette dernière s'élance vers elle pour la serrer dans ses bras. Bien sûr que Taylor et moi sommes un peu comme ses sœurs. Fille unique, Ally n'a jamais eu l'opportunité de se confier à une sœur ou à un frère. Elle nous a nous, et Chris parfois. Pendant ces retrouvailles, je me positionnai aux côtés de Camila, étonnement silencieuse.

Sans tourner la tête vers elle, je lui dis, presque oisivement :

- Ne soyez pas jalouse, Taylor n'est que ma sœur.

Je devine ses yeux s'agrandir et son regard se tourner vers moi. Je lui lance un petit regard taquin, mais elle semble bien trop sérieuse. Est-ce vraiment ce qu'elle pensait? Etait-elle réellement jalouse de Taylor? Non Lauren, arrête. Sans que je ne sache pourquoi, la petite voix dans ma tête exprime exactement le contraire de ce que j'aimerais faire. Jouer avec les nerfs de Camila n'est pas quelque chose de très sain, mais j'aime ça.

Camila me sourit et répond d'une voix sexy:

- Voyons Lauren, ne prenez pas vos rêves pour des réalités.

Je ris à ces mots, et son rire cristallin rejoint le mien. Cela attire l'attention des deux autres fille, qui se tournent vers nous. Je fais un geste de la main pour leur indiquer d'ignorer ce qui vient de se passer. Nous continuons à rire, tandis que je songe : "Elle n'est pas si désagréable, finalement." Je souris bêtement avant de m'avancer vers Taylor pour passer mon bras autour de ses épaules et de l'attirer à moi pour déposer un léger baiser sur son front.

Des bruits de talons résonnent alors, et Normani apparaît, sublime comme à son habitude. Elle nous fait à chacune la bise - sauf à Taylor à qui elle fait un check - et s'écrie sur son ton réjoui:

- Bon, cet essayage, c'est pour aujourd'hui ou pour demain?


Eʟʟєs (Cѧmяєň)Where stories live. Discover now