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1. UNE MATINÉE AGITÉE
PDV Camila

Mes yeux mirent quelques secondes pour s'habituer à la lumière de l'aube qui illuminait la grande pièce. Je regardai autour de moi; seuls des tableaux, un lit et un miroir constituaient l'immobilier de la chambre, dans un style très design. Cet endroit m'était totalement inconnu, et ne ressemblait en rien à mon petit appartement d'étudiante, qui devrait plutôt s'appeler une décharge.

Je pris l'initiative de me lever et de sortir de cette chambre si bien rangée que j'en étais nauséeuse. Ce que je découvris au-delà de la porte ne m'enchanta pas non plus: Un immense salon doté de deux canapés blancs, une télévision à écran plat et un piano à queue blanc au milieu. Le salon était relié à la cuisine par un bar en céramique blanche (pour changer), tandis que des tapis noirs faisaient du relief. J'eus l'impression de me retrouver chez ce cher Crésus.

Je pris une grande inspiration en m'approchant du bar. Dessus y étaient posées plusieurs boîtes, accompagnées toutes deux de post-it. Une belle écriture féminine formant des boucles très classy qui attira immédiatement mon attention. "Pour ton mal de tête". C'était dingue comme tout était prêt pour moi. Sans me poser de question, j'avalai la pilule et lut le second mot: "Pour tes nausées". Je répétai mon geste et considérai le reste de la cuisine.

Un autre post-it était collé au réfrigérateur. Je le lus avec délectation: "Tu dois avoir faim. Il y a une boîte orange remplie de pancakes. Tu n'es pas obligée d'attendre mon retour pour t'en aller." J'étais frustrée de ne connaître l'identité de la personne chez qui je m'étais réveillée.

Je sursautai lorsque mon téléphone vibra dans ma poche de training - oui parce qu'en plus j'étais vêtue très vulgairement dans un lieu si sophistiqué. Je vis s'afficher la tête de Dinah ainsi que son petit nom sur mon écran : DJ. Je décrochai en me servant de pancakes.

- Ouais DJ? dis-je d'une voix neutre.

- Hey, heureuse de te savoir en vie! s'exclama Dinah à l'autre bout du fil. T'es où?

Dinah Jane Hansen était ma meilleure amie depuis la première année de lycée. Nous nous étions rencontrées dans l'équipe de Basket-ball et avions lié une amitié fusionnelle dès lors. Je devais bien avouer que nous étions une paire totalement complémentaires, même si nous avions de nombreux points en commun.

Le point positif de vivre avec Dinah est que nous n'étions pas trop invasives. Lorsqu'elle finissait avec des garçons en soirée, soit elle allait chez eux soit ils allaient à l'hôtel (au frais du garçons bien sûr) et il en était de même pour moi.

Je pris quand même le temps de répondre entre deux bouchées :

- Écoute j'en sais rien, mais c'est une fille friquée!

- Bien joué Mila! s'esclaffa Dinah, et je pus deviner son sourire à l'autre bout du fil. Elle est canon?
- Je sais pas, elle n'est pas chez elle. Je vais me tirer vite fait avant qu'elle rentre pour ne pas avoir à être déçue! dis-je d'une voix vicieuse. Je suis sûre qu'elle est hideuse.

- Bah écoute, on peu pas avoir richesse, intelligence et beauté tout dans un corps! s'exclama Dinah, hilare.

- À tout-à-l'heure vieille peau!

Je raccrochai et mangeai en quatrième vitesse, histoire de mener mon plan à bien. Lorsque je cherchai mes vêtements des yeux, je remarquai que mon sac à main était posé sur le canapé, accompagné d'une pile d'habits fraîchement lavés - qui s'avéraient être les miens - ainsi qu'une autre pile d'habits neufs sur lesquels un post-it était posée. Je m'en emparai, toute excitée. "Je pensais que ça t'irait bien, en tenant compte de ta morphologie." J'eus un petit sourire bêta.

Je dépliai ce qui s'avéra être une robe, ou plutôt un long pull colle-au-corps noir, parsemé de rayures blanches. Il venait de Zara, droit le genre de magasin que mon budget m'interdisait formellement.

Je me regardai un instant dans le miroir après m'être maquillée lorsqu'une voix rauque retentit derrière moi, m'arrachant un sursaut phénoménal.

- Elle te va bien.

Je dis volte-face et restai bouche bée devant la sublime créature qui se tenait devant moi. À vrai dire je devais me concentrer pour ne pas baver sur place. Elle avait mon âge ("heureusement") mais semblait déjà trop sérieuse pour une fille de 21 ans. Son visage était pâle et froid, ce qui accentuait encore plus la couleur émeraude de ses iris. Je ressentis un frisson lorsque je plongeai me s yeux dans cette infinité glacée. Ses longs cheveux noirs étaient retenus en arrière en une demi-queule, visiblement au naturel. Je fus choquée de constater que sa tenue vestimentaire était à l'image de son appartement : classy & fancy.

Elle posa son sac à main Dior sur une chaise du bar et commença à pianoter sur son téléphone, avant de reposer ses yeux sur moi.

- Bien dormi? demanda-t-elle d'une voix sèche. Tu étais dans un drôlement bel état hier soir.

Je me sentais totalement pas à ma place. Elle était très imposante, très impressionnante malgré le fait qu'elle fasse bien trois centimètres de moins que moi. Je dus me concentrer pour faire une phrase concrète et synthétique, reflétant ma profonde "indifférence" ;

- Très bien, annonçais-je, soutenant son regard tandis qu'elle rangeait ses clefs. Je ne me souviens de rien pour être honnête.

La jeune femme ne sembla pas être surprise. Elle ne répondit rien. Il faut savoir que je suis quelqu'un de très fière, une personne qui n'aime obéir qu'à elle-même. J'étais difficilement impressionnable et très rarement hors de mes gongs. Alors oui, cette fille me mettait mal à l'aise, mais un soudain désir de lui produire des l'effet ou de l'impressionner monta en moi.

Je m'aprochai du canapé et m'y accoudai. Je pris la parole d'un ton assuré qui me valut un regard de sa part. C'était dingue comme ses yeux étaient atypiques : jamais je n'en avais vu de si verts.

- Hier soir... Est-ce qu'on a...? risquai-je tout en conservant mon ton assuré.

Elle éclata d'un rire clair et très grave, avant de passer la main dans ses cheveux pour ensuite me dire d'une voix amusée:

- Nous avons dansé ensemble une bonne partie de la soirée, conta-t-elle. Ensuite, vers 1:00, j'allais rentrer quand je t'ai vue, assise sur le trottoir toute seule. Tu m'as dit que tu ne savais pas où se trouvait ta meilleure amie donc je t'ai emmenée ici et tu t'es endormie directement.

Elle me sourit et enleva sa jaquette, s'aprétant à aller se doucher. Je savais très bien qu'elle était hétéro car elle me l'avait dit lorsque nous dansions - c'est le seul souvenir que j'avais de la veille - mais ressentis un besoin pressant de demander:

- Explique moi comment mes vêtements se sont déplacés de mon corps à ton lave-linge, j'ai du mal à comprendre.

Elle prit bien son temps pour me dévisager. Rien dans son expression ne m'indiqua ce qu'elle pensait. Elle était totalement introvertie et ne semblait pas présenter le moindre signe de faiblesse. Elle avait une maîtrise d'elle-même tout bonnement impressionnante.

Elle finit par me lancer un sourire assuré et me répondit d'une même voix:

- Adieu Camila.

Elle n'attendit aucune réponse de moi et entra dans sa salle de bain. Elle avait très clairement signifié que je devais m'en aller. Je quittai son magnifique appartement pour marcher d'un pas pressé. Je m'arrêtai au MacDonalds du quartier avant de rentrer chez moi.

Une pensée s'empara alors de mon esprit, et je ne pus m'empêcher de jurer tout bas. "Je ne sais même pas son nom".

Eʟʟєs (Cѧmяєň)Where stories live. Discover now