Chapitre 58: Après le départ

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Pdv Omar 

Je l'entends encore dévaler les marches quand je suis derrière la porte. Ses pas sont lourds et leurs échos, infinis. Le poids des sacs et de la boîte m'accable. Ils sont si lourds que je les pose à même le sol. Le cling cling de la bouteille de vin m'attire. Elle est accompagnée par un plat de pabellón, quelques fraises enrobées de chocolat et deux chandelles. Il avait prévu un vrai repas "en amoureux". Il pensait vraiment que nous allions être ensemble. Il avait l'espoir qu'après toutes nos batailles l'un contre l'autre, nos guerres parfois, nous serions en paix. Et ensemble. C'est tout ce qu'il voulait mais je ne peux pas lui donner. C'est pas que je ne l'aime pas, au contraire. C'est simplement que je suis terrifié. C'est devenu très concret cet après-midi. Je savais qu'il m'aimait, je le sentais dans ses gestes, dans ces mots, mais j'ai choisi de les ignorer. J'ai préféré le déni : je me levais chaque matin - voyant Edvin m'aimer - en prenant son affection, m'en nourrir en ne lui laissant que des miettes. Presque rien. Des gestes d'affection et des mots distillés ça et là, au gré de mes envies. Voir son visage encore plus attristé à mesure que je lui balançait des horreurs que je ne pensais même pas, avait été le pic de ce que je pouvais endurer. J'ai le cœur brisé. Tout comme lui j'imagine. Mais c'est pour le mieux. Mieux pour lui. Il a mal maintenant, ça va durer quelques semaines, mois tout au plus, puis il pourra passer à autre chose. Ça sera encore plus facile quand la hype du film sera retombée et que les l'attention des journalistes et des spectateurs sera portée sur un nouveau couple ou une autre série à succès. Après tout ça, il pourra guérir, avancer et retomber amoureux d'une autre personne qui le mérite. Une vraie relation. C'est tout ce qu'il mérite mon beau blond au cœur infiniment bon, aux yeux de miel et à l'âme si pure qu'elle apaise même mes cauchemars les plus sombres. Il mérite qu'on l'aime pour lui même, pour de vrai et pour toujours. Il mérite qu'on l'aime sans avoir peur, sans lui mentir, sans retenue. Il mérite qu'on l'aime comme je ne le fais pas. Mi amor ...

Les paroles d'Edvin ne peuvent pas me quitter. "Tu te rappelles quand tu doutais de tes talents d'acteur ? Hé bien ne doute plus, tu mérites un award". Il avait prononcé ces mots sans colère, d'une voix presque sereine. Son visage était neutre, un rictus sur les lèvres. C'est comme s'il constatait simplement un fait. Un truc simple et sans importance. C'était peut-être une façade, je ne sais pas. À l'intérieur de moi, mon cœur déjà fragilisé avait cessé de battre. Il s'était arrêté net, s'était fissuré puis avait redémarré. Chaque pulsation est douloureuse, brûlante. Je sens les débris me taillader ce qu'il reste de mon cœur. Chaque respiration est terrible aussi. On dirait que tout à l'intérieur de moi essaye de s'échapper. Mes larmes coulent le long de mes joues, de mon cou et inonde mon haut noir. Tout se dérobe sous mon propre poids. Même mes jambes me lâchent. Je me retrouve assis par terre dans mon entrée glaciale, à côté des "cadeaux" apportés par Edvin. J'essaie de me ressaisir, de me calmer mais rien n'y fait. Mon cœur est en mille morceaux, et savoir que j'ai pris la bonne décision ne m'aide pas à aller mieux. Je sais que j'ai eu raison. Des images d'Edvin la tête ensanglantée contre le tableau de bord se mêlent à la voix de Léna. "La vie est un cadeau Omar, il faut la vivre à fond". Puis le rire de l'homme que j'aime se fait entendre, c'est un son plein de soleil et de douceur, pourtant tout ce que j'aperçois à travers le brouillard de mes yeux, c'est un trou noir. Tout est noir, la seule lueur que je détiens, c'est celle de l'espoir d'avoir pris la bonne décision. Éloigné Vi de moi avant que la chute ne nous soit fatale. Même s'il est tombé, il ne se fracassera pas au sol comme moi. La peine et la douleur seront là, mais il se relèvera, pas moi. J'ai perdu les deux seules personnes dont je suis tombé amoureux. Une car je n'ai pas été assez prudent et l'autre car je le suis trop. La peur me paralyse. Le trou noir est de plus en plus proche. Au bord de ce dernier, je décide d'ouvrir la bouteille de vin pour me donner du courage. Comme je bois rarement, l'effet escompté arrive vite. Je saute et tout n'est qu'une succession de souvenirs heureux, de voix riantes, de morts qui dansent et de baisers enflammés. C'est une chute vertigineuse qui semble sans fin.

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