Chapitre 57

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Dans le couloir de l'immeuble que j'ai quitté plus tôt dans la journée, à quelques pas à peine de son frère, Tina se fige. Je me tourne vers elle afin de mieux l'observer. La peur et l'incertitude se lisent dans ses yeux, et même si nous ne parlons pas la même langue, je tente de la rassurer.

— Tu hermano vive aquí. Te extrañó tanto, que sólo espera tu regreso. ( Ton frère vit ici. Tu lui as tellement manqué, il n'attend que ton retour.)

Quand je me suis pointée à la porte de son appartement haut de gamme, en suivant les instructions données par Luis, j'ai su qu'elle se souvenait de moi. Sa pureté tout comme son innocence m'ont captivé pendant un instant durant lequel, elle s'est contentée de m'observer sans exprimer une quelconque émotion. Après avoir mentionné les prénoms de son frère et de sa sœur, elle n'a pas hésité une seule seconde avant de me suivre. Le trajet jusqu'ici s'est fait en silence, et cet aspect de sa personnalité n'est pas sans me rappeler celui de l'homme qui s'est frayé un chemin dans ma vie.

Je m'avance jusqu'à la poignée que je tourne, puis me décale pour la laisser passer.

— Ve con él *, l'encouragé-je. ( Va le rejoindre. )

Seul le léger mouvement de sa tête me confirme qu'elle m'a entendue. J'entre sur ses talons et prends soin de rester dans l'entrée pour ne pas envahir leur intimité. Bouche bée, Ezequiel l'observe d'abord de loin. Puis dans un geste précipité, il l'a rejoint afin d'attraper son visage en coupe, comme s'il cherchait à s'assurer qu'elle est bien réelle. Ils s'échangent quelques mots dont la signification m'échappe encore une fois, tandis qu'il la serre contre lui. Les joues de Tina se noient sous ses propres larmes, mais Ezequiel continue de lui parler à voix basse. Cet amour fraternel, mélangé à la douleur et aux remords, me serre la gorge. Incapables de se séparer, ils restent longtemps dans cette position et de mon côté, je lutte pour contenir l'émotion qui s'accumule sous mes propres paupières.

Mon portable qui vibre contre ma cuisse me reconnecte à la réalité. Avec hâte, j'ouvre le mail du commissaire Lopez et laisse un sourire m'échapper en lisant les mots qu'il a fait l'effort de traduire en anglais.

" Mademoiselle Davis, si nos équipes confirment l'authenticité de vos enregistrements, la réhabilitation de monsieur Ezequiel Martinez Hernandez se fera sous peu. Ce qui signifie que l'entièreté des charges qui pesaient contre lui seront déclarées caduques, y compris les plus récentes ajoutées à son dossier : évasion de la prison de Santa Martha Acatitla, falsifications d'identités et d'informations au sujet de son prétendu décès.

Toujours dans l'attente de la conformité des preuves, nous avons placé Madame Rios en garde à vue à compter de ce jour.

Je regrette que notre unique entrevue se soit déroulée de cette façon et je serai ravi de collaborer à l'avenir avec vous."

— Qu'est-ce qui te fait sourire, comme ça ?

La voix grave d'Ezequiel me fait sursauter.

— Un mail que je viens de recevoir...

Je suis dans l'impossibilité de terminer cette phrase, et pour cause ses lèvres viennent à la rencontre des miennes, alors que ses doigts s'entremêlent à mes cheveux pour approfondir notre baiser. Lorsqu' il met fin à notre contact, il me murmure, le souffle court :

— J'ignore comment tu es parvenue à un tel exploit, mais je sais qu'une vie entière ne suffira pas à te remercier.

— Tu ne me dois rien, Eze.

Le coin de sa bouche s'étire quand il me réplique, avec une pointe d'espièglerie :

— Ma demande, pour que tu restes vivre à mes côtés était trop subtile pour toi ?

Je laisse mon index suivre le contour de sa mâchoire, pour m'empêcher de le frapper alors qu'un petit rire m'échappe.

— Hum... Je vais y réfléchir.

Il se marre tout en déposant des petits baisers sur mon visage.

— Je vais te laisser avec ta sœur.

— Tu ne vas nulle part, Laina, objecte-t-il, catégorique. On va s'occuper d'elle, et ensuite, toi et moi, on ira dans la chambre.

— Ah ?

— Tu vas devoir m'expliquer comment tu es parvenue à une telle prouesse.

— Mince, répliqué-je taquine, tu es doué pour briser tous mes espoirs en un claquement de doigts.

Je pose mon front contre le sien, tandis que dans un sourire effronté, il me souffle :

— Tu sais bien que je suis incapable de ne pas répondre à la moindre de tes attentes.

— Ça tombe plutôt bien parce que je meure de faim.

D'abord seul, son rire grave résonne autour de nous mais très vite, le mien le rejoint. 

FrontièreWhere stories live. Discover now