Chapitre 2 - Partie 2/2

157 23 53
                                    


Le box exigu, privé de lumière naturelle, est éclairé par une grosse ampoule nue. Les murs jaunâtres sont écaillés, et pour seuls mobiliers, sont mis à disposition une table blanche et deux chaises qui ont connu des jours meilleurs. Je fixe la caméra noire accrochée dans un angle et dont le clignotement rouge attire l'œil, avant de m'asseoir. Immédiatement, je remarque la cruche et les deux gobelets. Sans me poser de question, je me sers et avale avidement l'eau tiède, malgré le goût chloré. Dans un excès de confiance, j'ai même l'audace d'en boire un second mais avant de reposer mon verre, la porte s'ouvre et je suspends mes gestes.

Portant l'uniforme carcéral, composé d'un pantalon ample beige et d'une chemise à manches longues de la même couleur, un prisonnier qui doit être Ezequiel, se fige à quelques mètres de moi. Je ne sais pas pourquoi mais je ne l'avais pas imaginé comme ça. Grand aux épaules carrés, ses cheveux noirs sont coupés courts et ses yeux sombres me mettent étrangement mal à l'aise. Sans se donner la peine de me rejoindre, il s'adosse contre l'une des parois et penche légèrement la tête sur le côté pour m'observer.

Je pose mon verre et lui offre un petit sourire auquel il ne répond pas.

— Salut, je m'appelle Joy. Je travaille pour un journal à San Diego et mon patron souhaite faire un article sur toi. Je ne te promets pas qu'il sera suffisant pour faire rouvrir ton dossier mais on pourrait essayer, qu'en penses-tu ?

Un long silence gênant s'étend entre nous.

— OK, peut-être que tu pourrais commencer par me raconter toute ton histoire, depuis le début ? Disons, au moment de ton arrestation ?

Nouveau silence. Et le regard perçant qu'il pose sur moi, n'aide pas à me détendre. Bien au contraire puisque mes doigts commencent à trembler.

— Tu comprends ce que je te dis ?

Je commence à me demander si Oliver ne s'est pas trompé. A tous les coups, ce mec n'intègre pas un seul mot qui sort de ma bouche.

— Super, tu ne piges rien...

Il prend une profonde inspiration et ne détourne son attention de mon visage, que pour regarder le gobelet posé sur la table.

— Tu as soif ?

Je prends le verre pour le tendre dans sa direction mais il reste immobile, sans ciller.

— Fais chier ! Je pourrais tout aussi bien te parler de petits canards, de cocaïne ou de gang bang que tu ne réagirais pas, pas vrai ? Et comme je n'ai pas mon portable sur moi, on peut oublier le traducteur.

Je remonte les manches de mon pull et me lève, prête à déguerpir, quand je surprends son regard se poser sur mes bras. Par mimétisme, j'en fais autant.

— Je ne suis pas malade mais probablement allergique à la laine. Laina, ça te parle ? Ouais t'as raison, reste stoïque. De toute façon, ça ne doit sûrement pas se dire comme ça.

Dans le couloir, je compte cinq gardiens qui font des allers et retours en scrutant attentivement ce qui se passe à l'intérieur de chaque compartiment. Ezequiel ne s'en préoccupe pas contrairement à moi, qui suis incapable de ne pas leur rendre leurs regards suspicieux.

— C'est pas commode ici, hein ?

Son absence de réaction ne me surprend pas.

— J'aurai aimé que tu me dises comment tu es arrivé là. Mon patron pense que tu es enfermé à tort mais c'est un nigaud, alors j'en sais rien. Et puis il faut dire que tu as bien une tête de tueur... Ne te méprends pas, t'es plutôt pas mal mais tes yeux font vraiment flipper.

C'est le meilleur moment de ma journée, je peux sortir sans filtre, tout ce qui me passe par la tête sans craindre d'être jugée, puisque le type n'en saisit pas le sens. Bien sûr, c'est frustrant d'avoir fait ce voyage pour rien alors je décide d'en tirer quand même quelque chose. Et je dois bien avouer que mon monologue m'amuse.

J'essuie les paumes de mes mains sur mon jean puis me dirige vers la sortie. Lorsque j'arrive près de lui, nos pupilles s'accrochent et nerveusement, je tripote mes cheveux blonds. Je le contourne et lève la main pour frapper contre le verre.

— Prends un médoc, pour ton ventre.

Incrédule, je me tourne lentement vers lui.

— Tu parles ma langue ?

Son sourire suffisant, dévoile une dentition parfaite. Je m'empourpre en essayant de me rappeler toutes les imbécilités qui sont sorties de ma bouche. Je me souviens lui avoir dit qu'il était mignon, après avoir fait référence à une pratique sexuelle bien particulière, sans oublier ma merveilleuse réflexion au sujet de ses yeux de tueur. Fais chier !

— C'était un détail que tu aurais pu mentionner avant que je me ridiculise, non ?

Il garde les lèvres scellées mais je ne peux pas m'empêcher de le questionner, de nouveau.

— Qu'est-ce que je vais avoir, au ventre ?

— Tu le découvriras bien assez tôt, laina.

Non seulement le mec parle un anglais irréprochable et en plus il se permet de me vanner. J'ouvre la bouche prête à lui faire passer l'envie de sourire quand un gardien pousse la porte avec fracas.

— Se acabo el tiempo. 

— Ça veut dire que tu dois te casser.

Je le dévisage froidement.

— Ouais merci, j'avais saisi l'idée.


Traduction :

 Se acabo el tiempo. : Le temps est écoulé, en Espagnol 

FrontièreWhere stories live. Discover now