Chapitre 19

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Le silence qui accueille ma dernière réplique est à deux doigts de me faire suffoquer. C'est comme si chaque seconde qui passe restreint l'espace des lieux. Il ne manquait plus que ça, je deviens claustro. Fais chier !

— Une brebis ? répète-t-il d'une voix cassante.

Je me ventile en décollant le tissu de ma peau moite quand je murmure:

— Oui, tu sais bien.

Devant son air interrogateur, j'accentue mes mouvements et laisse s'échapper les mots qui se bousculent dans ma tête. Sans prendre la peine de les analyser ou de les mettre en ordre.

— Le coup de la savonnette sous la douche. Quoi que c'est surement un poil cliché et vu l'ambiance ici, il se pourrait que vous fassiez ça sans vous cacher. Probablement même sous les regards complices des gardiens. Ne te méprends pas, je sais bien que tu n'es pas consentant. Et ça me révolte que tu te fasses violer par d'autres. C'est abject, terrible, que tu sois ou non coupable. Tu veux que...

En captant son regard rieur, je ne parviens pas à terminer ma phrase. Bouche entrouverte, je cherche à comprendre ce qui m'échappe.

— Continue, je t'en prie.

— Quoi?

— Ton monologue est très instructif.

— Tu te payes encore ma tête ?

D'un geste plein de rage, je frotte mon visage.

— Et qu'est-ce qui te fait dire ça, exactement ? s'amuse-t-il.

Je me redresse et crache entre mes dents en désignant son colocataire.

— Il parle ma langue ?

— Non.

— Parfait, tu es d'humeur bavarde aujourd'hui alors profitons-en. Pourquoi es-tu rentré chez ceux dont on ne doit pas prononcer le nom, le jour du meutre ?

Devant son absence de réaction, j'enchaîne.

— Tu as attendu que ses parents partent à l'église pour pénétrer dans la maison. Tu voulais te retrouver seul avec lui. Pourquoi ? Qu'est-ce que vous vous êtes dit ? L'un de vous deux a-t-il déconnecté les caméras de surveillance ?

— L'interrogatoire est terminé ?

— Comment pourrais-je t'aider si tu refuses de répondre à mes questions ? Merde !

— A quel moment, je t'ai laissé penser que j'avais besoin de toi ?

— Tu prétends ne pas avoir peur alors qu'est-ce qui t'empêche de parler ?

Les mâchoires serrées, il ferme un instant ses paupières.

— Ezequiel !

J'ai à peine haussé le ton de ma voix pourtant il tressaute.

— Je suis désolée, je ne voulais pas...

— C'est juste que je ne suis plus habitué à ce que l'on prononce mon prénom.

J'ignore pourquoi un tel aveu m'enserre la poitrine. Nos regards se verrouillent tandis que je chuchote:

— Donne-moi quelque chose, n'importe quoi qui pourra me mettre sur une piste.

Pendant un court moment, je pense qu'il est sûr le point de céder. Jusqu'à ce qu'il remue doucement la tête en signe de négation.

— Rentre chez toi et oublie toute cette histoire, c'est le mieux que tu puisses faire.

Et pour la première fois, je me dis qu'il a peut-être raison. Je fais un pas en direction du couloir lorsqu'une image s'impose à moi. La crainte que j'ai perçu sur le visage parfaitement maquillé de madame Rios.

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