Chapitre 12 - Partie 2/2

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— Donc c'est sur la base d'une possibilité que vous l'avez fait enfermer ? je lui demande.

— Nous nous sommes appuyés sur les...

— Preuves, lui vient en aide Oliver.

— C'est ça. Quelques jours avant la disparition de monsieur Rios, les salariés du restaurant affirment qu'une violente dispute a éclaté entre la victime et le chef cuisinier.

— A quel sujet ?

— Une femme. Les deux hommes sont sortis pour s'entretenir en privé et quand Hernandez est rentré pour continuer son service, ses poings étaient abîmés et couverts de sang.

— Ils se sont probablement disputés, peut-être même battus. Et alors ? Ça ne prouve rien.

— En effet. Mais le matin même du meurtre, les caméras de surveillance ont filmé le véhicule d'Hernandez devant la résidence de monsieur Rios.

— Dans la mesure où il travaillait pour lui, je ne vois pas où est le problème.

— Vous allez régulièrement chez votre patron un dimanche matin, sans y être invitée ?

Je cale mes mains sous mes cuisses avant de lui répondre.

— Non mais...

— Et ça vous arrive également, me coupe-t-il, d'attendre que le portail s'ouvre pour vous faufiler chez lui ?

Devant mon absence de réaction, il enchaîne.

— Les parents de Luis se sont absentés pour assister à la messe et l'enregistrement indique que le coupable est resté dans la villa pendant au moins une heure. Après quoi, plus personne n'a revu ce pauvre gamin.

— Attendez une minute. Vous dites que le système de surveillance a filmé l'entrée et la sortie d'Ezequiel. S'il avait traîné sur son passage un cadavre, ça se serait vu, non ? Et j'imagine qu'il n'était pas plus dans la maison. Alors que s'est-il passé ? Le corps a disparu en un claquement de doigts ?

Mal à l'aise, il tripote son mug. Il alterne entre l'anglais et l'espagnol, si bien que cette fois-ci, Oliver est obligé de me servir de nouveau d'interprète.

— Techniquement nous ne savons pas avec précision à quel moment le coupable à quitter les lieux. Le quartier a été privé d'électricité pendant près de deux heures. Ce qui lui donne le temps de faire disparaître toutes les preuves. Vous en conviendrez, mademoiselle Davis ?

— Comme c'est pratique... Une porte ouverte à vos spéculations et à toutes les conneries qui vont avec.

Les traits de son visage se durcissent alors qu'Oliver pose sa main sur mon épaule pour attirer mon attention, en vain.

— Qui vous a informé de ma venue, monsieur Lopez ?

— Inspecteur Lopez, me rectifie-t-il.

— Alors les titres ont de l'importance, finalement ?

— Où voulez-vous en venir ?

— J'ai noté que vous disiez monsieur Rios mais il faut croire qu'Ezequiel ne mérite pas une telle courtoisie puisque vous préférez le qualifier de coupable.

— Car c'est tout ce qu'il est : un meurtrier.

— Au vu de votre incroyable enquête, il ne peut en être autrement, en effet.

D'un bond, il se lève sous mon sourire narquois.

— Je réitère ma question, monsieur Lopez, qui vous a parlé de moi ?

— Personne, crache-t-il.

Je me redresse et me tourne vers Oliver.

— Je dois avouer qu'il est doué. Il a même deviné mon nom de famille.

Les lèvres de l'avocat s'étirent alors qu'il m'observe.

— De quoi parlez-vous ? s'insurge Lopez.

— Dès le début de cet entretien, enfin à partir du moment où vous avez daigné m'adresser la parole en Anglais, vous avez dit "mademoiselle Davis". Pourtant, et sauf erreur de ma part, je ne vous ai jamais dit comment je m'appelais. D'où ma question précédente : comment s'appelle l'individu qui vous a dit que j'enquête au sujet de cette affaire ?

Il me toise d'un air sévère.

— Pardonnez ma question débile. On sait déjà tous les deux qu'il s'agit de votre ami d'enfance, qui n'est autre que le père de la victime. Je me demande s'il n'y a pas un conflit d'intérêt dans cette histoire... Votre hiérarchie est-elle au courant de ce détail ? Votre réaction me pousse à croire que non, souhaitez-vous que je l'en informe ?

— Pour qui tu te prends, gamine ?

— Vous me tutoyez car j'ai touché un point sensible ?

— Si j'étais toi, je ne jouerais pas à ce petit jeu, me traduit Oliver.

— Pourquoi ça ?

L'inspecteur accroche ses pupilles aux miennes avant de me répondre dans ma langue maternelle :

— L'avocat a menti en prétendant qu'Hernandez était son client, je n'ai qu'un coup de fil à passer et il peut dire adieu à sa carrière.

Mon rythme cardiaque s'accélère mais je ne laisse rien paraître.

— Appelez un juge ou qui vous voulez mais surtout n'oubliez pas de préciser que vous avez divulgué des informations au sujet d'une enquête classée à des parfaits inconnus. Il est évident que si vous omettez ce détail, je m'en chargerai pour vous.

Les joues rouges de colère, il crache ce qui doit être un juron.

FrontièreWhere stories live. Discover now