Chapitre 50

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Je me vautre dans le canapé de John et me masse les tempes du bout de mes index.

— Il est encore un peu tôt pour s'enivrer, non ? s'écrit-il depuis la cuisine.

— Je devais repasser chez moi, seulement je n'avais pas envie d'être seule.

— J'ai compris, après tout il n'y a pas d'heure.

Peu après, il s'installe en face de moi et remplit deux verres de glaçons.

— Tu ne devineras jamais sur qui je suis tombée en allant faire les courses... commencé-je, en cherchant son regard.

Il ouvre la bouteille, tout en plissant le front.

— Ton ex ?

— Pire. Mark.

Les yeux ronds, il lève la tête vers moi tout en remplissant nos verres.

— Merde ! lâche-t-il.

L'alcool qui déborde se répand sur la table, et commence déjà à goutter sur le sol. Il attrape un mouchoir pour éponger à la va vite, puis reporte son attention sur moi.

— Il n'était pas censé être mort, celui-là ? s'étonne-t-il.

— C'est ce que l'on croyait, oui. Il m'a dit que ses ravisseurs l'avaient déposés chez lui, la semaine dernière.

Aussi perplexe que moi, mon ami se redresse.

— C'est possible, selon toi ?

— J'en sais rien. Mon instinct me hurle que cette histoire pue, mais d'un autre côté, je ne comprends pas pourquoi il aurait inventé tout ça.

— Pour justifier le fait qu'il te plante à Mexico ? propose John.

— Ce serait un peu extrême. Et puis, certes, il est bourru, mais ça reste un bon gars.

Perdue, je passe une main sur mon visage.

— J'ai l'impression que je deviens dingue, que je vois le mal partout.

— Tu as vu des choses très moches, ça te donne le droit de déraper un peu.

J'attrape l'un de ses affreux cousins et lui lance en pleine tête.

— Merci pour ton soutien.

— On ne peut jamais être honnête.

Pour se faire pardonner, il me tend un shooter accompagné d'un clin d'œil.

— À ta folie passagère !

Il lève son bras vers moi pour trinquer, puis avale d'une traite le liquide transparent. Je l'imite, grimace avant de croquer dans une chips afin de faire passer le goût.

— Tu veux qu'on sorte faire la fête ? me propose-t-il.

— Non, je préfère qu'on reste ici.

— On se matte une comédie romantique ?

Je l'étudie tout en lui répondant.

— Qu'est-ce qui cloche chez toi ?

— Mon père se pose la même question.

La moue que j'affiche le fait ricaner. Son paternel n'a jamais accepté son homosexualité, et cela fait des années qu'ils ne se sont pas vus.

— Pardonne-moi de te l'apprendre, mais ton géniteur est un gros con.

— Comme le tien, ma belle.

— C'est pas faux...

Nos rires sont réconfortants, tels une bouffée d'oxygène, ils m'offrent durant un court instant, un moyen de mettre ma vie sur pause. John en profite pour me rejoindre sur le sofa, il passe son bras autour de mes épaules et je pose ma tête sur la sienne.

FrontièreWhere stories live. Discover now