Chapitre 12 - Partie 1/2

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L'inspecteur Lopez est un homme débordé. En tous cas, c'est ce que l'interminable attente dans l'espace austère, réservé à cet effet, de l'hôtel de police me laisse croire. Après avoir fait les cent pas, Oliver pose ses fesses sur le siège en plastique en face de moi.

— Qu'est-ce qui branle, à la fin ?

Pour accentuer son interrogation, il souffle longuement en étendant ses jambes devant lui.

— J'ai comme l'impression que tu n'as pas de traitement de faveur, ici. Et que la vie d'un humain ordinaire n'est pas à ton goût.

Il plisse le front pour mieux me dévisager.

— On se casse ?

— Moi, non.

— Je t'offre un verre ?

J'esquisse un sourire auquel il répond.

— Bien tenté.

— Dis-moi quelle est ta came, chérie, et je te la sers sur un plateau, si ça nous permet de sortir de là.

— Tu devais être un gamin horrible.

Il arque un sourcil tandis que je continue.

— J'imaginais les avocats plus patients. Après tout, ça fait partie de ton job d'attendre : lors des visites, durant les procès, l'annonce des verdicts...

— Ça n'a rien à voir. Je déteste être enfermé entre quatre murs.

— Vu de l'extérieur, je t'assure que la claustrophobie est plutôt moche.

Il ouvre la bouche, prêt à rétorquer quand un homme en chemisette se pointe devant nous. Le visage aussi rond que son ventre, il passe une main sur ses cheveux rasés et pose ses yeux cernés sur Oliver. Ce dernier s'empresse de se lever et lâche quelques phrases en Espagnol à une vitesse impressionnante. Lorsque mon acolyte se tourne vers moi, il m'apprend :

— Le commissaire Lopez nous invite dans son bureau.

J'ignore sa moue dégoûtée et passe devant lui. Ce que j'aperçois des locaux est à l'image de la salle d'attente : d'un autre temps. A l'exception, de la pièce où nous nous arrêtons. L'antre de l'inspecteur bénéficie d'un passe-droit, à commencer par l'impeccable bureau en bois qui trône au milieu de la pièce. Mais au-delà de l'ordinateur à la célèbre pomme et du fauteuil noir rembourré, la décoration est soignée. Sans oublier, l'air climatisé qui sèche instantanément la fine pellicule de sueur qui recouvrait ma peau.

Lopez prend place et nous invite à en faire autant d'un signe de la main. Et alors que je m'exécute, Oliver reste en retrait, derrière moi, les mains croisées dans le dos.

— Qu'est-ce que tu veux savoir, exactement ? me demande-t-il.

— Tout ce qu'il sait au sujet d'Ezequiel et de son affaire.

Non sans soupirer, il traduit ma demande. J'observe avec attention la réaction de l'homme en face de moi. Il prend le temps de réfléchir, porte sa tasse à sa bouche avant de la reposer lentement. Quand enfin, il entrouvre les lèvres, ma patience a presque atteint sa limite.

— Il dit que tu n'es pas habilité pour poser ce genre de questions.

— Il botte en touche, oui.

Je me tourne vers Oliver à la recherche de ses yeux verts.

— Dis lui que tu es l'avocat d'Ezequiel, ça devrait nous donner accès au dossier.

— Tu me demandes de mentir ?

— Disons qu'on déforme légèrement la vérité. Après tout, tu as été son avocat.

— Tu sais que tes conneries pourraient me faire rayer du barreau ?

— Dixit le mec qui passe son temps à soudoyer tout le monde.

— Aucun rapport.

— Ce n'est pas toi qui voulais sortir d'ici ? Obtiens-moi des réponses et je t'offre une téquila.

Je ponctue ma phrase par mon plus joli sourire. Son hésitation est palpable et durant un instant je me mets à douter. Dit-il vrai ? Pourrait-il perdre le droit d'exercer à cause de moi ? Seulement, sans savoir pourquoi, le visage d'Ezequiel se faufile dans mon esprit en piétinant sur son passage tous mes doutes.

Quand Oliver reprend la parole, en Espagnol, je serre les dents pour ne pas lui montrer à quel point je suis soulagée. Je me détourne de lui au moment où le front du commissaire se fronce. Il nous scrute à tour de rôle en se grattant le menton avant de fixer ses pupilles sur l'écran de son ordinateur. Le bruit des touches du clavier qu'il enfonce résonne autour de nous durant de longues minutes.

— Demande lui comment il en est arrivé à la conclusion que Luis était mort ?

En entendant Oliver, le fonctionnaire de police s'adosse contre le siège et porte ses index à ses lèvres. Et lorsqu'il répond, c'est moi qu'il regarde.

— Miguel a signalé la disparition de son fils le vendredi, me traduit Oliver. Le jeudi suivant, Luis n'avait toujours pas donné signe de vie. Aucun mouvement sur son compte bancaire, son portable est resté éteint, personne ne l'a vu.

— Et ?

— Pourquoi aurait-il choisi de disparaître, mademoiselle Davis ? m'interroge Lopez, dans un anglais hésitant.

— Donc vous parlez ma langue.

Il hausse les épaules tandis que j'enchaîne.

— Pour fuir ses parents ? Pour suivre un amour de jeunesse ? Pour être libre ? Ce ne sont pas les raisons qui manquent.

Il lâche un petit rire gras.

— Il aurait donc choisi de se passer de l'argent et de la protection de sa famille ?

— De quelle protection parlez-vous?

— Tu sais bien, intervient Oliver en s'approchant de moi.

Mon air dubitatif le pousse à préciser sa pensée.

— Toutes les familles influentes ont des ennemis.

— Ezequiel était l'un d'entre eux ?

L'inspecteur se gratte la gorge avant de répondre.

— Pourquoi pas.

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