Chapitre 47

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Le chef de la police me fixe d'une manière qui ne peut que signifier : "qu'est-ce que tu fous encore là, toi ?", mais comme il n'est pas au centre de mes préoccupations, je le contourne sans répondre à son interrogation muette. Avec toute la douceur dont je peux faire preuve, je retourne auprès de la jeune femme qui parle ma langue.

— Comment est-ce que t'appelles ? l'interrogé-je d'une voix basse.

— Cassi, me répond-elle après une courte hésitation.

— Je t'assure, Cassi, que je ne te ferais aucun mal. Et je comprends aussi que tu ne me crois pas. Je vais défaire les liens pour que tu puisses sortir d'ici. Tu es d'accord ?

Diverses émotions passent sur son visage de porcelaine. Je m'interdis de regarder les plaies qui couvrent son cou, ses pieds ainsi que sa poitrine à moitié dénudée. Pour patienter, je compte mentalement les gouttes d'eau qui tombent avec paresse dans le receveur.

Une, deux, trois...

J'atteins le chiffre huit quand elle accepte ma proposition, d'un geste de la tête.

— Je te remercie, murmuré-je.

Je fais un pas vers elle avant de me stopper net.

Merde les clés !

Je n'ai même pas le temps de me retourner, qu'Ezequiel touche mon épaule pour attirer mon attention.

— Tiens, me souffle-t-il.

Il m'en tend plusieurs puis recule de quelques pas, les mains croisées devant lui. Sa façon de faire, de regarder le sol afin de respecter la pudeur des jeunes femmes, et de ne pas intervenir, le rend incroyablement attrayant.

— Je vais m'approcher maintenant, avertis-je. Je te promets de te toucher le moins possible.

Elle acquiesce, et je prends une profonde inspiration avant d'appliquer mes paroles. Mes mouvements sont lents, légers, précis. Mes doigts frôlent sa peau écorchée lorsque je m'applique à trouver la bonne clé, et son tressaillement me répond sans délai. Lorsque le "clic" résonne entre ces murs glauques, et qu'elle retrouve sa liberté, l'émotion me gagne. Je la repousse aussi loin que possible car ce n'est pas le moment de craquer. Ses bras retombent comme deux poupées de chiffon, et la panique la gagne.

— Ce n'est rien, m'empressé-je de la rassurer. Tes muscles doivent être atrophiés, mais dans quelques heures, ça ira mieux.

Incrédule, elle m'examine me faisant aussitôt regretter la tournure de mes paroles. Cependant, il m'est impossible de revenir dessus. Avec lenteur, je retire ma veste et la pose sur ses épaules.

— Tu veux bien m'aider, Cassi ?

Elle a un léger mouvement de recul, seulement ses jambes l'abandonnent. Je la retiens pour éviter qu'elle s'effondre, bien que son corps se raidisse à mon contact. Le représentant des forces de l'ordre nous rejoint tout en respectant une certaine distance.

— Elle a besoin d'aller à l'hôpital, dit-il.

Je suis plus surprise pour son intonation discrète ainsi que sa prévenance, que par le fait qu'il s'exprime en Anglais.

— Et elle ira dès que les autres auront été libérées. J'ai besoin de toi, expliqué-je à Cassi en éludant la présence de l'inspecteur. Je sais bien que je t'en demande beaucoup, seulement si tu leur dis que je veux juste les aider, elles écouteront puisque ça viendra de toi.

— Je vais les détacher, bougonne l'homme à mes côtés.

Je le fusille du regard et crache entre mes doigts:

FrontièreWhere stories live. Discover now