ALLIANCE (既婚)

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Notes :

- le texte en italique est en japonais.

- les définitions des mots marqués d'un astérisque (*) se trouvent dans la section commentaire correspondant au paragraphe.

Bonne lecture !

<既婚>

Luka

Sa nuque était douloureuse, pourtant, il se sentait bien. Mais c'était sans compter ce foutu soleil qui l'aveuglait. Il avait encore oublié de tirer les rideaux avant de dormir. L'écrivain ouvrait lentement les yeux afin de ne pas brûler sa rétine. Et il découvrait qu'il n'était pas dans sa chambre, mais dans le salon. Il se rappela alors qu'il s'était endormi, attendant que Shiiro en ait terminé avec sa lecture. Il se redressait brusquement et tournait la tête en direction de son compagnon, toujours endormi. Luka était étonné pour plusieurs raisons : il était bien huit heures passées et Shiiro se levait toujours aux aurores ; il était toujours assis, l'ordinateur fermé sur ses genoux et les mains posées dessus pour le sécuriser. La position ne devait vraiment pas être confortable : il était assis, le dos droit, sa tête était penché en avant et il avait dû supporter son poids toute la nuit. 

Luka sentait le remords l'envahir. Il tendait la main dans l'optique de le réveiller mais quand il entrait en contact avec sa peau chauffée par les premiers rayons du soleil, il changeait d'avis. Luka rangeait les livres qui les entouraient en une pile plus ou moins droite sur la table basse. Il récupérait l'ordinateur en veillant à ne pas réveiller le japonais puis s'écartait d'un petit mètre afin que ses cuisses soient à la bonne distance pour accueillir la tête de Shiiro alors qu'il le faisait basculer en position horizontale. Shiiro grognait dans son sommeil mais s'installait rapidement à son aise. Sa main gauche vint se poser sur sa cheville nue, le faisant sursauter et paniquer quand le japonais se mettait à la caresser avec tendresse, encore endormi. Luka n'était pas préparé à ce geste mais il trouvait cela fort mignon de la part de Shiiro, lui qui donnait l'impression d'être incapable de toute marque d'affection. Mais Luka savait également que les apparences étaient trompeuses quand il s'agissait de Shiiro. Il le découvrait chaque jour un peu plus en le côtoyant. Shiiro n'était pas cet homme imbu de pouvoir, détaché des autres, à la limite de l'inhumanité et en retrait des convenances sociales. Ce n'était qu'un masque, celui qu'il arborait au travail. Au cours de ces derniers mois, il avait découvert un Shiiro paternel avec Nadirah, taquin avec John, cultivé, respectueux mais surtout fragile et en quête d'affection. 

Ce geste si anodin et inconscient de sa part en était une preuve. Shiiro était tout aussi humain que lui et il désirait comme tout un chacun d'avoir une personne envers qui exprimer sa tendresse, son amour et sa dévotion. Mais à cause d'un père manipulateur et dénoué de sentiments paternels, il privait cet homme merveilleux d'un bonheur immense. Tout le monde avait peut-être raison de lui dire qu'ils avaient de la chance d'être tombé l'un sur l'autre dans cette situation : Shiiro le comprenait et faisait tout pour qu'il se sente libre et heureux. Luka, lui, mettait de sa personne au service des besoins de Shiiro. Et si dans ces besoins, il y avait des contacts physiques de la sorte, il ne voyait aucune raison de l'en empêcher ou de s'en offusquer. Shiiro bougeait un peu sur sa jambe, s'installant encore plus à son aise. Sa main avait arrêté de lui caresser la cheville mais reposait encore plus haut sur sa jambe. Il avait des mains douces et chaudes contre sa peau. Instinctivement, il ressentait le besoin de passer ses doigts dans la masse sombre de ses cheveux. Shiiro les portait relativement court, à la différence de Luka qui les laissait pousser de nouveau. En décidant de s'élever contre Alexandre Bartek et ses ignominies, il avait également fait le choix de ne plus céder aux idioties de la société qui estimait qu'un homme devait avoir les cheveux courts. Et il savait que Shiiro aimait beaucoup ses cheveux longs. Pour une raison obscure, il aimait l'entendre complimenter la longueur et la brillance de ses boucles. Sa main quittait ensuite ses cheveux pour se poser sur le haut de ses épaules. Il était fasciné par la largeur de ces dernières mais il sentait sous sa paume à quelle point elles étaient osseuses. Il ne l'avait jamais vu déshabillé et ses costumes chics cachaient parfaitement son allure famélique. Vu comme il travaillait d'arrache-pied, il ne devait clairement pas avoir le temps de pratiquer le moindre sport. Shiiro tournait sur le dos, sa main glissait jusqu'à reposer sur son torse. Le japonais montait sa main à la sienne et la prit alors, serrant ses doigts. Luka souriait à cette scène à laquelle il ne pensait jamais prendre part un jour de sa vie, ou du moins depuis l'annonce foireuse de leur union.