PROLOGUE

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Notes : 

- le texte en italique est en japonais.

- les définitions des mots marqués d'un astérisque (*) se trouvent dans la section commentaire correspondant au paragraphe.


Bonne lecture !


<既婚>


- « Takashi-san*, c'est un réel plaisir de vous revoir.

- Ebinuma-san, c'est un plaisir partagé. »

Hiro Takashi était un homme à la carrure large. Ancien judoka de l'équipe national japonaise, il avait pris sa retraite sportive à l'aube de ses trente ans afin de reprendre la gestion de l'entreprise familiale d'import-export depuis les États-Unis. Dans sa nouvelle aventure à San Francisco, il avait emmené sa femme et son enfant à naître, Luka. Maintenant âgé d'une soixantaine d'années, il avait perdu ses épaules carrées mais il avait toujours cette même prestance, le regard assuré et la patience d'un moine.

Face à lui, Masashi Ebinuma était un homme efflanqué, au regard gris aussi froid que celui des yakusas. Du moins, comme aimait à se les représenter le cinéma hollywoodien. L'homme originaire de la région de Chûbu*, était né, avait grandi et élevé ses propres enfants dans la pure tradition japonaise, celle-là même qui commençait de disparaître dans les grandes villes japonaises. Au plus grand désarroi et mécontentement de ce dernier. Les partenaires de travail d'Ebinuma, ainsi que ses ennemis, étaient tous d'accord sur le fait qu'il était un homme d'affaire impitoyable. Droit et habile mais irréductible.

Hiro Takashi et Masashi Ebinuma n'étaient pas ce que l'on pouvait appeler des amis mais ils travaillaient régulièrement ensemble. Ils reconnaissaient les valeurs de l'un et de l'autre en tant qu'homme mais davantage en tant que chefs d'entreprise. Même si leurs manières de faire différaient. C'était d'ailleurs le travail qui les avait amenés à se rencontrer ce soir-là. A la demande de Masashi Ebinuma.

Ils s'étaient retrouvés dans un restaurant japonais huppé de San Francisco. Ils étaient dans une salle à l'abri des regards, surtout de leurs ennemis en quête de faille pour les faire tomber. Ils savouraient une délicieuse bouteille de saké en dégustant un plateau de sushis et de maki préparés par un des meilleurs chefs nippon vivant dans la ville américaine.

- « Cela faisait un moment depuis notre dernière rencontre.

- En effet.

- Pourquoi vouliez-vous me voir Ebinuma-san ?

- Je pense qu'il est temps, l'un comme l'autre de préparer le futur de nos entreprises.

- Vous envisagez de prendre votre retraite ? Cela m'étonne de votre part.

- Je passerais l'arme à gauche à mon travail. Mais je ne suis pas un idiot et je sais que je ne pourrais plus diriger mon empire seul.

- Votre fils va vous épaulez ?

- J'ai déjà commencé à l'intégrer au fonctionnement de l'entreprise. Il démontre de très bonnes compétences pour prendre ma relève. Je suis confiant sur ses capacités à me succéder et faire évoluer l'entreprise dans le bon sens. Mais il est encore jeune et peu expérimenté. Mais il est dévoué, alors il ne devrait pas tarder à devenir apte.

- Avec le portrait que vous m'en faîtes depuis toutes ces années, je suis impatient de travailler avec lui.

- Cela devrait se faire rapidement. Je souhaite lui confier une mission mineure afin de l'évaluer. Et je me suis dit qu'il n'y avait pas mieux que vous pour l'épaulez dans son appropriation des marchés américains. J'ai toute confiance en vous pour ne pas lui facilitez la tâche mais également l'accompagner dans la bonne voie.

- C'est un véritable honneur que vous me faîtes. J'accepte avec plaisir d'accompagner votre fils dans ce dossier. Je vous donnerais mon ressenti en tant que partenaire de travail.

- Merci Takashi-san.

- Quel est le nom de votre fils déjà ?

- Shiiro. Il a terminé ses études à Harvard l'an dernier. Major de sa promotion.

- Impressionnant, votre femme et vous-même devez être fiers.

- Nous le sommes. Et vous, votre fils ? Si je ne m'abuse, il est plus âgé que mon fils. Travaille-t-il avec vous ? Je n'ai pas eu la chance de le rencontrer encore.

- Luka ne souhaite pas prendre ma relève. Il faut dire que je ne l'ai pas élevé ni formé à cela, à sa demande. En revanche, j'ai un jeune homme au sein de l'entreprise qui démontre d'excellentes qualités pour prendre ma relève.

- Vous seriez donc prêt à céder votre entreprise familiale à un inconnu ? C'est un pari risqué.

- Je sais que cela doit vous paraître être une hérésie mais... J'ai quitté le Japon à la naissance de mon fils, j'ai évolué dans l'univers entrepreneurial américain. Comme lui, j'ai adopté les us et coutumes d'une société bien différente de celle dans laquelle nous avons grandi tous les deux. Ou bien votre fils, j'imagine. Il y a un truc que j'ai appris depuis que je vis à SF, c'est qu'il ne sert à rien de forcer les jeunes à suivre une voie qu'ils ne souhaitent pas, au risque qu'ils coulent ce que nous avons mis tant d'années à construire.

- Il est indéniable que la vie américaine vous a fait vus détournez des valeurs chères à notre pays. Je ne vous jette pas la pierre néanmoins. Dans l'optique de perpétrer notre partenariat, j'aimerais rencontrer votre poulain. Je le traiterais avec l'égard que j'accorderais à votre fils s'il avait été votre successeur. Je reconnais qu'être issu d'une famille comme la nôtre ne fait pas tout et qu'il y a dans ces jeunes rêveurs, certains éléments avec beaucoup de potentiel. J'en ai quelques-uns parmi mes employés.

- Je demanderais à Dimitri de prendre contact avec vous.

- Je vous remercie, Takashi-san. Que fait donc votre fils s'il n'est pas dans votre entreprise ?

- C'est un écrivain. Je sais, cela prête à sourire mais j'admets qu'il a un sacré talent pour avoir lu son travail. Je suis son premier fan même si je n'ai sûrement pas l'avis le plus impartial.

- Effectivement, ce n'est pas un métier commun pour nous autre employeur. Parvient-il à en vivre ?

- A priori oui. Mais j'admets que je suis un vieux père qui gâte sûrement trop son fils unique. Je m'assure qu'il vive dignement. J'ai la chance d'avoir un fils qui respecte mon travail et ne porte pas préjudice à notre nom, je ne demande rien de plus. Par ailleurs, il s'occupe bien de ma femme qui est souffrante depuis son cancer du sein. Sans lui à ses côtés à tout instant et moi occupé par les affaires, elle n'aurait sûrement pas réussi à surmonter cette affreuse maladie.

- Oui, j'ai appris pour votre femme. Je compatis à votre douleur et espère qu'elle va mieux. Je suggérerais à ma femme de lui rendre visite.

- Merci Ebinuma-san. Votre femme est bien occupée, ne l'a dérangé pas pour cela, outre mesure. L'opération a été un succès, elle se remet peu à peu de cette épreuve. Elle est d'ailleurs en cure par chez vous, en ce moment.

- Elle est entre de très bonnes mains, ma propre femme s'y rend régulièrement pour se détendre. Peut-être pourrait-elle s'y retrouver et discuter entre femmes.

- Elles en profiteraient pour se plaindre de nous.

- Si cela les divertit... »

Masashi Ebinuma leur servait un nouveau verre de saké. Il dégustait le sien, visiblement perdu dans ses pensées. Cela attisait la curiosité de Hiro Takashi. Ce dernier s'agitait sur sa chaise. Quand Ebinuma relevait les yeux vers lui, il arborait ce masque professionnel rigoureux qu'il lui connaissait bien.

- « Takashi-san. Si j'ai souhaité vous rencontrez aujourd'hui, ce n'était pas juste pour vous demander de vos nouvelles, je l'admets. J'aimerais vous soumettre une proposition qui consoliderait notre partenariat professionnel. J'aimerais vous soumettre mon idée afin qu'on en discute. Je suis certain que vous y verrez les biens fondés.

- Je vous écoute, mon ami. »

ALLIANCE (既婚)Where stories live. Discover now