Chapitre 23

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Juin était arrivé et avec lui l'imminence de la naissance de l'enfant de Lily. Le bébé qui devait mettre fin à la vie de Voldemort.

Severus ignorait si la prophétie était réelle — il était celui qui avait répété les mots entendus, mais il n'avait pas vraiment cru qu'un nourrisson puisse défier un mage noir — et il se forçait à repousser toute pensée à ce sujet.

Voldemort devenait de plus en plus nerveux, comme s'il prévoyait sa propre fin. Les attaques qu'il menait étaient de plus en plus désordonnées et il se noyait dans la magie noire.

Si l'homme avait été aussi instable lorsqu'il l'avait rencontré la première fois, il aurait refusé de prendre la marque des ténèbres, malgré tout le ressentiment qu'il avait. C'était en tout cas ce dont il espérait se convaincre, parce qu'il refusait d'être assez stupide pour ruiner sa vie volontairement...

L'appel presque paniqué de Lucius lui offrit une distraction bienvenue. Lorsqu'il arriva au Manoir Malefoy, il apprit que Lucius avait un fils. Avant même de comprendre ce qui lui arrivait, l'homme lui posa le petit paquet de couvertures vagissant dans les bras, toujours décidé à faire de lui le parrain de l'enfant.

Severus se figea, fixant l'enfant dans ses bras, les yeux écarquillés. Il n'osait plus bouger, craignant de l'échapper ou de le briser. C'était une petite chose rose minuscule, le visage encore frippé, agitant ses petites mains avec des mouvements saccadés comme pour protester d'être venu à la vie. Malgré lui, Severus était fasciné.

Il garda longuement l'enfant contre lui, troublé. Il espérait que ce garçon grandirait dans un monde en paix, dans un monde où il ne risquerait pas d'être tué par accident s'il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment.

Il croisa le regard de Narcissa et il eut l'impression qu'elle comprenait ses pensées. C'était stupide, évidemment. Narcissa n'avait aucune notion de legilimentie et lui était un parfait occlumens.

Cependant, il interpréta son regard de connivence et son sourire triste de cette façon. Lorsqu'elle reprit l'enfant dans ses bras, elle murmura, presque suppliante.

– Jure-moi que tu prendras soin de mon fils, s'il devait nous arriver malheur.

Severus croisa son regard et hocha solennellement la tête. Non seulement il était prêt à le lui jurer, mais il le pensait sincèrement. N'importe quel enfant — cet enfant, l'enfant de Lily — devrait pouvoir grandir en sécurité.

Lucius s'enivra. La venue de son héritier, après dix années d'un mariage stérile, semblait être suffisante pour faire voler en éclat sa légendaire maîtrise de lui-même. Il oscillait entre l'inquiétude de devenir père — la peur de ne pas savoir quoi faire de ce bébé — et la fierté d'avoir enfin un héritier...

C'était assez amusant pour Severus de voir l'homme si fier, presque en larmes, s'extasier sur la perfection du nouveau-né. Au fond de son ivresse cependant, Lucius souhaita ne jamais avoir pris la marque.

Severus se figea, l'observant attentivement, mais il ne semblait pas se rendre compte de ce qu'il avait laissé échapper. Avec un grognement excédé, Severus fouilla ses poches et en sortit une potion de dégrisement. Il buvait très rarement — son père l'avait dégouté de l'alcool — mais lorsqu'il venait au manoir Malefoy, il prévoyait toujours des potions pour retrouver un esprit clair rapidement. Lucius était parfois très généreux avec sa cave et il préférait garder les idées claires en toutes circonstances... notamment pour éviter ce genre de situations.

Il savait de première main que l'ivresse pouvait rendre bavard et il préférait que les confessions avinées de Lucius ne tombent pas entre de mauvaises oreilles. Bellatrix venait régulièrement voir sa sœur et si elle entendait les doutes de son beau-frère, elle n'hésiterait pas à le livrer au seigneur des ténèbres.

Le jeune homme força le goulot de la fiole entre les dents de Lucius et lorsque les vapeurs de l'alcool se dissipèrent, ce dernier sembla horrifié.

D'un ton neutre, Severus marmonna.

– Je sais d'expérience que l'alcool fait dire n'importe quoi. Tobias avait l'habitude de prétendre qu'il était un riche héritier. De toute évidence... il trouvait sa richesse au fond des bouteilles.

Il évita le regard reconnaissant de Lucius et prit congé, pensif.

La loyauté de Lucius était peut-être vacillante, mais l'homme ne prendrait jamais le risque de trahir. Il resterait fidèle et ne bougerait que lorsqu'il serait certain d'assurer sa propre sécurité et celle de sa famille.

Cependant, il pouvait probablement espérer qu'il détourne les yeux s'il surprenait un manque d'enthousiasme de sa part. Il devrait se montrer prudent, bien évidemment, mais c'était toujours mieux que rien.

Malheureusement, le rythme des attaques ne faiblit pas. Voldemort semblait entrer dans une spirale de destruction sans fin, attaquant aveuglément villages moldus et villages sorciers. Jamais le secret magique n'avait été si en danger, alors que le ministère de la magie se démenait pour dissimuler ses crimes.

À chaque fois qu'il était présent, Severus faisait en sorte de « sauver » un maximum de personnes, devenant aux yeux de Voldemort et de ses camarades mangemorts l'un des soldats les plus enragés du mage noir. Le nombre de ses victimes était régulièrement rappelé durant les réunions et il était félicité pour son zèle.

Severus avait l'impression de marcher sur une corde raide, risquant à chaque instant de basculer. Il avait pris le risque à plusieurs reprises d'informer Dumbledore de certains raids et les Mangemorts avaient commencé à rencontrer une résistance inhabituelle.

Avec une satisfaction morbide, Severus se rendit compte que ce soudain renversement de situation semblait déstabiliser Voldemort. Il avait noté que le mage noir approchait de la folie depuis la révélation de la prophétie, prêt à mettre le monde magique à feu et à sang pour atteindre un bébé pas encore né. Les batailles qui s'engagèrent contre Dumbledore et son petit groupe semblèrent lui faire perdre la raison pour de bon.

Il avait toujours été exigeant et cruel. Il n'avait jamais hésité à lancer le doloris sur ses propres troupes pour les punir. Cependant, dorénavant, il torturait à tour de bras et n'hésitait pas à tuer les Mangemorts qui ne lui apportaient pas une pleine satisfaction. Il exigeait, il prenait, et il ne se rendait même pas compte que la fidélité d'autrefois se changeait en peur.

L'homme fascinant qui offrait un avenir au monde magique avait fini par se dévoiler et montrer le monstre qu'il avait toujours caché en lui. Les raids devenaient de plus en plus violents, les sorciers vivaient dans la peur, se cachant et refusant de sortir de chez eux. Poudlard était censé être le seul bastion sûr du monde magique et Severus avait hâte que l'été arrive et que Dumbledore lui offre ce poste qu'il avait demandé...

La fille de SeverusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant