La fille de Severus

Chapitre 12

Nauséeux, Severus secoua la tête en signe de dénégation, craignant de ne pas pouvoir faire confiance à sa voix. Refuser serait probablement vu comme une insulte, mais il ne pouvait pas accepter ça. Il ne pouvait pas être présent lorsque Voldemort s'introduirait dans la maison des Potter et mettrait à mort leur enfant premier né...

Il ne pourrait pas assister au chagrin de Lily, il ne pourrait pas lui faire face et regarder Voldemort la torturer, voire la tuer.

Il avait soudain l'impression que tout s'écroulait autour de lui, alors qu'il se rendait compte que Lily était potentiellement en danger, à cause de lui. La liste de ses fautes et de ses erreurs ne cessait de s'allonger et il se demandait comment il avait pu être aussi aveugle.

Profitant du fait que la plupart des Mangemorts avaient quitté les lieux et que les derniers encore présents étaient trop loin pour entendre leur conversation, il tenta sa chance.

Son cœur battait à tout rompre et il n'avait pas été aussi nerveux depuis des années, mais il se devait d'essayer. Pour se donner du courage — un courage insensé qu'il n'avait pas conscience de posséder — Severus se souvint du visage de Lily, de sa façon de sourire ou de rire, du son de sa voix. Puis, il s'inclina en signe de respect et de soumission et il murmura, d'une voix rauque.

— Maître... La mère de l'enfant Potter... Lily Evans. Elle est une sorcière puissante bien qu'elle soit née de moldus. Douée. Maître, elle m'est précieuse, infiniment précieuse. Pourriez-vous... L'épargner ?

Il y eut un long silence, si long que Severus s'autorisa à espérer un miracle. Après tout, il avait fait ses preuves et montré sa fidélité, peut-être pouvait-il espérer une faveur de cet homme ? Puis, le mage noir émit un ricanement cruel.

— Parce que tu imagines qu'elle voudrait de toi après ça ? Qu'elle voudrait de toi, quelle que soit la situation ? Qu'elle serait docile ? Elle n'est qu'une sang-de-bourbe sans la moindre valeur !

Severus ouvrit la bouche pour protester, voulant argumenter dans un instant de folie totalement stupide, mais il ne put que hurler alors que le premier Doloris le frappait soudainement. Dans la brume de souffrance, il se sentit tomber au sol et il pensa qu'il allait mourir, là, juste pour avoir espéré le salut de Lily. Juste pour avoir tenté de la préserver. Et Lily ne le saurait jamais.

La douleur cessa brusquement et il haleta, tentant de reprendre son souffle alors que chacun de ses muscles le faisait souffrir le martyre. Voldemort s'approcha de lui, menaçant, jusqu'à le surplomber et il siffla, d'un ton colérique.

— Ne t'avise même pas de t'approcher de cette sang-de-bourbe pour la prévenir ou la protéger, ou il t'en cuira. Son destin est déjà scellé. Je me moque bien de tes stupides sentiments, Severus. Tu crois l'aimer, mais elle n'est qu'une faiblesse qui conduira à ta perte !

Severus leva les yeux vers Voldemort, suppliant, et il croisa son regard l'espace d'un instant. Le regard carmin était empli de rage, presque inhumain, faisant frissonner le mangemort. Cependant, pour une fois, il ne baissa pas les yeux, contrairement à son habitude. Il s'obligea à le regarder réellement pour la première fois, prenant conscience qu'il avait vendu son âme au diable... Et l'envoyé du diable se tenait devant lui, en chair et en os.

Voldemort laissa passer quelques secondes alors qu'il était à terre, puis il siffla, serrant sa baguette convulsivement.

— Dis-toi que je te rends service, Severus. Je vais éliminer ta faiblesse. Tu verras que tu seras bien plus fort une fois que cette sang-de-bourbe sera à sa place. Morte. Son existence même est une insulte à la magie !

Une larme solitaire coula sur la joue de Severus et il secoua la tête, désespéré, comme pour faire changer d'avis son Maître. Il pensait savoir ce qu'il avait fait en prenant la marque, mais il n'avait visiblement pas compris à quel point Voldemort était mauvais. À quel point il s'était trompé en tendant son bras et en le laissant le marquer.

Voldemort ne faisait déjà plus attention à lui, s'éloignant à grands pas et le laissant au sol, prostré. Il aurait aimé être assez courageux pour se lever et l'attaquer, pour le tuer et mettre fin à toute cette folie. Cependant, un reste de bon sens lui rappela que s'il échouait, Lily serait tuée et il ne pourrait rien faire pour la protéger.

Il se releva lentement, tremblant, tête et épaules basses. La fierté qu'il avait ressentie plus tôt avait disparu, lui laissant un goût de cendres dans la bouche. Désormais, il avait juste honte d'avoir cru qu'il pourrait changer son destin, qu'il pourrait devenir quelqu'un.

Le gamin pauvre et maltraité de l'impasse du Tisseur n'était jamais loin, il suffisait de gratter un peu le vernis pour le ramener à la surface.

Il ignora les regards curieux des autres mangemorts, conscient qu'ils espéraient voir sa chute depuis son arrivée parmi eux. Finalement, il n'avait jamais été accepté, il n'avait jamais fait partie de leur groupe. Severus redressa la tête et serra les dents, refusant de leur donner satisfaction. Sa foutue fierté était toujours là, écrasante, l'empêchant de se donner en spectacle alors qu'il avait juste envie de hurler, de tout casser autour de lui et de pleurer jusqu'à se dessécher...

Il quitta les lieux sans se presser, comme si tout était normal, puis il transplana.

Il arriva dans le salon de la maison où il avait grandi, cet endroit qu'il détestait. Il n'avait rien changé, rien rénové, laissant la tapisserie passée, qui se décollait, ainsi que le carrelage ébréché sur lequel il avait fait ses premiers pas.

Pour une fois, il ne regarda pas autour de lui, il s'effondra juste, comme une marionnette à qui on aurait coupé les fils. Durant de longues minutes, il resta inerte et silencieux. Incapable de bouger, de parler. Il se sentait vide, comme s'il était mort de l'intérieur.

Puis, soudain, quelque chose se débloqua en lui, et il se mit à hurler. Un hurlement de bête blessée, de pure souffrance, alors que le poids de ses péchés l'écrasait. Il hurla de toutes ses forces, jusqu'à haleter, le souffle coupé. Alors seulement, les larmes commencèrent à couler, sans qu'il ne puisse les arrêter.