La fille de Severus

Chapitre 2

Parfois, quand Lily était près de lui, elle lui murmurait de les ignorer, comme si c'était anodin, comme s'il n'avait pas déjà eu droit à plusieurs séjours à l'infirmerie à cause de leurs plaisanteries.

Sa pensée suivante fut encore plus douloureuse qu'un coup. Lily avait probablement fini par intervenir parce qu'elle avait pitié de lui. C'était le pire, probablement. Imaginer ses beaux yeux verts qu'il adorait emplis de pitié, le regardant comme s'il était... misérable. Il voulait inspirer beaucoup de sentiments à Lily Evans, mais surtout pas de la pitié. Tout plutôt que de la pitié. Si elle était réellement son amie, elle devait le savoir.

Il laissa la colère et la haine le submerger jusqu'à lui couper le souffle, parce que la colère effaçait la honte.

La colère effaçait tout, elle le remplissait, elle lui faisait oublier ses faiblesses et ses incertitudes. La colère l'empêchait de s'effondrer, de pleurer, de se briser en morceaux.

Elle le nourrissait et lui donnait la force de se redresser, de fixer tous ceux qui se moquaient de lui de ses yeux sombres en leur promettant silencieusement qu'il se vengerait, un jour.

Les Maraudeurs le laissèrent tomber au sol avec brutalité. Black protestait tandis que Potter minaudait et prétextait que ce n'était qu'une petite plaisanterie innocente. Severus se redressa brusquement, les joues écarlates, les poings serrés, ses yeux sombres brillant presque de folie. Il garda la tête haute malgré son humiliation. Ils lui avaient peut-être retiré beaucoup de choses, mais certainement pas sa fierté. C'était sa dernière possession, cette fierté, et il s'y accrochait.

Les spectateurs qui avaient assisté à son humiliation détournèrent la tête, soudain gênés, prenant conscience qu'il était l'un d'entre eux et que n'importe qui d'autre aurait pu être la cible d'une farce des Maraudeurs, mais Lily s'avança, avec un sourire hésitant qu'il détesta immédiatement. Lily évitait son regard, comme si elle ne pouvait pas croiser ses yeux. Elle tenta de lui poser la main sur le bras, probablement pour lui demander s'il allait bien, mais il se dégagea brutalement, refusant le moindre contact.

Elle écarquilla les yeux, surprise — ces yeux verts qu'il aimait tant — parce que c'était la première fois qu'il la repoussait de cette façon. Il ne pouvait pas blesser les Maraudeurs. Pas par les mots en tous cas ni physiquement. Il était seul et eux étaient quatre... Il se jura qu'il aurait un jour sa vengeance, et qu'il y prendrait plaisir, mais il pouvait assouvir son envie de blesser autrement.

Il dévisagea Lily avec une pointe de mépris, se rendant compte qu'elle se sentait coupable. Elle évitait toujours son regard, son malaise clairement palpable, et il se redressa, chassant toute gentillesse de son cœur.

Il oublia tous les sentiments positifs que Lily lui apportait et il lui lança un regard glacial. Il l'aimait peut-être, mais il pouvait fermer son cœur et laisser sa fierté parler. Il était parfaitement conscient en cet instant de ce qu'il était, ainsi que de ce qu'il n'aurait jamais.

Elle murmura, indécise, d'une voix contrite.

— Severus... je suis désolée...

Il grimaça, alors que ses mots attisaient sa colère un peu plus. Il secoua la tête et émit un ricanement moqueur, les poings serrés.

— Pas la peine de te fatiguer. Je n'ai pas besoin d'une sang-de-bourbe comme toi.

Il y eut un lourd silence choqué. À l'instant où il prononça ces terribles mots, Lily blêmit et vacilla, puis elle eut un mouvement de recul. La colère de Severus s'évapora presque aussitôt et il se rendit compte de ce qu'il avait osé dire. Bien qu'il soit horrifié, il ne le montra pas, acceptant juste ce qu'il venait de faire, droit et fier.

Lily lui jeta un long regard blessé, ouvrant et fermant la bouche comme si elle ne savait pas comment réagir. Ils avaient toujours un public, mortellement silencieux. Même les Maraudeurs étaient calmes, les yeux écarquillés, attendant la suite. Tout Poudlard avait conscience de la gravité des mots prononcés, de l'importance de l'insulte.

Severus aurait probablement dû s'excuser immédiatement, supplier. Mais il ne supportait plus la situation. Lily le fuyait et bientôt elle se détacherait de lui, petit à petit. Elle l'oublierait, prétextant qu'ils étaient amis, mais qu'elle avait mieux à faire ailleurs... Autant la repousser immédiatement, définitivement, pour ne plus souffrir. Comme décoller un sparadrap d'un coup... ou arracher la croûte d'une blessure. Il aurait tout autant mal, mais ça se terminerait plus vite.

Severus pinça les lèvres, s'obligeant à la fixer avec une expression aussi neutre que possible, sans colère, sans cette chaleur qu'il avait toujours eu pour elle, jusqu'à ce qu'elle laisse échapper un sanglot triste et parte en courant, une main sur la bouche.

Il se tourna vers les Maraudeurs, figés par la surprise, et il les dévisagea avec toute sa haine et tout son ressentiment. Les mots sortis de sa bouche étaient à cause d'eux et c'était une chose de plus à leur faire payer.

Un jour.

Il se jura qu'il se vengerait, qu'il les anéantirait, même s'il devait y passer toute sa vie.

Avant qu'ils ne reprennent leurs esprits et ne décident de l'attaquer de nouveau, il ramassa ses affaires en silence et quitta les lieux à grands pas, la main crispée sur sa baguette, le visage fermé, ignorant les regards posés sur lui.

Ce fut la dernière fois que Severus Rogue sortit en public sans être vêtu de la tête aux pieds, portant pantalon, chemise et robe sorcière boutonnée jusqu'au col, quelle que soit la chaleur qu'il puisse faire. Les Maraudeurs avaient peut-être exposé devant tout le monde son corps détestable, mais ce serait la dernière fois qu'il serait vulnérable de cette façon.

Ce fut également la dernière fois que Severus Rogue adressa la parole à Lily Evans. Il l'aimait toujours autant, bien sûr, mais uniquement dans le secret de son cœur.

C'était un amour empoisonné, mêlé de ressentiment et de regrets, et cette douleur permanente était sa façon de trouver la force de se battre encore et encore, pour être le meilleur, pour supporter les plaisanteries, le harcèlement et les ricanements moqueurs sur son passage.

Il était déterminé à ne plus jamais aimer quelqu'un d'autre et à ne plus jamais montrer une once de gentillesse envers qui que ce soit.