Chapitre 14

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Peut-être que si Severus offrait sa vie pour aider Lily, son amie penserait à lui, ne l'oublierait pas. Peut-être que Lily se souviendrait de leur amitié et lui pardonnerait ses erreurs. Sinon... il ne manquerait à personne et il n'aurait pas laissé la moindre trace dans le monde — magique ou moldu.

Le fait de prendre une décision avait permis à Severus de se calmer et il se leva finalement, grimaçant lorsque son corps endolori se déplia après une trop longue immobilité, surtout après la correction reçue de Voldemort.

Il pensa distraitement que cette maison Impasse du Tisseur était faite pour attirer le malheur. Depuis qu'il y vivait, des litres de larmes y avaient été versées. Les siennes et celles de sa mère. C'était un monstrueux rappel du manque de bonheur dans sa vie, mais le cœur de Severus semblait s'être asséché à cause de tous ces pleurs. Il ne parvint pas à s'en émouvoir ou à le regretter.

Il se rendit dans la salle de bains dans un état second, à pas lourds, et il prit une douche brûlante au risque de s'ébouillanter. Il fixait la faïence ébréchée et jaunie devant lui, alors que l'eau rougissait sa peau pâle jusqu'à l'inconfort, mais il n'avait plus de larmes à verser, plus de chagrin.

Il avait l'impression d'avoir évacué toutes ses émotions, tous ses sentiments, et il n'était plus qu'une enveloppe vide. C'était probablement pour le mieux. Voldemort avait su lui montrer que les émotions étaient une faiblesse et il avait parfaitement compris la leçon.

Il se sécha sommairement et se rhabilla rapidement — pantalon noir, chemise noire et robe sorcière noire — couvrant chaque parcelle de sa peau pâle, sans vouloir croiser son reflet dans le miroir embué. Il hésita un bref instant alors qu'il allait sortir de la salle de bain et il se retourna brusquement, baguette en main. Il pointa le miroir et marmonna « Evanesco » d'un ton amer.

Il refusait de se regarder de nouveau, pas après ce qu'il avait fait. Il n'était pas certain de pouvoir fixer son reflet sans avoir envie de se blesser pour se punir des erreurs qu'il avait commises.

Il rejoignit la cuisine et chercha quelque chose à manger, ouvrant les placards les uns après les autres. Il trouva une vieille boîte de biscottes, qu'il mangea lentement, les yeux dans le vague. Il aurait à faire des courses, plus tard. Quand il y penserait. Il avait une certaine liste de tâches à accomplir et il allait être particulièrement occupé dans les jours à venir.

Severus ne comptait pas se laisser mourir de faim ou dépérir. Il n'allait pas se blesser ou se mutiler en signe de désespoir. Pour aider sa Lily, son corps ne devrait pas le trahir et il allait devoir s'entraîner durement pour être au meilleur de sa forme. Sans compter qu'il n'était pas aussi tragique.

Après sa collation frugale, Severus rangea soigneusement les biscottes restantes, puis quitta la cuisine pour se laisser tomber dans le canapé défoncé, juste devant la cheminée.

Il fixa les flammes dans l'âtre et frissonna violemment. Il avait l'impression que son corps était gelé et qu'il ne pourrait jamais se réchauffer. Il pensa avec son sarcasme habituel que c'était probablement un effet de la culpabilité qui se faisait sentir. Cette culpabilité allait le torturer jusqu'à sa mort, il le savait parfaitement. Mais c'était probablement une juste punition pour ce qu'il avait fait. Pour sa stupidité.

Il laissa son esprit divaguer quelques minutes, les yeux toujours plongés dans les flammes, puis il ferma les yeux et prit une grande inspiration.

Maintenant, il était prêt à planifier sa trahison dans les détails, à faire en sorte de provoquer la chute de Voldemort malgré la marque détestable sur son bras et le serment d'allégeance qu'il avait prononcé.

Pour ce faire, il allait devoir mentir, prétendre qu'il avait compris la dure leçon de son maître. Il allait prétexter qu'il se moquait du sort de Lily Evans pour redevenir un favori et avoir accès aux informations les plus précises possibles des plans du mage noir.

Il deviendrait le premier mangemort, celui qui serait indispensable. Puis, lorsque le moment serait venu, il se tiendrait devant Voldemort et lui annoncerait froidement qu'il avait œuvré pour sa chute à l'instant où il avait condamné la femme qu'il aimait...

S'il survivait jusqu'à cet instant, il était sûr que l'expression de Voldemort serait parfaitement délectable en comprenant qu'il devait sa chute à une sang-de-bourbe...

Il se reprit pour tenter de se rappeler précisément des Mangemorts ayant assisté à sa punition et à la colère de Voldemort. Severus ne pouvait pas commettre la moindre erreur ni sous-estimer les autres Mangemorts. N'importe qui pourrait le livrer pour gagner du pouvoir auprès de Voldemort.

Il savait que leur conversation n'avait pas été entendue, ce qui lui permettait de rester discret sur ce qui avait rendu fou de rage le mage noir. Voldemort n'expliquait jamais rien à ses fidèles et personne n'oserait lui poser de questions. Severus devrait juste se montrer prudent et s'assurer que le seigneur des Ténèbres n'ait plus rien à lui reprocher. Le cas échéant, le mage noir exposerait ses secrets pour l'humilier et sa carrière d'espion serait compromise.

Il y avait peu de monde à ce moment-là, et heureusement pour lui, les plus enragés étaient déjà partis. Avec un peu de chance, Bellatrix et les Lestrange ne sauraient jamais ce qui s'était produit.

Severus se frotta le visage nerveusement, puis il fronça les sourcils. Maintenant, il lui fallait une excuse pour rencontrer de temps à autre Dumbledore. Quelque chose qui serait accepté de Voldemort, qui n'amènerait pas trop de questions gênantes. Quelque chose qui lui permettrait de rester irréprochable et de faire croire à son envie de se racheter.

Il se redressa avec un ricanement sinistre. Il lui suffisait de convaincre Dumbledore de lui offrir un poste à Poudlard, pour se vanter auprès du mage noir qu'il l'espionnerait pour lui... pour se faire pardonner. Il était certain que son initiative serait appréciée et que le mage noir n'imaginerait pas un seul instant que Severus ait le courage de le trahir...

Il aurait à servir deux maîtres exigeant, évidemment, mais rien d'insurmontable pour un Serpentard tel que lui.

La fille de SeverusWhere stories live. Discover now