La fille de Severus

Chapitre 4

Un jour, Lucius Malefoy vint le voir, fronçant le nez en découvrant la misère qui l'entourait. Bien qu'étonné, Severus le reçut avec respect. Après tout, il était préfet lors de ses deux dernières années, quand Severus était arrivé à Poudlard. L'ancien Serpentard se montra parfaitement courtois, le regardant avec une estime qu'il n'avait jamais reçue de personne.

Ce fut probablement la raison pour laquelle Severus l'écouta soigneusement.

Lucius l'invitait à rejoindre un groupe. Un groupe de Sang pur, de sorciers puissants. De mages noirs, qui espéraient pouvoir pratiquer leur art en toute liberté sans craindre d'être arrêtés et jetés à Azkaban. Ils étaient des sorciers traditionalistes, déterminés à respecter leurs traditions et à se protéger des moldus, bien trop intrusifs, et surtout terriblement intolérants.

Severus hésita bien évidemment. Il rappela à son ancien préfet qu'il n'était pas un Sang pur. Son géniteur était un moldu de la pire espèce après tout, mais Lucius haussa les épaules, se moquant visiblement de ses objections.

— Tu es intelligent, Rogue. Le seigneur des Ténèbres suit ton parcours avec attention depuis quelques années déjà. Des enfants de ses fidèles lui ont parlé de tes résultats. Tu es un potionniste doué, c'est un fait. Tu es puissant et particulièrement prometteur. Il est prêt à oublier tes origines douteuses, si tu lui jures allégeance.

Même s'il affichait un air froid et indifférent, le cœur du jeune Severus battait la chamade, alors que pour la toute première fois de sa vie, il était désiré quelque part. Il serait accepté dans un groupe, il ne serait plus jamais seul. Il ne serait plus jamais une victime.

Il déglutit, un peu hésitant. Le harcèlement constant des Maraudeurs l'avait suffisamment marqué pour qu'il hésite à rejoindre un groupe, craignant de devenir le souffre-douleur. Il n'était pas certain que son talent en potion pourrait suffire à le faire accepter et il s'était juré de ne plus jamais être faible.

Lucius ne semblait pas inquiet par ses doutes. Il lui posa juste une main sur l'épaule, tranquillement, avec un sourire parfaitement courtois.

— Nous nous serrons les coudes entre nous. Le seigneur des Ténèbres n'abandonne jamais ses fidèles, tu sais. Il est très exigeant, mais... il ne te laissera jamais en arrière.

— Je n'ai rien à apporter.

La réponse sèche de Severus fit sourire Lucius. Ce dernier se pencha légèrement vers lui, pour murmurer sur le ton de la confidence.

— Bien sûr que si, jeune homme. Ton don en potions serait très utile à notre cause. Nous sommes prêts à te financer intégralement ta maîtrise en Potions, bien évidemment. Tu aurais tout ce que tu espères. Le pouvoir, la reconnaissance. Tu seras protégé, Severus, nous ne laisserons plus les petits Gryffondor de Dumbledore venir t'ennuyer.

Une lueur d'envie passa dans le regard sombre de Severus, alors qu'il imaginait ce que pourrait être sa vie si Lucius Malefoy tenait ses promesses. Pour l'instant, il n'avait pas les moyens de s'offrir un apprentissage après Poudlard, et il était résigné à prendre le premier emploi qu'il pourrait trouver pour espérer survivre dans le monde magique et financer ses études dans quelques années. Il était fermement déterminé à ne plus jamais remettre un pied dans la maison familiale lugubre une fois majeur, convaincu que son père se ferait un plaisir de le jeter à la rue le jour même de sa majorité.

Cependant, habitué aux déceptions et aux trahisons, Severus se referma immédiatement. Méfiant, il fixa Lucius, comme s'il essayait de lire ses pensées, de trouver le piège.

— Et que devrais-je faire en échange ? Tout ça semble bien trop beau pour être un simple geste de charité. Même au nom de la solidarité entre Serpentard.

Lucius sourit et il eut un geste bref de la main.

— Nous rejoindre. Faire partie de notre groupe. Tu serais notre égal, bien évidemment. Tu serais un Mangemort comme moi et tu porterais la marque des Ténèbres avec fierté. Je suppose que le seigneur des Ténèbres aura besoin de tes services pour brasser ses potions, mais ça ne sera pas... une activité à plein temps, rassure-toi. La plupart du temps, nous avons tous notre vie, avec en plus la certitude d'avoir un appui de nos camarades en cas de problème. Tu seras totalement libre de tes mouvements, évidemment, tu auras juste à répondre à ses appels pour nous assister.

— Vous assister ? Tu veux dire participer aux attaques qui frappent le monde magique ?

Lucius ricana, nullement inquiet.

— Il faut bien secouer un peu le monde magique pour espérer le changer. S'il faut se salir les mains pour protéger la magie et notre héritage... alors soit. Nous n'hésitons pas, nous nous battons pour nos enfants. Pour les enfants que nous aurons un jour. Chaque goutte de sang versé sert notre cause et je t'assure que nous ne blessons pas de gaieté de cœur. Mais nous devons nous faire entendre.

Severus sembla déchiré entre l'attrait de ce qu'on lui offrait et la perspective de devoir blesser ou tuer. Lucius lui sourit, ses yeux gris brillant d'un air charmeur. C'était probablement le visage qu'il offrait à la ministre, quand il lui chuchotait à l'oreille pour l'orienter dans ses décisions. Bien qu'encore jeune, Lucius Malefoy avait une emprise certaine sur la ministre Millicent Bagnold.

— Tu es un mage noir, Severus. Je peux le sentir, ta magie... résonne si fort. Elle est puissante et sauvage. Tu n'as jamais eu envie de laisser libre cours à tes pouvoirs ? À découvrir ce que ça fait de laisser toute cette puissance sortir librement sans craindre d'être jugé ? Tu apprendrais des maléfices dont tu n'imagines même pas les effets et personne ne serait derrière toi pour te brider ou te réprimander. Imagine la liberté que tu aurais, le plaisir que tu prendrais.

Il y eut un long silence, pendant lequel Lucius Malefoy ne quitta pas Severus des yeux un seul instant. Brûlé par le regard clair, le jeune homme finit par fermer les yeux et hocher la tête lentement. Il pensa brièvement que s'il était Maître des Potions, peut-être que Lily le verrait de nouveau. Peut-être qu'elle reviendrait vers lui et se rendrait compte qu'il avait toujours été là, l'attendant avec adoration.

Il oubliait juste avec soin que c'était lui qui l'avait écarté en l'insultant de la pire façon qui soit.