La fille de Severus

Chapitre 19

Au cours de sa vie, Severus avait vu sa fierté être piétinée à de multiples reprises. Puisqu'il n'avait rien d'autre, il s'y était accroché désespérément parce que c'était la seule chose qu'il possédait. La seule chose sur laquelle il avait un contrôle.

À chaque fois, il avait souffert et haï la terre entière.

À chaque fois, il s'était juré de ne plus jamais baisser la tête, de ne plus jamais courber l'échine.

Le premier à avoir écrasé sa fierté avec un sourire mauvais avait été son père ivre. Il l'avait frappé encore et encore, jusqu'à ce qu'il soit réduit à une masse de douleur, persuadé qu'il allait mourir. Même s'il s'était juré de tenir le coup, le petit Severus avait finalement craqué et il avait supplié son père pour qu'il soit clément. Par la suite, son père durcissait ses punitions, avide de le voir se briser et pleurer, attendant qu'il soit prêt à le supplier. Severus s'endurcissait en grandissant et son père devenait de plus en plus violent. De plus en plus incontrôlable.

En arrivant à Poudlard, il avait pensé avoir gagné un peu de liberté. Cependant, les Maraudeurs avaient entamé un travail de harcèlement constant. Severus tentait de cacher à quel point il était affecté, il était bien trop fier pour montrer ses souffrances, mais les Maraudeurs avaient poussé jusqu'à ce qu'il perde l'appétit et le sommeil, jusqu'à ce qu'il soit si nerveux qu'il sursautait au moindre bruit.

Lily ne l'avait jamais su, mais il avait de lui-même ignoré toute fierté. Il s'était forcé à supporter les attaques incessantes des Maraudeurs, uniquement pour la garder près de lui. Il voulait tant l'avoir près de lui qu'il s'était laissé humilier encore et encore et même de cette façon, il l'avait perdue.

Severus n'avait pas pensé à sa fierté lorsqu'il s'était agenouillé devant Voldemort, pour prendre la marque. Pas plus qu'il ne s'en était soucié lorsqu'il avait rampé devant Dumbledore pour tenter de sauver Lily.

En se préparant pour rejoindre Voldemort dans son repaire, il ne pensa pas un seul instant à sa fierté. Sa fierté n'avait plus aucune valeur, tout comme sa vie. Il allait ramper, jusqu'à obtenir le pardon du mage noir. Il allait s'humilier et laisser le mage noir faire ce qu'il voulait de lui, uniquement pour avoir une chance de protéger Lily.

Il savait qu'il serait torturé, longuement et brutalement. Son corps devrait faire face à une somme de douleur inouïe pour expier les péchés imaginés par Voldemort, il serait ridiculisé devant les Mangemorts également, pour le briser et lui rappeler qu'il n'avait aucune autre valeur que celle décidée par son maître. Cependant, son esprit lui semblait détaché de tout ça. C'était quelque chose qu'il devait faire, le moyen de parvenir à ses fins. Le reste ne comptait pas vraiment.

Avec un peu d'indifférence, il prit soin d'avaler une potion antidouleur en prévention. Il se moquait de souffrir, mais il préférait rester sain d'esprit. Un espion fou n'avait pas vraiment d'utilité après tout.

Au moment de partir, il regarda autour de lui avec attention et il pensa qu'il allait peut-être mourir d'ici peu. Cependant, l'idée de sa mort imminente ne le perturba pas vraiment. La mort lui semblait être une délivrance bienvenue. Il pensa juste qu'il n'avait personne à qui laisser sa maison et que personne ne s'intéresserait à ce qu'il laissait derrière lui.

Il ne manquerait à personne.

Ce constat amer ne le toucha même pas. Il le savait après tout, il l'avait toujours su. Bien au contraire, il y avait presque une pointe d'envie à l'idée d'être libéré de cette vie de misère. Le néant semblait hautement séduisant, en comparaison.

En arrivant devant Voldemort, Severus s'agenouilla immédiatement, tête baissée, en une position de soumission absolue. Il avait posé sa baguette devant lui, prouvant qu'il s'offrait volontairement, totalement impuissant. Sans aucun moyen de défense, au même niveau qu'un stupide moldu que Voldemort exécrait tant.

Il reçut un doloris dès son arrivée, un long doloris puissant, et il se mordit les lèvres jusqu'au sang, refusant de hurler sa douleur. Il baissa juste un peu plus la tête, s'évadant dans son esprit, invoquant le visage de Lily pour se souvenir des raisons de ses actes.

Heureusement pour lui, la salle était vide et personne ne serait là pour assister à sa déchéance puis à sa conversation avec le seigneur des ténèbres.

Il se redressa légèrement lorsque le sort se relâcha, haletant, constatant que c'était plus une mise en garde qu'une punition qu'il venait de recevoir. Il garda les yeux baissés, se montrant repentant et humble.

— Maître, je suis désolé. Pardonnez-moi d'avoir douté.

Voldemort resta longtemps silencieux, le dévisageant avec attention, comme s'il suspectait ses intentions. Après un long moment, il renifla, méprisant.

— Il faudra me prouver ta loyauté, après cette déception.

Severus s'inclina un peu plus, son front effleurant presque les pieds du mage noir.

— J'ai pensé... Maître, j'ai accepté un poste à Poudlard. J'ai pensé que vous aimeriez que quelqu'un puisse garder un œil sur Dumbledore pour vous... Je voulais vous montrer ma fidélité...

Il y eut un long silence, difficile à supporter pour les nerfs de Severus. Cependant, il resta de marbre, immobile et silencieux. Il attendait la réaction de Voldemort, toujours soumis, détestant être au sol, à ses pieds.

Après un long moment, Voldemort éclata d'un rire fou et cruel.

— Mon cher petit Mangemort si fier... Tu avais tant soif de mon pardon pour penser à un acte d'éclat ? C'est une bonne initiative, Severus. Une très bonne initiative. J'espère que tu ne commettras pas l'erreur de me décevoir de nouveau. Tu seras surveillé, Severus. Je garderai personnellement un œil sur tes actes et si tu oses me trahir...

Severus murmura immédiatement, avec une dévotion qu'il était loin de ressentir.

— Je ne vous décevrais plus, Maître, je le jure.

Voldemort émit un ricanement moqueur, bousculant Severus du pied. Ce dernier se laissa faire, sans montrer la moindre rébellion. Il garda son visage vide de toute émotion, ses yeux noirs ne reflétant rien de plus que ce que le mage noir voulait y lire. Il se laissa dévisager et bousculer, s'attendant presque à recevoir de nouveaux sorts douloureux. Mais Voldemort semblait avoir une autre idée en tête.