La fille de Severus

Chapitre 8

Il n'y avait personne autour de lui, qui se souciait assez de lui pour venir fêter cet évènement en sa compagnie. Hormis Lucius et ses discrets éloges, personne ne vint le voir ou le complimenter de son parcours. Il n'avait personne à qui parler, personne à qui annoncer son succès. Ses parents étaient morts tous les deux et il n'avait aucun ami proche.

Refusant de montrer la moindre faiblesse, Severus se redressa et prit le diplôme avec un visage fermé et serra la main de l'homme inconnu avant de quitter la pièce, sans un mot, les sourcils froncés.

Le jeune homme quitta le Ministère, un peu groggy, hésitant sur ce qu'il devait faire maintenant qu'il avait atteint ses objectifs. Il n'avait pas la moindre envie de rentrer chez lui, dans cette maison sombre et emplie de mauvais souvenirs. Il n'avait personne à qui rendre visite. Lily était perdue depuis longtemps maintenant et il n'était pas sûr d'avoir le courage de lui faire face un jour quoiqu'il puisse en dire.

Contrairement à ce qu'il avait espéré, la guerre menée par Voldemort n'avait pas pris fin. D'ici peu, il serait probablement appelé par Voldemort pour se battre lui aussi et il devrait tuer pour satisfaire son Maître. Bien qu'il ait un statut un peu particulier du fait de sa position de potionniste attitré au sein des Mangemorts, il avait rencontré suffisamment le mage noir pour savoir que personne ne pouvait refuser un ordre. Pas sans le payer de sa vie.

Severus transplana pour Pré-au-Lard, essayant de retrouver des souvenirs agréables, du temps où il profitait des week-ends pour s'y promener avec Lily. Cependant, le village sorcier lui rappelait aussi les endroits où les Maraudeurs l'avaient attaqué ou s'étaient moqués de lui.

Après avoir parcouru la rue principale d'un air maussade, il entra finalement dans la taverne miteuse au bout du village, bien loin d'être aussi chaleureuse que celle de madame Rosmerta. Il plissa le nez en entrant, clignant des yeux face au nuage de fumée et tentant de s'habituer à la semi-obscurité. La tête de sanglier était presque déserte hormis quelques habitués déjà bien éméchés, et il se glissa à une table, dos au mur, tout au fond de la pièce, le visage fermé. Personne n'irait imaginer qu'il venait d'accomplir un de ses rêves, devenir maître potionniste.

Il était presque invisible, ainsi installé, vêtu de noir, et ça lui convenait parfaitement. Personne ne s'intéressait à lui, personne ne regardait vers lui. Il commanda un Whisky pur-feu et la serveuse ne lui jeta pas un regard en le servant, faisant juste glisser le verre sur sa table avant de repartir aussitôt. Severus commença à boire doucement, sans se préoccuper de ce qui l'entourait, se perdant dans ses pensées sombres emplies de rage et de regrets.

Severus sursauta brusquement en entendant la voix joyeuse de Dumbledore, le reconnaissant immédiatement bien qu'il ne l'ait pas entendu depuis plusieurs années, et il ramena rapidement sa capuche sur sa tête, la tirant assez pour cacher ses traits. Il n'était pas d'humeur à faire la conversation ou de supporter la fausse bienveillance de cet homme, qui l'avait laissé souffrir toute sa scolarité. Le directeur de Poudlard entra dans une pièce derrière lui, passant près de lui sans le voir. Dumbledore fut rejoint par une femme à l'allure étrange, vêtue de vêtements bien trop colorés et dépareillés, les yeux écarquillés derrière les verres épais de ses lunettes.

La porte claqua derrière le couple inhabituel, mais resta entrouverte au lieu de se fermer correctement. Malgré lui, curieux, Severus tendit l'oreille, toujours dissimulé derrière la capuche de sa cape. Il entendit la femme plaider sa cause pour être engagée à Poudlard, assurant qu'elle avait le talent nécessaire et que les astres lui avaient assuré que le poste était fait pour elle. Visiblement, elle se vantait de descendre de la prophétesse Cassandre en personne et d'avoir hérité de son don de clairvoyance. Severus se retint de renifler avec mépris en comprenant que cette cinglée convoitait le poste de professeur de divination. Il ne fallait pas être Merlin pour comprendre qu'elle n'avait pas vraiment de talent ni de compétences et qu'elle espérait que son lignage célèbre lui ouvrirait des portes.

Avant que Dumbledore ne puisse donner une réponse, il y eut un raclement de chaise brusque et de l'agitation dans la pièce. Severus dut se retenir de ne pas se retourner pour essayer de voir ce qui se passait. Puis, la femme reprit la parole, d'une voix étrange, comme désincarnée, d'un ton saccadé, haché.

« Celui qui a le pouvoir de vaincre le seigneur des Ténèbres approche... il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois... "

Stupéfait, Severus vida son verre d'une gorgée, grimaçant sous la brûlure de l'alcool et il fila aussi vite que possible en essayant de ne pas se faire remarquer. Il ne savait pas si c'était une prophétie véritable ou non, mais il ne voulait pas être présent lorsque Dumbledore sortirait de la pièce. Il était parfaitement conscient qu'il venait d'assister à une prophétie concernant son maître, et qu'il serait probablement récompensé pour s'être trouvé au bon endroit, au bon moment, surtout s'il était en mesure de la lui répéter fidèlement.

Il marqua un arrêt à la sortie de la taverne, levant la tête vers le ciel nuageux, hésitant un bref instant. L'après-midi était calme, bien loin de toute la violence qu'il côtoyait régulièrement depuis qu'il était marqué. Même s'il ne participait pas aux attaques à proprement parler, il était souvent appelé après, pour aider à soigner les Mangemorts blessés ou pour leur remettre des potions de soin. Il avait vu son compte de sang et il avait conscience que cette prophétie pouvait tout changer...

L'espace d'un battement de cœur, il se demanda ce qu'une telle révélation entraînerait comme conséquences.

Puis, il se souvint de sa solitude et il voulait obtenir de la reconnaissance, devenir quelqu'un. Il avait enfin un moyen de briller au sein des Mangemorts, de prouver qu'il était plus qu'un potionniste doué, qu'un sang-mêlé recueilli par pitié. Peut-être même pourrait-il lire de l'admiration dans le regard rougeoyant de Voldemort en lui offrant cette information au plus vite.

Alors, il transplana.