Chapitre 6

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Lucius eut un rire amusé, balayant les craintes de son jeune camarade d'un haussement d'épaules.

– Non mon ami. Celui que tu mettras à mort pour prouver ton appartenance aux Mangemorts t'appartient. Tu peux choisir qui tu veux, sauf l'un d'entre nous, bien sûr. Moldu, sorcier, créature... peu importe. Tu dois juste montrer que tu es prêt à aller jusqu'au bout pour le Maître et que tu ne te décourageras pas au dernier moment. Chacun d'entre nous a un peu de sang sur les mains, une façon de s'assurer que personne n'ira se jeter dans les bras des Aurors après avoir reçu la marque. Tu ne peux pas dénoncer les autres si tu es aussi coupable qu'eux.

C'était logique, évidemment. Severus pensa brièvement que Voldemort avait pensé à tout et que mieux valait être du côté de cet homme que contre lui.

Le jour de son diplôme, Rogue regarda à peine ses résultats. Il avait obtenu d'excellentes notes, probablement les meilleures de celles de son année, mais il s'en moquait : d'ici quelques heures, il recevrait la marque des ténèbres et sa vie changerait, pour le meilleur. Il ne serait plus jamais seul ou pauvre.

Il tourna ostensiblement le dos à Dumbledore qui venait le féliciter, refusant ses compliments au sujet de ses résultats exceptionnels, et il ignora les regards légèrement jaloux des Maraudeurs.

Severus ignora également le regard triste de Lily, qui espérait probablement une réconciliation. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle attendait qu'il s'excuse des mots impardonnables qu'il avait prononcés.

Cependant, elle était près de James Potter, leurs doigts noués amoureusement. Il refusait de faire un pas vers elle tant qu'elle serait avec celui qui l'avait tant fait souffrir. Lily avait fait son choix et ce n'était pas vers Severus qu'elle s'était tournée...

Comme Severus l'avait imaginé, il fut mené à Voldemort dans une demeure sinistre et sombre. Le cliché du mage noir dans toute sa splendeur, vivant dans une vieille bicoque probablement hantée. Little Hangleton était un village presque mort, déserté par la population. La maison qu'occupait le mage noir était immense, mais délabrée, comme si elle n'était plus habitée depuis des années, renforçant le sentiment de désolation.

Malgré sa curiosité, Severus ne s'aventura pas à poser des questions. Il obéit aux ordres, avançant quand on le lui demandait, s'agenouillant et tendant le bras sans la moindre hésitation. Il obéit à Lucius, gardant la tête baissée et ne croisant pas le regard de Voldemort. Comme Lucius le lui avait dit, l'homme était magnétique. Il avait une aura impressionnante, presque intoxicante, même si ses traits étaient altérés par des excès de magie noire.

La douleur fut terrible alors que l'encre rampait sous sa peau, mais il resta de marbre, ses yeux noirs insondables fixés sur l'homme qu'il allait désormais appeler « Maître ». Voldemort lui adressa un léger sourire approbateur, ses yeux carmin brillant de contentement, et il hocha la tête, pensivement.

— Severus... Ma nouvelle recrue si talentueuse... Prouve-moi que tu es l'un des nôtres et le monde t'appartiendra ! Tu sais ce qu'il te reste à faire...

Severus s'inclina respectueusement, sans la moindre hésitation, et il transplana. Il s'était décidé après la conversation avec Lucius, choisissant la personne qu'il voudrait tuer.

Avec calme, il poussa la porte familière de sa maison d'enfance, cet endroit plein de pleurs et de cauchemars où il avait grandi comme il le pouvait, essayant de survivre sans trop de dommages.

Son père était présent, avachi dans un fauteuil, ivre comme toujours, somnolant. Il ne portait qu'un caleçon sale et un tee-shirt taché et déchiré, une bouteille de tord-boyaux à portée de main. Ses cheveux étaient bien trop longs et crasseux, il n'avait probablement pas pris la peine de se laver depuis un moment. Sa barbe clairsemée et mal entretenue était parsemée de poils blancs, attestant de son âge. Il était répugnant. À peine plus qu'un animal.

Pourtant, en voyant son fils entrer, vêtu de noir des pieds à la tête, l'ivrogne somnolant écarquilla les yeux et il se dressa comme un diable dans sa boîte, le regard mauvais.

Severus grimaça en contemplant la déchéance de celui qui avait fait de son enfance un long cauchemar. Il secoua la tête, réprimant une vague de nausée, alors qu'il combattait ses démons. Severus prenait conscience qu'il n'était plus le tout petit garçon effrayé, celui qui pleurait en silence et qui cachait les ecchymoses sur son corps. Tobias n'était plus qu'un vieil alcoolique, tenant à peine debout, haineux et faible.

— Je voulais te torturer et te tuer lentement, pour toutes ces années où tu as été un monstre, mais je perdrais mon temps. Tu n'es qu'un... déchet. Tu n'es rien.

Il y eut un silence lourd, comme si son père comprenait que l'instant était crucial. Avant qu'il ne commence à crier, Severus leva sa baguette, fixant sa proie avec un calme étrange, ne parvenant pas à ressentir le moindre sentiment. Ni joie ni regrets, il accomplissait juste une tâche. Il prenait un nouveau départ.

— Avada Kedava.

Immédiatement, Tobias Rogue s'effondra sur lui-même, comme une marionnette à qui on aurait coupé les fils. Severus tourna les talons, sans ressentir le moindre regret.

Arrivé devant la porte d'entrée, il marqua une pause pour dire quelques mots à haute voix, comme pour enfin tourner la page sur son passé difficile. Il n'y avait personne pour les entendre, excepté le cadavre de son père, mais c'était suffisant pour qu'il se sente mieux.

— Tu auras fait au moins une chose pour ton fils, Tobias Rogue. Grâce à toi, l'avenir m'appartient.

La fille de SeverusWo Geschichten leben. Entdecke jetzt