La campagne de Styrell

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Diego

Nous sommes occupés à intégrer les mondes associés autour de Styrell. Je prépare des escadres. Mais j'ai le temps de partir en chasse une dernière fois. Un petit raid avec deux croiseurs légers et quatre avisos. Pendant onze semaines j'ai écumé les environs de mes systèmes. J'ai attrapé trois pirates. Le dernier était un vaisseau de liaison. Deux pirates, qui s'échangeaient des esclaves.

La petite se trouvait à bord. Je l'ai ramenée. Elle a déjà eu trois maîtres. Et elle fait de véritables crises à l'idée d'être de nouveau vendue.

Puis je rentre. Ces patrouilles anti pirates sont nécessaires, mais usantes. Je préfère envoyer des bioroides dessus. Je manque de croiseurs et d'avisos. J'ai vingt-deux systèmes à défendre. Les environs, ça représente cinq cents systèmes. La route compte soixante-dix systèmes. L'immensité de l'espace.

Je reviens sur Kilim. Je suis fatigué. Je m'arrange avec Emma. Il faut trouver une chambre pour la nouvelle. Je lui installe une sorte de case en face de la chambre de Samira. Je compte que la jeune femme saura l'aider à s'intégrer.

Puis je dîne rapidement. J'ai envie de me prendre une semaine de vacances. Pour cela il me faut me mettre à jour de mes rapports.

Heureusement, Karl et Ingrid sont toujours aussi efficaces. En trois heures, je suis à jour. Je rentre dans ma chambre, et tombe nez à nez avec la petite Selinna.

Elle m'attend toute tremblante, petite poulette. Elle est toute fraîche. Je passe un début de nuit agréable avec elle. Mais franchement je n'ose pas. Finalement je la renvoie et fait venir Emma.

Nous terminons la nuit ensemble. Je suis plus à l'aise avec elle. Elle est solide, carrée, comme Indira. Notre relation est étrange. Un sexe un peu mécanique. Une sorte de loyer qu'elle paye de bons grée pour habiter chez moi. Je me sens coupable de faire cela, mais à chaque fois elle me rappelle que c'est son choix. Je l'aime bien pourtant, mais je ne me voie pas faire ma vie avec elle.

Au matin, je me prépare à refaire un petit moment avec Emma. A ce moment, Samira vient la chercher.

En maugréant un peu, je la laisse partir.

Puis elle revient, me prends la main et m'entraîne avec elle. Selinna est dans son lit tremblante, repliée contre le mur. Elle pleure, les mains sur ses yeux.

Samira essaie de lui parler. Emma y retourne. « Du calme, tout va bien. »

« Il ne m'a pas gardée. » Elle en pleurs. Non je ne l'ai pas gardée. J'ai eu envie d'Emma. Mais la pauvre petite n'est pas prête. Quelle punition subissait-elle pour avoir déçu son maître ? Je n'ose y penser. Mais dans l'immédiat, la petite est insensible à la raison. Il ne me reste plus qu'à tenter une autre approche.

« Je ne garde jamais une nouvelle esclave toute la nuit. Une fois que je l'ai évaluée je fais venir Emma pour organiser la chambrée. Cela te choque ? » Mon ton est sec, un ton de maître.

La petite ne m'a pas entendue entrer. Elle est toute surprise. Pas qu'elle. Samira et Neelis sont toutes surprises. Jamais je n'ai parlé comme cela.

La gamine relève la tête. « C'est vrai, je ne vous ai pas déçue ? »

Je continue dans mon personnage.

« Non, mais si tu ne prépares pas le petit déjeuner, tu vas le faire. »

Immédiatement, la petite se précipite à genoux, se prosterne, puis file vers la cuisine.

Plus doux, je me tourne vers Neelis.

« Tu peux l'aider ? Si elle a le moindre problème, elle va refaire une crise. »

La jeune femme acquiesce. « Si vous nous disiez quand même, pourquoi vous lui parlez comme cela ? »

J'explique aux trois femmes. « Elle n'est pas encore mure pour s'entendre dire qu'elle est libre. Ça va être compliqué. »

Elles hochent la tête. Neelis est à peine en meilleur état. Pour elle aussi, il est difficile d'imaginer que je ne suis pas le maître. Mais elle progresse lentement.

Emma me raccompagne dans la chambre, et la petite avec son plateau de petit déjeuner nous trouve en plein tête à tête. Emma lui indique de poser son plateau, lui fait un signe et d'un coup nous ne sommes plus deux, mais trois dans le lit.

Après un moment de détente, je vais me mettre au bord de la piscine. J'aime nager. Avec Indira nous avons fait des kilomètres dans cette piscine. Maintenant, je nage seul, avec mes humeurs. Puis, la tête nettoyée, je reprends ma liseuse, et mes rapports logistiques. Il va falloir sécuriser autour de Styrell. Je préférerais partir dans l'autre direction, mais c'est un nœud industriel de premier plan, qui ne saurait être sous-évalué. Il est indispensable pour l'union que cette zone soit sure. Peut-être jusqu'à Radovan.

Ma leçon a porté, mes voisins ne veulent pas me provoquer. Et puis, ils ont des soucis avec leur propres voisins. Plusieurs, ont déjà sollicité des statuts de mondes associés. Même des seigneurs de guerre préfèrent négocier des accords, avec un esclave et un crédit, que de finir exhibés sur une croix, devant leur ancien peuple. J'ai ainsi récupéré cinq planètes.

Et me revoilà avec l'escadre. La même que la dernière fois. Une autre escadre opère de l'autre côté. A de nombreuses reprises, nous négocions. Le poids de l'acier est convainquant. Quelques seigneurs de guerre s'enfuient, un ou deux combattent La plupart savent que je tiens ma parole et préfèrent négocier. Nous arrivons à Radovan. Radovan la glorieuse, phare de ce secteur galactique. Avec une université, un trafic commercial, une bourse. Aujourd'hui il n'en reste rien. La planète a été mainte et mainte fois pillée. Les colons survivants font pitié avec leurs haillons. Je suis acclamé et pourtant j'ai un goût amer dans la bouche.

Voilà ce qu'est devenu notre monde ? Un champ de ruines, ravagé par les seigneurs de guerre.

Héros de l'empireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant