Chapitre 19

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Darrel

"Fuck" est marqué en grosse lettre à l'intérieur de sa lèvre. Cette fille ne cesse de m'impressionner. J'ai tellement été surpris que j'en ai oublié que quelqu'un me perçait les oreilles. Je n'ai absolument rien senti.

Je relâche la lèvre de Lizzie qui sourit de toutes ses dents parfaitement alignées. Le tatoueur se place entre nous et me tend un miroir. Je m'observe encore abasourdi de ce que je viens de faire. Contrairement à ce que je pensais, la boucle d'oreille se marie bien avec mon visage et mes cheveux bouclés.

La petite tête de Lizzie apparaît dans le miroir. Son petit nez est retroussé comme un lapin.

- Tu es magnifique, elle hurle dans mon oreille.

Je lâche un petit rire. Elle pose son menton sur mon épaule. Ses cheveux doux chatouillent mes joues. Sa main touche ma boucle d'oreille et effleure mon lobe par la même occasion. La piqure me picote légèrement mais notre contact me brûle de l'intérieur. Je tourne la tête vers elle et notre visage est à quelques centimètres. Mes yeux se posent naturellement sur ses lèvres fines. Je me demande si elles sont douces au toucher? A quoi je pense encore.

- Tu m'expliques comment tu as pu te faire ça à dix-sept ans, je dis en pointant du doigt sa lèvre.

- De la persuasion et de la détermination.

- T'es barge, je lâche les yeux grand ouvert.

- Je dirais passionnée.

- Comment as-tu pu accepter de lui faire ça, je me tourne en direction du tatoueur.

- Tu as vu sa tête, on ne peut rien lui refuser, il se défend. Elle est arrivée en chialant comme une enfant.

- Noah ne me refuse jamais rien.

Lizzie regarde son tatoueur en coin. Je ne sais pas pourquoi mais leur "private joke" ne me plait pas du tout. Je m'écarte de Lizzie pour payer le visage fermé, mais lorsque je tends ma carte Noah la refuse.

- Ta copine a déjà payé.

Lizzie se tourne vers moi et m'envoie une pichenette sur le front.

- Grâce à moi tu ressemble à un mystérieux, mignon, bad boy, elle dit en faisant un clin d'œil.

Je hoquette de surprise. Je suis sûr que mon teint à viré au rouge mais Lizzie a l'air tout aussi perturbé. Je me demande si c'est à cause de moi ou de ce qu'elle vient de dire. Elle approche sa tête de la mienne pour l'étudier. J'essaie de bouger mais mon corps refuse. J'ai plus envie d'approcher ma tête contre la sienne pour voir ce qu'il se passerait. Qu'est ce qu'il m'arrive? J'ai envie de me frapper la tête contre le mur.

Lizzie sort la première de la boutique en trottinant. Quand je commence à la suivre, la voix de Noah me rappelle.

- T'as intérêt à prendre soin d'elle, sinon je t'arrache les yeux, dit- il en me regardant sévèrement.

J'ai envie de lui dire que nous ne sommes pas ensemble mais je hoche simplement la tête. Il me fait un peu peur avec ses nombreux tatouages et son regard sombre.

Nous retournons chez nous dans le silence. Je sens le regard perçant de Lizzie sur moi, c'est désagréable. J'ai chaud, trop chaud. Ma tête cogite et je n'arrive pas à faire taire mes pensées. Ça m'insupporte.

Je gare la voiture dans mon allée. Lizzie ouvre la portière et rentre chez elle sans un mot. Je me retrouve comme un imbécile tout seul. Je pensais qu'elle allait vouloir qu'on passe du temps ensemble comme hier. Apparemment cette après midi l'a aussi perturbé que moi.

Je rentre et me dirige vers la cuisine pour me servir un verre d'eau. Je fixe un point face à moi. Je me sens vide sans Lizzie. Je n'arrête pas de penser à elle, comme ancré dans mon esprit. Je plaque ma tête contre le comptoir de la cuisine blanc. Les talons de ma mère résonne dans les escaliers. Je la suis du regard pendant qu'elle se sert un verre de rosé. Puis elle s'installe face à moi. Nous nous étudions du regard. Je souffle un grand coup et me lance.

- Dis maman, comment sait-on si on aime bien quelqu'un?

- Tu aimes quelqu'un mon nounours?

Le sourire éclatant de Lizzie fait son apparition dans ma tête mais je la chasse immédiatement. Je hausse les épaules.

- La première fois que j'ai vu ton père, je ne pouvais pas le sortir de ma tête. Je voulais qu'il m'apprécie et qu'il passe du temps avec moi. Une fois j'ai fait exprès de le bousculer pour qu'il me remarque, elle rigole et se perd dans ses pensées. Je voulais lui parler, l'embrasser, le toucher...

J'ai envie de vomir. Je me bouche les oreilles pour ne plus rien entendre. L'amour me dégoûte, surtout quand il s'agit de mes parents. Je suis content qu'ils soient toujours ensemble mais je n'ai pas non plus envie d'avoir les détails. C'est vrai que j'aime bien Lizzie, que j'ai envie de lui parler et d'être à ses côtés sans arrêt, qu'elle est drôle et belle mais... Je bloque plusieurs minutes sur le "mais". Il n'y a aucun côté négatif à être avec Lizzie. Je réalise soudainement ce à quoi je pense. C'est pas vrai, je ne peux pas avoir de crush sur Lizzie. Je crois en l'amitié fille garçon mais dès qu'il s'agit de ma voisine mon cerveau se bloque.

Je me redresse et ma mère apporte dramatiquement sa main à sa bouche. J'avais oublié ce petit détail. Elle bégaie et pointe du doigt mon nouveau bijou.

- C'est Lizzie...

Ma mère expire de soulagement. Elle sourit et acquiesce de la tête. Je ne suis pas sûre de comprendre. Son sourire malicieux s'agrandit.

- C'est donc elle la fille que tu aimes bien.

Je fronce les sourcils et affiche une mine dégoûtée. Le dire à voix haute est pire que ce que je pensais. Mon cœur a loupé un battement et se prépare à courir un marathon. Il accélère et ne veut pas s'arrêter.

La sonnerie retentit. Je laisse ma mère ébahis et me dirige vers la porte d'entrée. Je l'ouvre en grand et croise son regard marron clair. J'avais totalement oublié. Lizzie me tend ses pots de peinture toute souriante.

- C'est l'heure d'ajouter des couleurs à ta vie Darrel.

Plus cliché tu meursWhere stories live. Discover now