Chapitre 14

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Elizabeth

Il est ébahi. Je baisse la tête vers ma tenue pour essayer de comprendre ce qu'il ne va pas. Bon, je vous l'accorde, on va dire que j'ai encore changé de style. J'ai tenté de remettre les vêtements que je portais il y a un an. Un petit haut blanc à fleurs violet et une jupe en jean courte. Mes cheveux sont tressés en couronne que j'ai galéré à faire en dix minutes donc des petites mèches tombent sur ma nuque et autour de mon visage. Darrel sort de sa transe et referme la bouche.

- Quelque chose ne va pas, je demande inquiète.

- Non, il bégaie. Tu es juste... différente.

- Je prends ça pour un compliment Darrel, dis-je en souriant.

Sur le chemin je repère sur la chaussée de Miami Beach des petites fleurs. Je pose ma main sur le bras musclé de Darrel et lui demande de s'arrêter. Il ne se fait pas prier et je descends du véhicule. Je m'accroupis et ramasse des fleurs comme une enfant.

On adorait faire ça avec Carla. On demandait à papa de s'arrêter et sur le chemin nous mettions des fleurs dans nos cheveux. Ça me parait tellement loin. Depuis, mes parents disparaissent presque toutes les semaines et ma sœur ne me confis plus rien. Je ne vais pas la blâmer, maintenant que je ne m'introduis plus dans sa chambre à une heure du matin elle ne veut plus rien me dire. Carla est très rancunière. Peut être un peu trop. Je me suis éloignée certes, mais depuis l'épisode du cheerleading elle m'adresse à peine la parole.

Je reviens dans la voiture avec une petite poignée de pâquerette. Je les donne à Darrel qui est étonné.

- Tu peux me les coincer dans les cheveux, je lui demande avec un grand sourire.

Je me place dos à lui et attend qu'il me les mette. C'est seulement après quelques secondes que je sens ses doigts placer les fleurs délicatement. Seul le son de la radio remplit l'habitacle. Le souffle de Darrel se répercute sur ma nuque.

Les paroles de "Take me home, country road" me parviennent enfin et je réalise ce qu'elle veut dire. Je rigole. Ça fait un moment que je ne me suis pas senti aussi heureuse et sereine.

- Qu'est ce qu'il te fait rire? demande Darrel intrigué.

- Je ne pensais pas que tu écoutais autant de country.

- Tu plaisantes, j'adore.

Et là soudainement sa grosse voix se joint à celle de John Denver. Il chante vraiment mal et faux mais c'est tellement drôle de le voir comme ça. Darrel se lâche et paraît moins parfait. Pour la première fois je peux le considérer comme mon égal. Alors à mon tour je chante avec lui. J'essaie de reproduire l'accent du Texas mais c'est un fiasco.

Nous reprenons la route tout en continuant de chanter, même si le terme exact serait crier. A la fin une autre chanson que nous ne connaissons pas suit. Je regarde Darrel droit dans les yeux quand nous sommes arrêtés au feu rouge. Il fait de même un léger sourire aux lèvres. Je lui ébouriffe les cheveux pour l'embêter. Quand le feu passe aux verts, je regarde le paysage comme à mon habitude. Les palmiers défilent un par un. Je crois que c'est ma vue préférée.

- J'adore cette vue, je lâche à haute voix la tête collée à la vitre. Au moins elle ne change pas et ne risque pas de changer.

Ma voix est un soupir de soulagement. Je déteste le changement, et pourtant je n'ai pas arrêté d'en faire depuis un an. Je sais qu'un jour ou l'autre tout va exploser, je ne sais juste pas quand.

Je me retourne vers Darrel qui me jette des regards en coin discret.

- Ça me perturbe, il commence en fronçant les sourcils. Tu me perturbes...

- C'est mal ?

- Je n'en sais rien.

Darrel hausse les épaules et redémarre au feu vert.

Quand nous arrivons au lycée, Darrel sort de la voiture en premier ce qui attire tous les regards. Sauf que contrairement aux autres fois où je préférais vivre dans l'ombre, je sors sans me soucier de ce que les gens peuvent penser de moi. Ou alors je veux qu'ils se soucient de moi?

Déterminée, je claque la portière et rejoins Darrel. C'est bizarre si soudainement j'ai envie d'attirer les regards? Depuis un an, je ne vis plus, je survis. Je n'en peux plus de survivre, je veux vivre. Certes ma vie ne me convenait plus, mais celle-là non plus ne me convient pas. J'ai l'impression d'être sans arrêt invisible, de devoir être invisible. Je ne sais pas si c'est parce que je porte mes anciens vêtements mais j'ai envie de me comporter comme l'ancienne moi. Avant que je sache. Avant que ma mère me traite d'aveugle et que ma sœur de folle. Peut-être que si je me comportais comme avant, tout redeviendra normal.

Sous les yeux de tous, avant de me diriger vers mon premier cours, j'embrasse Darrel sur la joue. Je me retourne pour remarquer qu'il a porté sa main à sa joue complètement déconcerté. Il est tout rouge, c'est amusant. Je lui fais un petit signe de la main et m'engouffre dans le lycée.

Plus cliché tu meursWo Geschichten leben. Entdecke jetzt