Chapitre 10

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Pdv Levi

Farlan m'avait tellement manqué ! Il a quand même bien changé depuis la dernière fois que je l'ai vu. Il a surtout beaucoup grandi. Il est devenu un vrai jeune adulte. Ses traits se sont affirmés, ses épaules se sont élargies, il n'a plus rien d'un adolescent. Mais son attitude, elle, semble être restée la même. Il doit passer sa première journée au palais à organiser l'installation de son père, à prévoir certains repas en fonction des allergies de sa mère, à mettre au point les allées et venues des domestiques, je n'ai donc que très peu de temps pour le voir. Mais demain, aux funérailles, on devrait avoir plus de temps pour discuter.

Je me suis arrangé pour qu'il soit installé au même balcon que moi. Je dois malheureusement le quitter pour aller faire mon discours de condoléances. Pendant que Armin termine son discours, il me tapote discrètement l'épaule. Je me tourne vers lui, et il se penche à mon oreille.

"- Ton discours était vraiment bien. Au moins, tu n'en faisais pas des caisses. Ce petit est clairement trop sensible pour ce métier.

- C'est ce que je me tue à dire aux autres, mais personne ne m'écoute.

- En tout cas, je vois que les cours de rhétorique de l'école t'ont bien marqués. On reconnait tout de suite tous ses enseignements.

- On avait la meilleure professeure de rhétorique, normal que ça me soit resté.

- Vraiment ? Moi je la détestais. Je la trouvais trop scolaire.

- C'est vrai qu'on ne te voyait pas souvent à ses cours.

- Remarque, c'est assez représentatif de nos personnalités : toi gentil petit élève scolaire et studieux, et moi grand délinquant.

- Grand délinquant, tu exagères ! Petite frappe, oui.

- Petite frappe, mais grand justicier. dit-il, un sourire dans la voix.

- Je te l'accorde."

Tous ces souvenirs de nos jeune années font naître un sourire sur mes lèvres. Je me sens bien, en sa présence. Je laisse la douce chaleur habituelle s'épanouir au fond de mes entrailles, mais aussi sur mes joues, qui se réchauffent inexorablement. C'est incomprehensible, mais pas désagréable.

Je suis obligé de me changer entre l'enterrement et le banquet d'honneur. Alors que je finis de m'habiller, j'entends quelques coups être donnés à la porte de ma chambre. Lorsque je l'ouvre, je tombe sur Eren, la tête baissée, qui joue nerveusement avec ses mains. Il relève rapidement la tête vers moi.

"- C'est pour quoi ?

- Eh bien.... Je voudrais savoir si je dois venir au banquet.

- Oui. Tu viens au banquet. Ta tenue dorée. Sois prêt dans quinze minutes."

Je referme sèchement la porte. Pas le temps pour ses jérémiades. Ça m'embête déjà suffisament d'avoir à l'emmener, il ne va pas me pourrir la vie avant même qu'on y soit.

Quinze minutes plus tard, Eren n'est toujours pas prêt. C'est pas possible d'être aussi lent.... Il finit par arriver avec trois minutes de retard. Je ne me souvenais pas que sa tenue était aussi.... vide. Je l'observe quelques instants, vérifiant qu'il n'a fait aucun nœud dans les chaînes, et que tout est bien rattaché au bon endroit. Et évidemment, en parfait empoté, il a mal passé son bras droit, et les chaînes se sont emmêlées. J'ai le pressentiment que le laisser s'en occuper seul ne ferait qu'empirer les choses. Je m'approche donc de lui, et commence à remettre de l'ordre dans sa tenue. Il a d'abord un mouvement de recul, mais finit par se laisser faire. En quelques dizaines de secondes, tout est rentré dans l'ordre. Je m'écarte de lui. Passer trop de temps si près de lui m'a rappelé une nuit très particulière et pourtant pas si lointaine, faisant naître en moi des sensations étranges.

Je lui attache sa laisse, lui expliquant clairement que je ne l'emmène que parce qu'il le faut, et non par plaisir. Il ne dit rien et me suit.

Tout se passe comme prévu, Farlan est bien assis à côté de moi. Nous passons tout le début du repas à discuter des dernières nouvelles, et à se raconter nos nouvelles vies respectives, perdus dans notre petite bulle, coupés du monde. Il m'explique qu'en tant que l'aîné, il doit se préparer à prendre la place de son père pour diriger les terres du sud à tout moment. Mais pour le moment, il profite beaucoup de la vie de château. Il organise beaucoup de grandes fêtes, moyennant alcool, musiciens, danseurs, et quelque fois même de la drogue. Je me rends compte que ses mœurs ont l'air plus que légères. Il semble enchaîner les conquêtes, les coucheries, et les réveils brumeux. Hommes comme femmes séjournent dans ses draps, sans aucune distinction. Il a tout de même bien changé par rapport au Farlan que je connaissais. Mais est-ce que c'est ça, grandir ? Devenir un débauché ? Quelques souvenirs troubles de sensations de mains, de bouche sur mon corps me remontent soudainement. Suis-je en train de devenir un débauché moi aussi ?

C'est alors que je me fais cette réflexion que la bulle éclate. Eren passe la tête par dessus la table, jetant un œil à Farlan, et ce dernier arrête tout ce qu'il était en train de faire et regarde fixement Eren.

"- Eh bien, qu'avons nous là...."

Je me tourne vers Eren, le foudroyant du regard. Comment ose-t-il m'interrompre ?

"- Eh bien Levi, tu ne fais pas les présentations ?" dit Farlan.

Je souffle, agacé.

"- Farlan, je te présente mon concubin, Eren. Eren, voici Farlan Church, le premier fils du Seigneur Church.

- Eren, c'est bien ça ? Tu es.... intéressant. Tu dis que c'est ton concubin ?

- Tout à fait. Mais je ne m'en sers pas, il aide juste mes domestiques.

- Quel gâchis.... Je suis sûr qu'il a du potentiel. Il est vraiment adorable."

Eren rougit. Il est vraiment ridicule.

"- Tu trouves ? Je le trouve quelconque.

- Vraiment ? Donc tu n'as rien fait avec lui ?

- Hum.... Et bien, euh, non.

- Dis moi, Eren, quel âge as-tu ?

- 17 ans, Monsieur."

Je jette un regard dédaigneux à Eren, espérant le remettre à sa place, mais Farlan ne semble pas de cet avis.

"- Et bien, Eren, c'est un plaisir d'avoir fait ta connaissance. J'espère pouvoir passer un peu plus de temps avec toi bientôt. Je reste au château un moment, viendras-tu me rendre visite avec ton Maître ?"

Eren me regarde, des questions plein les yeux. Ça m'énerve de devoir le traîner avec moi, quand je pensais avoir des moments seul avec Farlan. Et je sens la jalousie poindre dans mon cœur. Comment ce vulgaire concubin a-t-il pu attirer l'attention de Farlan au point qu'il m'oublie ? Mais bon, je dois montrer à Farlan que je suis aussi un adulte, et je n'ai pas envie de le décevoir.

"- Oui, oui, je l'emmènerai avec moi, si ça peut te faire plaisir...."

Le Royaume d'Eldia  {Ereri}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant