Chapitre 46 : Ta place n'est plus ici

118 22 33
                                    

Lorsque Joshua sortit de la salle pour rattraper le reste de ses camarades, Eirin su qu'elle était dorénavant seule. Après tout, elle avait commencé seule, il était donc normal qu'elle finisse ainsi. La porte venait de se refermer derrière son cousin et avec elle, elle en était sûr, sa période d'accalmie au sein de l'Académie. Malgré la bonne volonté de son directeur, s'opposer à son père était au mieux identique au pari d'un fou au pire signe d'une volonté de destruction mutuelle.

Alors qu'Eirin continuait de fixer le sol la peur au ventre, une nouvelle pensée, aussi vicieuse qu'authentique, s'insinua dans son esprit :

Une accalmie vraiment ? Pour toi, il est heureux de le croire, mais pour les autres elle ne commencera qu'à ton départ, car là n'est pas ta place.

Il était vain de s'opposer à la véracité de cette pensée. Mis à part Shauna, personne au sein de l'Académie ne l'a considérait comme un véritable paladin. "Agent double", "au service du Conseil", "chien de Frey", ... Eirin rit intérieurement, n'écoutant plus que d'une oreille discrète la conversation animée entre son directeur et son père. Et si elle ou Maître Garth parvenaient à convaincre son géniteur de la laisser malgré l'accord initial, rien ne l'attendait. Même Ethan connu pour être incapable de faire mal à un simple insecte avait tenté de l'attaquer.

Oui... après tout, c'était peut-être mieux ainsi.

Un son vint cependant et brusquement la ramener à la réalité. Eirin écarquilla les yeux, ne reconnaissant pas la voix et sachant pertinemment que personne ne se trouvait derrière elle. Elle se retourna vivement et observa l'homme qui venait d'apparaître et faire taire le vif débat dont elle faisait l'objet.

L'homme était à peine plus âgé qu'elle et la regardait avec bienveillance. Il lui offrit un chaleureux sourire qu'elle ne sut rendre trop abasourdie par la situation. Au fil de la conversation, le ton de son père se durcit de plus en plus, sûrement agacé par la façon dont se comportait ce "Dhanu".

Sans qu'elle ne puisse le contrôler, un son sorti de sa bouche et à l'encontre de tout ce que lui avait apprit son père, elle parla sans permission.

— Le dirigeant de la République d'Aldane m'a promis qu'il ferait de son mieux pour ne pas s'opposer au Conseil, alors...

Elle baissa le regard, regrettant déjà ses paroles, mais décida pourtant de poursuivre, sachant que si elle choisissait à présent le silence, la situation n'allait qu'empirer.

— Sans doute ce problème n'est pas aussi préoccupant qu'il le semble.

Le seigneur Freymïr parut sûrement trop occupé et bien trop outré de la façon avec laquelle agissait ce jeune homme qui avait osé les interrompre pour se pencher sur le cas de sa fille. Préférant analyser l'inconnu qui lui faisait à présent face tout en affichant un immense sourire, il présenta une moue désabusée. Les yeux d'un bleu profond de Dhanu, croisèrent ceux du chef de la Maison Freymïr et ce dernier ressentit quelque chose. Un sentiment ? Une sensation ? Une chose, qu'il ne parvenait pas à identifier. De ce jeune homme émanait une aura étrange, à la fois bienveillante, mais aussi puissante. Le temps de cette observation, le seigneur Freymïr ne dit un mot, jusqu'à ce que sa fille prenne de nouveau la parole. Comme s'il reprenait connaissance, il fusilla sa progéniture du regard. Mais avant qu'il ne puisse la remettre à sa place, il fut dépassé par Dhanu.

— Vous avez sûrement raison, Princesse Freymïr. Aldane aura désormais bien suffisamment de soucis et de paperasse à régler, et s'opposer au Conseil sera, pour sûr, la dernière de ses préoccupations. Une République est encore un régime innovant, elle met beaucoup de temps à se mettre en place. Ne serait-ce que pour rédiger une Constitution ! Nous ne pouvons qu'espérer que cela fonctionne pour eux !

L'odyssée des EspritsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant