TWENTY (1)

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Je le fixai pendant un long moment, partagée entre l'envie de rire ou de me laisser tomber sur son épaule en pleurant. Lui, cette petite merde aux yeux rieurs, était le gars le plus drôle et le plus sécurisant de l'univers. Sans parler de ses potes. Sauf Ryan pour qui je ferais n'importe quoi pour ne pas le revoir.

Déstabilisée, je m'appuyai sur mon chariot alors qu'il repoussait d'un geste nonchalant le sien loin de nous. D'une main, j'arrangeai mes cheveux attachés en une queue de cheval et tirai discrètement sur mon débardeur pour qu'il couvre un peu plus mes fesses. Malgré que Cameron était un bon gars, assez intègre et sensé pour ne pas reluquer mon cul en douce, je ne prenais pas de chances. Ils l'avaient fait, lui et Ryan à notre première rencontre.

Et puis franchement, fallait-il vraiment que je tombe sur lui au beau milieu d'une épicerie glauque, ouverte à minuit et dont les seuls bruits qui mettaient de l'ambiance étaient la lointaine mélodie de la radio et les mouches qui voletaient un peu partout ?

Mauvais timing, sérieusement. D'autant plus que la pluie s'était mise à marteler sur les vitres du magasin et que je n'avais ni manteau, ni voiture.

Joie, oh joie !

Je fixai le meilleur ami de mon ex qui me détailla lentement et appuyant ses avant-bras, son éternel sourire narquois aux lèvres. Aux premiers abords, Cameron m'avait paru prétentieux, un brin stupide agrémenté d'une pincée de connitude. Mais en apprenant à le connaitre lors des nombreux voyages d'affaires que Ryan avait avec son père, j'avais réalisé que ce gars était vraiment un incontournable. Honneur à ces voyages qui duraient parfois un mois. C'était sûrement la seule chose que Ryan ne m'avait pas cachée sur sa vie, au vu et au su de tous. Je connaissais l'ampleur de la fortune de ses parents et ensuite la destruction de tout ce que son père avait monté pendant autant d'années lorsqu'il avait quitté Ambre pour moi. Et, bien évidemment, c'était trop tard.

Cam était alors celui qui avait tenté de me remonter le moral, puis m'avouant qu'il l'avait souvent secondé dans son plan foireux, il m'avait laissée aller à New York pour prendre l'entreprise de mon père après sa mort, quelques jours plus tard. Difficilement, j'avais rafistolé mon cœur au super glue, vite fait, pour lui montrer que j'allais bien. Et je devais avouer que, maintenant, j'éprouvais un léger pincement au cœur en croisant à nouveau cet homme qui avait aidé Ryan à mieux me mentir.

Me mentir. Pendant un an. Ils avaient eu un sacré talent tout les deux.

En le regardant retirer savamment sa veste en cuir et la jeter comiquement dans son chariot d'un geste exagéré, je me dis que, peut-être, il n'était pas aussi terrible que cela. Pendant que la douleur inouïe que m'avait infligée la mort de mon père combinée à la douleur de la trahison de Ryan m'avait démolie, il avait été là, m'aidant malgré le rôle qu'il avait joué dans toute l'histoire. Toute cette souffrance que j'avais ressentie était semblable à deux uppercuts au menton avec un coup de tête et une balayette. Et bis.

Et papa n'avait absolument pas pu attendre que je me jette dans ses bras une dernière fois avant de partir à son tour.

Faisant fi de la marée de souvenirs tumultueuse qui m'envahissait le cerveau, je lui offris un petit sourire alors qu'il semblait réfléchir à quelque chose d'intelligent à dire dans une situation pareille.

À peu près toujours, cette tentative était vaine, d'aussi loin que je m'en souvienne.

- Alors, dis-moi la licorne...

Je gloussai, malgré moi, une main sur la bouche pour étouffer ce bruit aussi soudain que disgracieux.

- Quel mauvais vent te pousse vers moi en ce beau vingt-sept novembre ensoleillé ?

LOVE(LESS) - TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant