Le verre d'eau. Le plan de travail.

J'étais resté concentré pendant de longues heures, de longs jours, cherchant la signification de tout ça. Je n'avais pas encore entendu parler de ce fameux camouflage, alors j'étais la personne la moins informés de toute la planète.

Je devais chercher au fin fond de mon esprit. Réfléchir était ma seule arme.

Le cinquième jour, une Métamorphe nommée Catherine était descendu au sous-sol. C'était comme une domestique dans la maison. Une Oméga, sans réelle importance. Enfin selon mon père, moi je trouvais que chaque être vivant était unique. J'avais senti son odeur, seulement, elle n'avait pas ouvert la porte. Elle avait juste glissé sous celle-ci des feuilles et des feutres. Puis elle était repartie en courant. Elle n'était pas autorisée à être là, je le savais, elle le savait. Personne n'avait véritablement le droit de m'approcher. Mon père disait qu'ils risqueraient de me souiller. Je ne le croyais pas.

Mais à être trop longtemps resté seul, je ne supportais pas que l'on m'approche, me parle. Je n'avais juste pas l'habitude. C'est un des aspects de mon enfance qui est demeuré ancré en moi. Bizarrement, Alba est l'exception.

Je m'étais levé de mon coin et avait pris les feuilles ainsi que les feutres en main. Si Catherine m'avait donné cela, c'était bien pour une bonne raison. Elle m'a toujours donné un petit gâteau en cachette le jour de mon anniversaire. Mon père répétait sans cesse que les anniversaires étaient futiles et ne méritaient pas d'être souhaités. Pourtant, j'aimais beaucoup cette vieille dame et son gâteau. Malgré le fait qu'on ne se soit jamais adressé la parole jusque-là.

J'avais mangé deux des feuilles blanches. J'avais besoin d'avoir quelque chose dans le ventre. Je m'étais coupé la lèvre et avait taché de mon sang quelques feuilles.

Puis pendant deux jours, j'avais cherché à trouver comment me camoufler. J'y avais passé là aussi de longues heures sans bouger, les yeux fermés à réfléchir. Parfois je dessinais, mais sans réels objectifs.

Le septième jour, j'avais réussi, j'étais fier de moi. J'avais senti comme un déclic. Les feutres et le papier avaient été utiles.

Vingt minutes plus tard, mon père ne sentant plus ma présence était descendu et avait constaté que j'avais réussi. J'avais mangé toutes les feuilles et glissé les feutres sous mes habits sals, je ne voulais pas qu'ils les voient et accuse quiconque de m'avoir aidé.

Il pourrait tuer pour cela. Il tue facilement.

Le soir-même il m'avait permis de manger. J'avais englouti tout ce que j'avais pu.

En soit, une personne normale pouvait considérer cette semaine d'horrible, mais elle n'était rien comparé à ce que j'avais dû faire auparavant. Et rien par rapport à mes actes futurs. Cette semaine, s'était en fait, plutôt bien passée, j'avais été tranquille, seul, peut-être affamé, le ventre creux et douloureux, mais au moins, je n'avais pas de couteaux sur mon dos. Pas de don quotidien d'énergie pratiquement meurtrier pour l'offreur. Pas de sport pendant plusieurs heures, d'études, de missions insupportables moralement et physiquement, de punitions toutes plus inventives les unes que les autres. Et bien d'autres aspects insupportables de ma vie.

Cette semaine, j'avais échappé à beaucoup. Mais je n'en restais pas moins fatigué, je ne dirais pas jusqu'à faible, je suis un Alpha Suprême comme le répète mon père, je ne la connais. Je ne suis même pas censé connaître la souffrance selon lui, chaque blessure doit être indolore pour moi. Je dois tout surmonter. Mais j'ai mes limites, et regarder des films, jouer aux vieux jeux vidéo sur la console de Samuel, me reposer dans un endroit douillet contrairement à ma chambre ressemblant à une prison, me permet d'y palier.

En soit, c'est un souvenir qui n'est pas très douloureux comparé aux autres. Mais il reste néanmoins brut. Cela s'est passé il y a longtemps, je ne l'ai pas oublié, mais je ne le place pas en première place non plus.

Alba n'a pas besoin de savoir tout ça lors de mes explications. Je lui ai juste décris ce qu'il faut faire, je lui ai donné des informations que je n'ai pas eues. Inutile de lui dire ce que j'ai vécu pour maitriser le camouflage. Personne ne s'apitoie et ne s'apitoiera sur mon sort.

Mais le fait qu'elle parle de ce fameux film, que j'ai regardé juste après avoir compris le camouflage est vraiment inédit. C'est une coïncidence, mais elle reste tout du moins plutôt amusante. Ajouter à cela l'image de cette grande tigresse enfiler un uniforme Allemand, cela est plutôt comique.

Ce n'est pas drôle ! Arrête de ricaner comme ça.

Je me retourne vers elle, je ne peux m'empêcher de garder un léger sourire. Elle agit comme une enfant qui se fait taquiner. C'est un peu le cas en fait.

Je reprends mon sérieux. Ce n'est pas le moment. Il faut que je règle d'autres choses avec elle désormais. Rien n'est fini.

- Alba, il faut maintenant que tu te transformes en humaine, tu es trop visible sous cette forme.

Elle se figea, elle qui me lançait des grognements il y a quelque secondes, elle ne ressemblait maintenant plus qu'à une statue.

On pourrait peut-être le faire une autre fois...Je ne suis pas sûre d'être complètement prête en réalité.

Elle tourna la tête à mon opposé, ne voulant pas affronter mon regard.

- Maintenant que tu m'as dit que tu voulais redevenir humaine, il est urgent de le faire le plus vite possible. Etre animal est beaucoup plus dangereux qu'humaine. Tu es facilement repérable. Autant mettre toutes les chances de notre côté.

J'ai vécu pratiquement toute ma vie sous cette forme. Ce n'est pas facile. Il faut être préparé. Je ne le suis pas.

Je soupirais. Mon dos s'affala sur le dossier de ma banquette noire.

- Je sais. Mais il le faut.

Ma main se posa sur sa tête doucement. J'avais envie de la réconforter, je ne sais pas trop pourquoi. Je ne suis pas doué avec les relations.

A mon toucher, je sentis bizarrement une déchirure. Pas sensorielle, mais spirituel.

Son camouflage vola en éclat.

ALBAWhere stories live. Discover now