CHAPITRE 24

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Eliaz en média

PDV ELIAZ :

Cela durait depuis vingt bonnes minutes. Je n'en pouvais plus.

Je ne savais pas comment répondre aux questions de Johanna. D'une, je n'appréciais pas les discussions, et de deux, elle était perdue, et passer de longues minutes à lui expliquer la situation n'étais pas quelque chose qui m'enchantait réellement. Mais elle n'avait pas l'air de se rendre compte de mon agacement et continuait à me poser des questions, encore et encore depuis plusieurs minutes. Elle avait heureusement délaissé ses questions sur cette « étrange communication » qui a eu lieu entre moi et la femelle.

Doit-on lui dire ? Sur le fait que nous pouvons interagir par pensées ?

Je regardais Alba discrètement et tournait la tête imperceptiblement. Non, je voulais pour l'instant préserver le secret, je ne savais pas exactement pourquoi, mais j'avais l'intime conviction qu'il ne fallait pas que je le dise à qui que ce soit. Même si je savais que la personne en face de moi n'était autre que la marraine d'Alba, quelqu'un en qui on pouvait sûrement avoir confiance.

J'étais indécis, notre conversation pouvait parvenir à n'importe quelle oreille indiscrète, et je ne voulais pas que les deux meutes toutes entières soient au courant. C'était en sorte mon petit secret avec la tigresse. Et surtout, les Métamorphes sachant ça se poseraient des questions et seraient intrigués, les interrogatoires recommenceraient, ça m'horripilait rien qu'en y pensant. Déjà que Scott avait l'intention de m'en faire passer un à cause de ce qu'il s'était passé hier soir. Il avait vu mon animal et avait deviné qui j'étais, ça méritait de nombreuses questions de sa part.

Alba comprit d'ailleurs rapidement mon point de vue, sans même que je réponde oralement à sa question. Elle avait compris le fil de mes pensées, ou en tout cas, c'est ce que je ressentais. Etrangement, plus les heures défilaient, plus j'avais l'impression que j'arrivais à entrer en elle, à la percevoir telle qu'elle était. Pour une raison que j'ignorais encore.

Pourquoi a-t-elle parlé de...tatouage sanguin ? Qu'est-ce que c'est ?

J'essayais tant bien que mal de faire en sorte que Johanna ne sache pas plus de choses à propos de cette fameuse communication qui nous unissait Alba et moi. Je répondais donc aux questions de Johanna, tout en écoutant les questions de la tigresse. La marraine, demandait essentiellement plus d'informations sur les circonstances dans lesquelles ont avait trouvé sa nièce.

Cependant, comment donner une réponse à Alba lorsque je réponds déjà à quelqu'un d'autre à haute voix ? Il n'y avait qu'une solution.

- Elle a blessé près de la moitié de Scottish ? C'est surprenant...Tu m'épate Alba ! Et comment vo...

- Ecoute Johanna, la coupais-je. On est fatigués du trajet et des derniers événements, tu ne veux pas qu'on reparle de ça demain ?

Elle ferma la bouche, pantoise

- Tu rigoles j'espère ? Je viens enfin de retrouver Alba après dix ans de séparation ! Je la croyais morte ! Il est à peine dix-sept-heures ! Nous avons largement le temps de discuter. Et tu lui as demandé peut-être ? Tu n'es pas dans sa tête, elle se sent peut-être en pleine forme contrairement à toi.

Je comprenais son résonnement, mais honnêtement, elle me gênait. J'aimais bien être seul avec la femelle. C'est bon, les retrouvailles avaient eu lieux, maintenant c'était fini, on pouvait passer à autre chose. Et même si j'étais content pour Alba, content qu'elle ait retrouvé quelqu'un de sa famille, j'en avais plus que marre d'être questionné sans arrêt.

Johanna souffla voyant que je ne répondais pas.

- Ecoute Alba, elle se tourna vers elle. Monsieur l'Indomptable ici même à l'air d'être fatigué. Tu n'as qu'à venir jusqu'à ma caravane, on pourra discuter, même si ce ne sera sûrement que par des oui et des non. Tu pourras t'y installer, maintenant que l'on s'est retrouvées, je ne compte plus te lâcher.

A croire que mon surnom était connu.

Elle lui adressa un sourire tendre.

Son petit discours m'avait hérissé le poil. Alba ? Aller chez elle ? Hors de question qu'elle aille autre part, même si cela pouvait être à seulement plusieurs mètres. Quand elle s'éloignait j'avais des courbatures dans tout le corps, mes muscles me tendaient, étrange pour un Métamorphe qui n'en ressentait pratiquement jamais. De plus, l'imaginer désormais loin de moi, avec quelqu'un d'autre ne me plaisait pas du tout. C'était comme ça depuis que je l'avais rencontrée, je voulais constamment qu'elle soit à côté de moi. Et non d'un croc, je ne savais vraiment pas ce qui m'arrivait.

Je regardais Alba à ma droite pour voir sa réaction.

Elle recula et se plaça derrière moi. Ses yeux se baissant. Mes poumons s'emplirent d'un oxygène nouveau et frais. La louve, ça faisait plaisir.

(Pour ceux qui n'ont pas compris : La louve = La vache. Oui, les expressions Métamorphes sont étranges, mais les nôtres encore plus.)

-...A...Alba ? Questionna Johanna.

La tigresse tourna légèrement la tête vers moi. Ses yeux perçants croisèrent les miens.

Comment dire, je préfère rester avec toi.

Je crois qu'à cet instant, j'étais vraiment heureux. J'avais l'impression d'être plus important que Johanna. Je ne savais pas pourquoi elle m'avait dit cela, je ne comprenais pas non plus son choix, mais je l'appréciais. Oh que oui.

- Je pense qu'elle est mieux avec moi, répondis-je à l'intention de la marraine.

J'aurais pu formuler la phrase d'une autre façon. Mais cette tournure me convenait bien. Johanna avait une mine totalement perplexe. Elle était dans l'incompréhension.

- Et bien...Soit. Si c'est ce qu'elle veut je ne vais pas insister.

Elle fit légèrement la moue, puis s'approcha d'Alba, lui caressa doucement la tête, ce que la tigresse apprécia et commença à s'éloigner. Johanna semblait légèrement vexée, comme si il y avait une certaine injustice dans la situation actuelle. Je suppose qu'elle ne voulait pas trop montrer sa perplexité en voulant paraître consentante et compréhensive.

- On se voit au dîner commun, dit-elle en partant. On reparlera de tout ça demain.

Sa silhouette élancée, même pour son âge, s'éloigna doucement en direction du camp. Nous laissant enfin seuls. J'étais content qu'elle soit partie, plus d'intrus.

La tigresse souffla bruyamment. Elle semblait un peu tendue, sûrement parce qu'elle avait dit à sa marraine, qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps, qu'elle ne voulait pas aller avec elle. Ce qui me surprenait encore tout en me réjouissant.

- Pourquoi lui as-tu dit non ? Dis-je en chuchotant, histoire de ne pas me faire entendre, même de loin. Enfin je l'espérais.

Je voulais tout de même savoir.

J'ai mes raisons.

Elle ne répondit pas plus et rentra à l'intérieur de mon camping-car comme si rien n'avait eu lieu. Elle secoua d'ailleurs sa patte arrière droite pleine de terre avant de rentrer, histoire de ne rien salir. La scène était assez comique.

Je haussai les épaules, je finirai bien par savoir ses fameuses raisons.

J'entrais à mon tour dans mon antre en fermant la porte derrière moi. Je retrouvais Alba allongée sur la banquette noire, comme tout à l'heure. Je m'asseyais à côté d'elle, prêt à tout lui expliquer.

- Bon, on va commencer par les tatouages sanguins je suppose.

Alba hocha vivement de la tête, les yeux pleins de curiosité. Elle semblait désormais concentrée sur mes paroles, comme si, elle essayait d'évacuer son appréhension face à Johanna par un focus maximal sur moi-même. Je n'allais pas m'en plaindre.

Accroche-toi, j'ai beaucoup de questions sans réponses.

Venant d'elle, ça ne me dérangeait pas. Et puis, onavait du temps devant nous avant le dîner.


ALBAWhere stories live. Discover now