Je soufflais, fixant la route. Je n'entendais plus la tigresse. Je levai les yeux vers le rétroviseur, elle s'était endormie, sous le son des voix émises par la télé. Elle semblait désormais détendue, apaisée. Toute la matinée elle était passée par diverses émotions, avait rencontré différentes personnes. Tout cela était très nouveau pour elle qui avait vécu autant de temps seule. Elle devait être épuisée à cause de tous ces événements.

Je serrais le volant. Je ne savais pas pourquoi elle avait subi cela. Dix ans à vivre dans une forêt c'était impensable ! Je ne savais pas non plus dans quelles circonstances elle avait atterrit là-bas, mais je voulais le savoir. Je devenais de plus en plus obnubilé, ça aurait pu arriver de tellement de façons différentes que je m'emmêlais. J'espérais seulement, qu'elle n'avait pas trop souffert. Ou du moins, qu'elle avait surmonté la douleur. Mais d'après la dernière pensée que j'avais captée venant d'elle, cela semblait pencher plutôt vers le non. Et ça me contrariait.

Je décidais de m'arrêter sur une aire d'autoroute pour faire une pause. Mes yeux me piquaient. Je les frottais. J'étais crevé.

Une fois garé, mon dos s'affala sur mon siège, je fermais mes yeux quelques secondes, les fronçant. Tout ce qui m'arrivait en ce moment était étrange, arrivait d'un coup, se cumulant de plus en plus. Honnêtement, j'étais perdu.

Je croisais mes bras sur mon torse, gardant les yeux fermés, ma tête se baissant. Je ne savais pas ce que me réservais l'avenir, encore plus depuis que j'avais rencontré la tigresse. J'avais déjà les Traqueurs de mon père à mes trousses depuis deux ans, voilà qu'une Alpha Suprême inconnue venait d'apparaitre. Les problèmes allaient arriver, c'était sûr. Et malheureusement, je sentais bien malgré moi que j'allais me retrouvé au cœur du conflit, étant donné mon identité et ma place. Dans tous les cas, j'étais foutu.

Soit les autres Alphas Suprêmes envoyaient des Métamorphes à la recherche de la tigresse pour assouvir leurs projets et je serais obligé d'agir contre eux. Hors de question de les laisser l'attraper, mes sens se mettaient à l'action rien que de savoir qu'ils pouvaient la toucher.

Je suis frustré, je ne contrôle rien.

Soit les Traqueurs me retrouvaient, me voyaient, la voyaient, en profiteraient pour faire d'une pierre deux coups, me ramenant chez mon père. Dans tous les cas, les conflits s'amèneraient. Il fallait vraiment faire profil bas. Se cacher au sein de Scottish, ne pas faire d'esclandre, se faire oublier et espérer qu'un miracle ait lieu.

Scottish était le nom de la Meute Nomade de Scott. Il s'appelait Scott et avait des origines écossaises. Il avait trouvé le jeu de mots amusant. Scottish voulant dire Ecossais en Français. C'était d'un ridicule. Mais tout le monde s'y était habitué.

Ce n'était définitivement pas drôle.

Et pour ajouter encore plus de malchance à mon tableau du jour, Scott avait la ferme intention d'avoir une discussion avec moi pour avoir des explications. En me voyant arriver sous ma forme animale pour ramener la tigresse il a tout de suite vu qui j'étais, étant donné que ma forme animale était unique. En tout cas, il était sûr que dans toute la France, il n'y en avait pas d'autres comme moi. Par rapport au monde je ne savais pas, mais je pense que j'étais le seul.

De toute façon, quel que soit les situations possibles et probables, il était sûr que les ennuis s'amenaient. Je le sentais, j'avais l'odorat pour ce genre de choses. Malheureusement.

Je grognais et regarda à travers le parebrise pour observer la population autour de moi. Si les humains savaient le nombre de choses qu'ont leurs cachaient, ils ne vivraient pas aussi tranquillement.

Je me retournais et me levais, me dirigeant vers la tigresse qui s'était étalée sur la banquette. Elle dormait vraiment à point fermé.

Avant d'entrer de nouveau dans le camping-car elle avait pris soin de se nettoyer les pattes, sans même que je lui demande. J'avais apprécié le geste, le ménage n'était pas trop mon fort. D'ailleurs il fallait que je pense à enlever toute cette terre que la femelle avait dispersé hier soir et ce matin.

Je m'assis sur le bout de la banquette, près de sa tête et l'observait. J'avais l'impression d'être un stalker à la fixer comme ça. Mais je n'arrivais pas à faire autrement. Juste l'observer était plaisant. Dans tous les recoins je voyais de la beauté, de la grâce, de la puissance, de la véracité. J'aurais tellement aimé la voir humaine. Elle devait être magnifique.

Ma main se porta toute seule sur sa tête, la caressant doucement. C'était presque naturel.

A ma grande surprise, malgré que je sente au plus profond de moi qu'elle était complètement endormie, elle ronronna. Comme si son corps, d'automatisme, appréciait mon touché. Je m'imaginais peut-être des choses, mais c'était mon ressentit. Et ma Meute, ça me fit un bien fou d'envisager cela possible.

J'avais des petits picotements et tressautements au niveau des doigts, comme si ma peau réagissait, encore une fois, à son contact. Je me sentais juste bien. Je la couvais carrément des yeux.

Et c'est là que je me rendis compte de tous mes actes envers elle. Mes yeux s'écarquillèrent. Mais qu'est-ce que je foutais bon sang ! Je ne la connaissais que depuis quelques heures ! On aurait pratiquement pu penser que j'étais amoureux ! C'était tout bonnement impossible !

Malgré les choses étranges qui se produisait entre nous, que ce soit le captage de pensées ou la douleur liée à la distance – de mon côté en tout cas-, c'était vraiment étrange de voir à quel point j'agissais sans réfléchir. Mon corps se mouvait avant que mon cerveau ait décidé quoique ce soit. Et je détestais ne pas avoir de contrôle.

J'enlevais donc brusquement ma main de la tigresse et me leva pour retourner à ma place de conducteur. Mais la femelle, dans son sommeil, couina, quand elle ne sentit plus la chaleur de ma main. Je le savais, j'en étais certain.

Une boule se forma au creux de mon abdomen, une main invisible froissa mon organe vital.

Et promptement, je me rassis sur la banquette et reposa ma main sur la tigresse, la caressant à nouveau. Elle se détendit et se remit à ronronner. Il m'arrivait quoi bon sang... Je n'arrivais pas à résister.

J'étais, irrémédiablement, perdu.

Et vraiment pathétique.

Le contrôle s'échappait de plus en plus de ma volonté.

ALBAWhere stories live. Discover now