ALBA

CHAPITRE 16

Quand nous arrivâmes à destination, de nombreuses personnes se pressaient près d'une caravane aussi blanche que luisante. Les caravanes s'étaient placées autour, formant un cercle de taille moyenne permettant à plusieurs Métamorphes de s'y trouver. Cela devait sûrement être l'emplacement de la cantine qui avait été apparemment démontée.

Au centre de ce cercle, se trouvait la fameuse caravane blanche qui devait être en fait, réservée à la cuisine. Un homme, de taille imposante et aux épaules carrées distribuait des tranches de bacon, mélangées à des œufs brouillés dans des assiettes en cartons, accompagné de jus d'orange dans un verre en plastique ainsi que des couverts. A chaque plat donné, il cochait un petit carré sur une feuille où de nombreux noms étaient marqués. Cela lui permettait sûrement de ne pas servir deux fois une personne voulant prendre la nourriture de quelqu'un d'autre.

Tout d'un coup mon ventre gargouilla de plus belle, j'avais terriblement faim n'ayant pas mangé depuis à peu près deux jours. Etant donné que j'avais du mal à trouver du gibier cette année, j'avais souvent une pénurie de nourriture. J'avais pas mal de fois eu le ventre vide, et cela de plus en plus, notamment aujourd'hui. Ainsi qu'hier, et avant-hier.

Eliaz se retourna, il devait avoir entendu mon cri de famine.

- Tu dois avoir faim, c'est vrai, commença-t-il. Allons d'abord déposer ces sacs dans mon camping-car et après on pourra manger tranquillement. Et si tu as encore faim, j'ai de quoi te nourrir encore une fois.

Il désigna ses sacs de la tête. Il releva ses yeux et croisa mon regard, puis il regarda au-dessus de moi en fronçant ses sourcils. C'était plutôt mignon ce genre d'expression.

- Tu es réveillée Sulie, dit-il avec une pointe d'agacement dans sa voix.

Le poids sur mon dos bougea légèrement. La gamine s'était probablement réveillée en sentant l'odeur de la viande grillée. Elle s'appelait donc Sulie.

Après qu'un ange soit passé, elle ne semblait toujours pas vouloir répondre à Eliaz. Elle serrait mes poils de ses petites mains et gardait la tête enfouie dans mon cou. Si j'avais pu l'en empêcher, je l'aurais fait. Mais en fin de compte, même si je n'avais pas le contrôle de mon corps quand il s'agissait d'elle, je trouvais cela plutôt flatteur.

- Tu pourrais descendre de son dos ? Dit Eliaz. Il semblait légèrement énervé, je ne comprenais pas pourquoi.

Mais dans tous les cas, j'espérais que Sulie fasse ce que l'apollon lui avait demandé. Ce n'est pas que je la détestais ou quoique ce soit. Je commençais même –un peu- à apprécier le fait d'avoir une petite chose se collant à moi. Cependant, au bout d'une bonne heure, elle commençait à peser son poids. J'avais encore de la réserve, mais il ne fallait pas exagérer.

Sulie, toujours sans sortir le moindre mot, descendis doucement de mon dos. Ce fut plutôt long étant donné que j'étais très grande et qu'elle était toute menue. Elle posa un pied à terre. J'eu la soudaine impression d'avoir des milliers de chaînes se détacher de moi, s'écrasant en tintement significatifs sur le sol. Et pourtant, il n'y avait rien autour de moi. Je me suis senti légère comme une plume, comme si un poids obstruant tout mon être avait disparu. Etait-elle l'auteur de ces chaînes invisibles ? Je pense que la réponse était un oui catégorique, bien que je ne sache pas comment elle faisait.

Une fois qu'elle était complètement debout, je pus apercevoir son visage effrayée par Eliaz. Elle s'accrochait à moi comme si j'allais la sauver de quelque chose. Sauf qu'Eliaz n'était pas ce genre de personnes, du moins avec les enfants. Je le sentais, je le savais.

- Je vais retourner au camping-car avec la tigresse pour déposer mes affaires. Reste ici s'il-te-plait et ne nous suit pas, je ne veux pas que tu entre ou approche mon territoire.

La petite fille hocha vivement de la tête, trop effrayée de le contredire. Je pense que c'est normal. Nous chérissons tous notre territoire quel que soit la personne. Je m'étonnais même qu'Eliaz m'est laissée empiéter dessus.

D'après Kiara, Eliaz était faible comme une souris. Ce que je pouvais contredire haut et fort. Mais en y réfléchissant, je pouvais sentir les énergies de tous les Métamorphes autour de moi, qu'ils aient beaucoup de potentiels ou non. Celle d'Eliaz était infime, presque imperceptible. Je ne savais pas comment il faisait pour ne pas montrer sa puissance, mais en tout cas, c'était certain qu'il cachait sa véritable nature. Ce qui me laissait plus que confuse, je ne comprenais pas pourquoi. Et pourtant, malgré ses facultés dissimulées, Sulie était effrayée par lui. Je pense que même inconsciemment, les enfants savaient qu'ils se trouvaient en face d'un homme hautement intimidant et supérieur.

Ce qui est plutôt attirant en soit.

Eliaz sembla s'adoucir quand il vit la réaction de la petite fille. Son froncement de sourcil disparu.

- Mais si tu le souhaite, quand nous reviendrons prendre le déjeuner, tu pourras venir avec nous. Bien que je n'aime pas cela...finit-il en murmurant.

Pourquoi n'aimait-il pas cela ? C'était plutôt à moi de dire cela ! Mais je doutais fortement qu'Eliaz ait comprit qu'elle m'avait menée par le bout du nez.

Les yeux de la petite fille s'illuminèrent, elle sourit de toutes ses dents.

- Oui ! Cria-t-elle en me faisant un énorme câlin, la peur ayant disparue de ses traits de visage.

Qu'avais-je bien pu faire pour être autant appréciée par cette enfant ? Peut-être car je lui avais accordé de l'attention ? Ce n'était pourtant pas de mon ressort, elle m'avait littéralement contrôlée, même si j'avais l'impression qu'elle n'en avait pas conscience.

Il allait falloir que j'élude la question, je ne voulais pas encore une fois me faire hypnotisée par une enfant d'une dizaine d'années. Cette fois-ci, je n'allais pas oublier le problème pour m'en débarrasser comme j'en avais l'habitude.

Mais là, maintenant, j'avais juste extrêmement faim.

***

J'ai changé la couverture d'Alba, j'espère qu'elle plaira !

Merci de me lire !

Kenavo :*