Partie 24

9.2K 1.1K 242
                                    

Nae

(9 mois, 7 jours, 10 heures, 22 minutes, et environ 35 secondes plus tard)

Le vent fouettait mon corps, j'avais les yeux fermés mais les larmes réussissaient quand même à filtrer à travers mes paupières closes sous la poussée du dynamisme. Les jambes relevées vers l'arrière, les bras ouverts en croix que je tentais de stabiliser de mon mieux, j'étais en chute libre.

Mon cœur remontait dans ma poitrine, mes oreilles sifflaient, et je savourais ces sensations. Rien de tel pour me sentir vivante, me sentir libre...

Puis tout à coup, le choc.

Des bras qui m'enserraient, un claquement d'ailes qui nous propulsait vers le haut, c'était déjà fini.

— Cela faisait longtemps, princesse, commenta Haziel. Je pensais que cette fâcheuse tendance suicidaire t'avait quittée depuis le temps.

Ne pouvait-il donc pas se taire ? Ce que j'aimais le plus dans mes sauts dans le vide, mis à part mon sentiment d'être enfin libérée de toutes chaînes, c'était ce moment de flottement et de calme qui suivait la chute. Je ne touchais jamais le sol, je le savais. Il y avait toujours une de ces saletés de moustiques angéliques pour me rattraper et j'avais ensuite tout loisir de contempler le paysage qui s'étendait sous mes pieds. La vue de Svatantria depuis les airs était à couper le souffle. C'était bien pour cette raison que je plongeais.

Oh, les premières fois c'était différent. J'étais bien décidée à y laisser ma peau en fin de parcours, je n'attendais même que cela. Mais, avoir frôlé la mort m'avait fait revenir sur ma position.

Ce n'était qu'après avoir fini de m'entailler les veines et avoir vu tout ce sang couler autour de moi que j'avais réalisé toute la portée de mon geste. J'allais disparaître. Et je n'y étais pas vraiment préparée.

Je m'étais vue dépérir, j'avais senti la vie me quitter et le souvenir de mes parents était revenu me hanter. J'avais immédiatement regretté cette malheureuse décision. Quelle égoïste... Sur le moment, je n'avais pas pensé au mal que je risquais de faire à mes proches s'ils apprenaient ma mort.

Durant mon agonie, je n'avais pas vu ma vie défiler devant moi... non, uniquement leurs visages larmoyants et leur incompréhension face à mon geste désespéré. Et je crois que, quelque part, c'était ce qui m'avait maintenue en vie jusqu'à l'arrivée d'Elemiah. Je m'étais raccrochée à leur mémoire et j'avais utilisé mes dernières forces pour me battre et ne pas trahir la confiance qu'ils avaient placée en moi.

Alors, aujourd'hui, je ne cherchais plus à mourir.

Mon seul but était de connaître à nouveau ce sentiment de liberté qui s'emparait de mon être chaque fois que je sautais. J'y étais devenue accro.

Mon dernier plongeon remontait à plusieurs semaines en arrière. La dernière fois, les anges y étaient tellement préparés que ma chute n'avait pas duré plus de 5 secondes. Une grande déception. Alors j'avais décidé de patienter un peu, d'attendre qu'ils relâchent leur vigilance pour profiter au maximum de ma prochaine immersion dans les airs. Et j'avais réussi.

Cette fois-ci, il avait fallu un peu plus de 30 secondes à Haziel pour me repêcher. Cela pouvait sembler court, mais pas lorsque l'on chutait... le temps semblait étrangement ralentir, et une simple moitié de minute pouvait alors se révéler des plus grisantes.

Haziel se posa sur la terrasse de mes appartements et me retint un instant contre lui, le temps que je reprenne mes esprits et que mon corps se réhabitue au contact du sol sous mes pieds.

J'étais toujours sonnée après coup. Mes oreilles bourdonnaient, mon cerveau faisait sans doute des tonneaux à l'intérieur de ma tête... bref, j'étais incapable de tenir une conversation sensée avant plusieurs minutes.

Comme s'il pleuvait des anges (Édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant