Partie 9-2 : Nae

10.6K 1.3K 252
                                    

Nae

Je scrutai Keran de mes yeux bleus. Attendant patiemment, et avec un peu d'appréhension il fallait le dire, qu'il se décide à me répondre.

J'avais la bougeotte, je me déhanchais sur mon tabouret, mal à l'aise. Je me tordais les doigts et n'arrêtais pas de soupirer. Keran ne me lâchait pas du regard. J'avais l'impression d'être un rat de laboratoire qu'on examinait au microscope. Je m'obligeai à le fixer sans ciller, je ne serais pas la première à détourner les yeux. Il était essentiel que je remporte cette bataille. Je tiendrai bon.

Les minutes passaient, je commençai à me dire qu'il ne me répondrait jamais, lorsqu'il se décida enfin à parler.

— Je peux te jurer que je ne t'envoie pas dans un piège parce que je n'ai aucune raison de tromper ta confiance. Tout ce qui pourrait me pousser à le faire serait de savoir que les anges détiennent une chose susceptible de m'intéresser, or ce n'est pas le cas. Ils ne peuvent rien m'apporter que je n'ai déjà. Et je t'assure qu'il existe bel et bien un moyen de passer cette barrière, même si cela n'a rien à voir avec une baisse d'énergie comme tu te prête à le croire, me dit Keran avec un air moqueur. De ce fait, Trevor est ta meilleure chance de sortie. Il est le seul individu, en dehors de nos amis à plumes, à posséder un accès direct à ce passage. Et il se trouve qu'il a une dette envers moi, il n'a donc aucune raison de refuser de me venir en aide. Au contraire. Crois-moi, il sera sans aucun doute très heureux de savoir qu'il peut enfin remettre les compteurs à zéro.

— Mais comment ? Comment Trevor peut-il avoir accès à ce passage ? Et c'est quoi cette dette entre vous ? Pourquoi décides-tu de l'utiliser pour m'aider moi alors que tu aurais pu y trouver un intérêt personnel ? Et puis tu mens, les anges ont au moins une chose qui est susceptible de t'intéresser : tu pourrais me vendre contre ta propre liberté, pour ne plus être prisonnier du champ de force. C'est ce que s'apprêtaient à faire les deux blaireaux de l'autre soir après tout, alors pourquoi pas toi ?

— Nae... m'avertit Keran.

— Oui, je sais, trois questions et pas plus, ronchonnai-je.

— Crois-moi, les anges n'ont rien à m'offrir. Sortir de la ville n'est pas dans mes projets pour le moment, et comme je te l'ai dit, si tel avait été le cas, Trevor aurait tout à fait pu remplir ce rôle sans que je ne sois obligé de marchander avec les anges.

Je devais bien admettre que ce dernier argument tenait la route. Si Trevor possédait réellement un moyen de quitter Svatantria, alors je ne voyais pas ce que les anges auraient pu apporter de plus à Keran. Et vu le nombre de tenues féminines hétéroclites que j'avais pu trouver dans son armoire, j'aurais été très étonnée qu'il attende le retour d'une femme à ses côtés. Pour cela, il aurait fallu qu'il n'en choisisse qu'une parmi le nombre incalculable de conquêtes qu'il semblait avoir eu. Son appartement avait tout du repaire d'un célibataire heureux de l'être et sans aucun désire d'attachement.

Sans savoir pourquoi, je me renfrognai encore un peu plus après ce constat.

— Il faut que tu saches que Svatantria n'est pas la seule ville que les anges ont envahie, me dévoila soudain Keran.

Et cette révélation m'arriva comme un coup de massue sur la tête. Je ne m'attendais certainement pas à me prendre une telle bombe en pleine poire. Je n'avais tout simplement jamais pensé que d'autres villes puissent connaître le même sort. Ce qui était pourtant logique quand on y réfléchissait. Pourquoi les anges auraient-ils jeté leur dévolu sur une ville aussi insignifiante que Svatantria ? Elle avait certes beaucoup de charme, mais la Terre était vaste et riche d'endroits sûrement bien plus attrayants que ne l'était ma ville. J'étais sidérée. Et, à présent, tout un autre flot de questions venait taper contre mon crâne.

Comme s'il pleuvait des anges (Édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant