Et en plus ça le faisait marrer ?! Son comportement face à cet être taillé pour la bataille m'inquiétait de plus en plus. S'il continuait à le provoquer de la sorte il allait se faire tuer, et je ne voulais pas être responsable de cette tragédie, ni y assister en tant que principale spectatrice. Je ne pourrais jamais plus me regarder en face si je savais qu'il était mort par ma faute.

Mais il n'est pas encore mort, me résonnai-je. Il est là, à tes côtés, dans toute sa magnificence et il transpire la vitalité. Alors ne le laisse pas se sacrifier pour toi.

Ma décision était prise. Je m'apprêtai à faire un pas en avant, à la rencontre de mon destin, mais Keran me stoppa avant que je n'ai pu faire le moindre mouvement.

— Nae, m'avertit-il comme s'il avait lu dans mes pensées ce que je m'apprêtais à faire.

Je le regardai du coin de l'œil. Lui en revanche ne détachait pas son regard de notre ennemi commun, il était tendu comme un arc et observait son adversaire sous toutes les coutures, attentif à la moindre vibration de son corps.

— Retourne sur tes pas, va trouver Trevor, m'ordonna-t-il.

— Non, m'opposai-je fermement.

— Nae...

— Pas question que je te laisse mourir pour moi. Je reste.

— Je ne vais pas mourir, grinça-t-il des dents. Fais-moi confiance et fais ce que je te dis.

— Mais...

— Nae ! me coupa-t-il en haussant le ton. Pour une fois dans ta vie, cesse de te conduire en parfaite idiote et obéis !

J'étais blessée par ses paroles. Cela m'attristait de savoir qu'il me voyait comme une idiote. Je n'étais peut-être pas une lumière mais je n'avais rien d'une ingénue.

Cette saleté de moustique avait suivi notre échange sans dire un mot, mais au sourire qu'il arborait, on sentait bien que la situation l'amusait. Décidemment c'était une coutume ce soir.

Tiens, si on se pétait la gueule tout en se bidonnant ! Mais oui, extra ! Quoi de plus sain ?!

Je mis encore quelques secondes à me décider puis, comme un bon petit soldat, je choisis finalement d'obéir à Keran. Je ne voulais pas le décevoir. Et il ne me laisserait pas aux mains de notre assaillant sans le combattre de toute façon, alors autant que son sacrifice serve à quelque chose.

J'espérais simplement que ce choix ne le mènerait pas à sa perte.

Je fis un premier pas en arrière et me tournai vers l'homme qui me sortait une fois de plus d'une mauvaise passe. Celui sans qui je ne serais pas là aujourd'hui. Cet être énigmatique dont j'aurais voulu pouvoir percer tous les secrets.

— Merci, lui soufflai-je.

J'avais essayé de faire passer dans ce simple mot, non seulement toute la gratitude que j'avais pour lui, mais aussi la promesse que nous nous reverrions bientôt. Je ne pouvais me résoudre à penser que ce moment était notre dernier.

— Cours ! rugit-il.

Et je détalai comme si le Diable était à mes trousses. Les dernières paroles de l'ange accompagnant ma foulée titubante : « Tu ne pourras pas te cacher de nous éternellement, humaine. Bientôt tu connaîtras ton rex et tu reconnaîtras en lui ton âme-sœur, comme il l'a lui-même reconnu en toi. ».

Ces types avaient définitivement pété une durite. Ils avaient le ciboulot ravagé. Comment des êtres célestes aussi parfait qu'eux, en tout cas physiquement, pouvaient se révéler aussi dérangés par ailleurs ?

Je suivis les ordres de Keran à la lettre, rebroussant chemin pour retourner devant les portes du club au plus vite. J'ignore comment je réussis à ne pas me perdre alors que mon cerveau était toujours embrumé et que mes pas étaient pour le moins vacillants.

Ma course folle fut stoppée soudainement par un corps qui apparût en travers de ma route et deux mains qui m'empoignèrent les bras brusquement. Je hurlai, ne contrôlant plus mes émotions à cet instant. J'étais à bout de nerfs.

— De grâce, Nae. Moins fort, tu vas finir par réveiller les morts.

Il me fallut un certain temps pour retrouver toute ma contenance et réaliser qui se trouvait en face de moi.

— Trevor ? couinai-je.

— Lui-même, ma douce. Diantre ! Mais que s'est-il passé ? Tu trembles comme une feuille. Où est Keran ? Ne me dis pas qu'il t'a laissée seule après t'avoir surprise avec cet ivrogne.

— Je...J'ai...

Complètement affolée et essoufflée, je n'arrivais pas à aligner deux mots. Ma course effrénée et ma violente rencontre avec Trevor avaient épuisé le peu de force qu'il me restait.

Ce dernier dut comprendre qu'il n'obtiendrait rien de moi dans cet état puisqu'il se rapprocha soudain pour me serrer dans ses bras et me donner la stabilité qu'il me manquait.

— Chuuut, murmura-t-il. Tout va bien, ne t'en fais pas. Prends le temps de retrouver tes esprits. Je suis là, tu es en sécurité.

Sa main caressait mon dos dans un mouvement circulaire des plus rassurants et le timbre de sa voix hypnotisante tout près de mon oreille me relaxait encore davantage. Il accompagnait son geste de petits baisers sur le haut de mon crâne et si je n'avais pas été aussi inquiète du sort de Keran, j'aurais pu m'endormir sur place tant cette accolade était confortable.

— Un ange nous a attaqués. Keran est resté pour le combattre, expliquai-je plus calmement que je ne l'aurais pensé compte tenu de la situation.

— Bien.

Bien ?

Est-ce que Trevor avait bien entendu ce que je venais de lui dire ? Je lui annonçais que son ami était sur le point de se faire sucer le sang par un moustique angélique et lui tout ce qu'il trouvait à répondre c'était « bien » ?

— Ah, cesse de faire les gros yeux, Nae, rit-il. Je peux t'assurer que Keran n'aura aucun mal à s'occuper du problème. J'imagine que c'est lui qui t'a dit de venir me trouver ?

Voyant que je hochais la tête, il poursuivit :

— Son appartement a sans doute été repéré. Viens, je vais t'emmener en lieu sûr en attendant son retour.

J'étais lessivée, je ne comprenais rien à la réaction de Trevor, ni même à celle de Keran d'ailleurs, mais j'étais beaucoup trop épuisée pour tenter de percer cette nouvelle énigme à jour. J'entrepris donc de suivre ses pas docilement, choisissant de lui faire confiance et de ne pas poser de questions. Pour le moment.

Je n'avais qu'une envie, m'effondrer sur un lit et tomber dans les bras de Morphée pour oublier toute cette histoire. Et si Trevor souhaitait me rejoindre sous la couette, je ne dirais pas non.

Comme s'il pleuvait des anges (Édité)Where stories live. Discover now