De nacre et d'acier

Chapitre 26 : Maxius

Dès le coucher du soleil, Maxius avait quitté le château telle une ombre. Il avait emprunté un véhicule pour se rendre dans le centre-ville et l'avait garé dans le quartier est, au cas où il se fasse repérer un peu trop rapidement. Ses pas le menèrent à la maison close de madame Marthe, un lieu où l'on pouvait trouver mademoiselle Saphyr. La courtisane avait de l'influence et connaissait bien la cour de nacre, dans l'intimité des alcôves du château. Maxius l'avait repérée à plusieurs reprises lors des bals et de fil en aiguille, il s'était rapproché d'elle avec l'aide de Clematys. Lorsque Saphora les avait surpris tous les deux dans la ruelle à l'arrière de la maison de plaisir, elle lui avait révélé des informations intéressantes, mais devait encore confirmer ses dires. Deux jours auparavant, il avait reçu un télégramme de sa part et lui avait directement répondu.

Armé de son calepin et de son stylo, il était prêt à échanger avec elle, seul à seul. Maxius pénétra dans la maison close et demanda à voir la courtisane. Elle le reçut dans son boudoir, à l'abri des oreilles indiscrètes. La pièce était plongée dans une semi-obscurité, créant une atmosphère propice aux confidences. Après l'avoir chaleureusement accueilli, Saphyr, assise avec une grâce naturelle, regarda Maxius d'une façon séductrice.

— Tu es vraiment sûr de ne pas vouloir passer entre mes mains expertes ? insista-t-elle, un sourire charmeur ourlant ses lèvres peintes d'un bleu profond.

Maxius déclina poliment son offre, bien qu'il aurait pu l'accepter avec plaisir. Saphyr était une très belle femme aux formes voluptueuses, mises en valeur avec une tenue légère aux tons pastel, soulignant son teint brun clair et ses cheveux frisés d'un noir de jais. Ses yeux, d'une teinte envoûtante, oscillant entre le doré et le noisette, couraient sur lui avec une envie manifeste, mais elle ne s'offusqua pas de son refus. Il tint une posture décontractée, pour lui témoigner sa sympathie, espérant qu'elle l'interprète ainsi. Après avoir lu son mot, elle lui adressa un sourire flatté.

— J'ignorais que tu pouvais être aussi charmeur. Nul besoin de te perdre en compliment, je t'avais promis plus d'informations et les voici, mon beau.

Saphyr commença à partager des informations compromettantes sur les agissements étranges du père de Saphora :

— Ta ravissante épouse semble ignorer les activités secrètes de son cher père. Ton beau-père semble impliqué dans des transactions louches, déplaçant des fonds vers des destinations inconnues. Un des banquiers du siège de la Caisse Royale a rencontré l'une de mes petite protégée. Après quelques bouteilles de vin, il a commencé à se montrer plus bavard, même s'il faisait encore preuve d'une grande prudence. De ce que nous avons compris, le seigneur Del Wyn s'adonne à des marchés louches, loin des regards indiscrets de la cour royale. Si tes soupçons sont corrects, il pourrait bien être lié à des organisations aux intentions peu scrupuleuses. La pègre n'a pas pignon sur rue ici, alors je pencherai peut-être pour les factions rebelles lycanes ou des groupuscules indépendants. Toutefois, j'ignore encore ce dont il s'agit, tu m'en vois navrée.

Maxius réfléchit un instant. Que pouvait bien financer August au détriment de son peuple, de sa famille ? Le faisait-on chanter pour une erreur qu'il aurait pu commettre sur les Terres Sauvages ? Les conflits là-bas semblaient constamment passés sous silence.

— Concernant les Transformés, j'ai l'impression qu'ils sont envoyés ici par une personne capable de les faire pénétrer sans être vus. Une personne détenant une certaine influence. Je suppose que c'est une façon de mettre la pression sur Del Wyn, tu ne crois pas ?

Saphyr avait un raisonnement parfaitement logique. Maxius en était arrivé à la même conclusion.

— En tout cas, conclut-elle de sa voix chantante, j'ai adoré mené ma petite enquête. Voilà bien longtemps que je n'avais pas fait cela, c'était fort distrayant.