Chapitre 3 : Maxius

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Les deux immenses portes de la salle de réception s'ouvrirent pour faire entrer la délégation de Domov. Un héraut annonça la famille Volkov. Maxius réajusta rapidement le col de sa veste, spécialement confectionnée pour cette occasion grotesque. Il se souvenait avoir à peine eu le temps d'empêcher sa mère d'ajouter des breloques alors qu'il avait déjà consenti à agrémenter le revers de ses manches avec des arabesques carmin, ce qui à ses yeux, représentait déjà le summum de ce qu'il acceptait en termes d'excentricité. Maxius aimait les vêtements de qualité et unis, au grand dam de ses parents. A côté des nobles présents dans la salle, ils ressemblaient à une marée noire envahissant un océan aux centaines de nuances de bleu, la couleur de prédilection de la cour de nacre.

Le vampire ne se sentait pas à sa place parmi tant d'opulence. Il évitait avec soin ce genre d'évènement, plutôt habitué à jouer l'homme de main pour son père ou encore accompagner les princes et la princesse Funera, la région mère. Maxius était plutôt un homme de l'ombre et cela lui convenait plutôt bien. Il n'avait pas besoin de communiquer avec les personnes qu'il comptait rosser de toute façon.

Clematys, elle, paradait fièrement dans sa robe fendue rouge en soie, représentant la seule touche de couleur dans cette masse sombre. Ils s'avancèrent vers leurs hôtes d'un pas fluide. Maxius reconnut aussitôt August, entouré de ses conseillers. Il était facilement reconnaissable avec ses cheveux d'un blanc éclatant plaqués en arrière et son regard bleu océan. Il leur adressa un sourire chaleureux et prit la parole :

— Soyez les bienvenus, mes chers enfants. Je suis ravi de faire enfin votre connaissance. Votre père m'a tellement parlé de vous que je me suis demandé pourquoi je n'ai jamais pensé à vous inviter dans notre belle région.

— Nous allons y remédier, je n'en doute pas, répondit aimablement Clematys.

— Bien entendu. Laissez-moi vous présenter mes deux filles avant de dîner. Voici ma fille aînée, Impera.

Les conseillers s'écartèrent pour laisser place à une jeune vampire. Elle s'avança vers eux et leur fit une révérence. Les jumeaux s'inclinèrent poliment.

— Et ma cadette, Saphora. Saphora ? Où te caches-tu ? s'amusa le seigneur de Kalagas.

Maxius se retint de lever les yeux au ciel. Il regarda ailleurs en imaginant le moment où il allait pouvoir ôter ce vêtement ridicule et échapper à cette mascarade. Il s'inclina machinalement au même moment que sa sœur pour ne pas paraître grossier. Il aurait été tellement plus utile ailleurs. Il laissa Clematys faire la conversation jusqu'au moment où elle lui flanqua un léger coup de coude pour attirer son attention.

— Bien, bien, s'enthousiasma August. Maintenant que les présentations sont faites, allons dîner. Veuillez me suivre.

Les vampires de Domov suivirent ceux de Kalagas en empruntant une porte dérobée pour rejoindre la salle à manger. La décoration était plus épurée, hormis celle disposée sur la table avec de grands vases et des bouquets de roses blanches gigantesques. Décidément, l'extravagance de Kalagas était partout. Un chandelier en cristal tintait au-dessus de leur tête, faisant miroiter ses éclats iridescents sur la table de chêne blanc. Maxius se plaça à côté du seigneur en bout de table. Impera s'assit en face de lui et l'observa brièvement. Elle replaça une mèche blanche de ses cheveux derrière son oreille pointue. De son point de vue, Maxius ne pouvait voir que l'extrémité de la table, Clematys, August et sa fille aînée. La cadette et une bonne demi-douzaine de convives étaient dissimulés derrière ces fleurs ridicules. Maxius soupira.

Un repas mixte leur fut servi : du sang et de l'alcool pour les vampires et des mets raffinés pour les invités mortels.

Maman aurait crié à l'infâmie, ricana Maxius à l'attention de sa sœur.

— Mon frère est étonné que vous soyez entouré de conseillers de toutes espèces, déclara Clematys.

— Cela a toujours été ainsi, répondit August avec douceur. Kalagas a toujours été réputée pour ... Disons son ouverture d'esprit.

— Est-ce que cela vous pose un quelconque désagrément, Clematys ? s'enquit Impera.

Les deux femmes se fixèrent un instant.

— Non, loin de là ! Pour tout vous dire, nous aimerions faire changer les mentalités sur la côte ouest d'Orpyr, mais vous savez ...

— Cela prend du temps, sourit August. Ici, nous sommes à l'écart de la société et de certains de ses codes, parfois stricts. Nous essayons néanmoins d'appliquer l'étiquette et d'obéir à la couronne, cela va de soi. Notre proximité avec les Terres Sauvages et le Territoire des Lycans nous a fait adopter une certaine tolérance envers les autres espèces. Nous aspirons à des relations cordiales. D'une part, parce que nous le voulons, d'autre part, parce que nous serions les premiers impactés en cas de conflits avec le territoire des lycans ou encore l'empire de Rödska par-delà l'Océan de Faunus.

— Oh, je crois que vous n'avez rien à craindre de la part des métamorphes.

— Ah oui ! C'est vrai que vous avez combattu à leurs côtés récemment. Vous voyez, le monde change, finalement.

Les mondes avaient changé. Pas celui des vampires. Depuis que le roi Drimir avait été couronné, il avait fait avancer l'histoire des vampires, jusqu'à un certain point. Mais Maxius trouvait cela encore trop lent. Il était né à une époque où les vampires traquaient encore en toute impunité les autres espèces. Il n'existait pas de banque de sang, on se servait directement sur des victimes. Les plus riches disposaient de plusieurs mortels à leur service, dédiés uniquement à cet usage. Après les nombreux conflits entre les trois espèces d'Orpyr, Drimir avait succédé à son défunt père en prenant la tête de son clan. Il avait mis en place des lois visant à encadrer le mode de vie jugé décadent de ses congénères et cela avait créé de nombreuses tensions. À cette époque, Maxius et Clematys avaient été envoyés dans leur famille paternelle à Pormorh où ils y avaient grandi, loin des conflits de Rörk. Étrangement, ce fut la période la plus heureuse de sa vie... Jusqu'à son accident.

— Racontez-nous donc cette fabuleuse histoire, Clematys ! demanda Impera, enjouée. Comment s'est déroulée cette légendaire bataille d'Asylum ?

Tandis que Clematys se lançait dans ce palpitant récit, Maxius attendait la fin du supplice, accoudé sur la table. Malheureusement, il n'était pas arrivé au bout de ses peines lorsqu'on clôtura le repas pour annoncer le bal.

De nacre et d'acierNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ