Chapitre 19 : Saphora

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— Tu es magnifique, Saphora.

La voix de Yobé fit sursauter la jeune femme qui triturait nerveusement sa bague en attendant de se rendre dans la Grande Salle. Elle s'était isolée dans un petit salon et contemplait son reflet dans le grand miroir au-dessus de l'âtre de la cheminée. Yobé actionna l'interrupteur pour mieux la voir et la fit tourner sur elle-même.

— Vraiment magnifique, sourit-il.

— Merci, Yobé. Tu n'es pas mal non plus dans ce costume, cela change de ton uniforme réglementaire.

— Aujourd'hui, ton père m'a invité à sa table. Enfin, pas très loin, disons.

— Est-ce que les Volkov sont déjà arrivés ?

— Les parents ? Je ne sais pas.

Un silence s'installa entre eux. Prise de remords, Saphora lui dit :

— Ecoute, Yobé... Je suis désolée pour la dernière fois. J'étais contrariée et mes mots ont dépassé ma pensée.

— Oh, oublions ça, Saphora. Ce n'est pas la première fois qu'on se dispute, ni la dernière d'ailleurs. Et puis, tu sais que je ne t'en voudrais jamais de quoi que ce soit.

Pour joindre le geste à la parole, le soldat lui pinça la joue. Agacée d'être encore traitée comme une enfant, Saphora voulut le repousser et il riposta en lui chatouillant les côtes. Entre deux éclats de rire, elle le supplia d'arrêter. Tout était simple avec Yobé. Même si parfois il pouvait se montrer mesquin car il était une personne très fière, ils finissaient toujours par se réconcilier et chahuter ensemble. Saphora n'entendit pas tout de suite la porte s'ouvrir et son cœur se figea dans sa poitrine lorsqu'elle vit Maxius sur l'embrasure.

— Oh, pardon, seigneur Volkov. Bonsoir, comment allez-vous ?

Il aurait pu lui répondre par la pensée mais il s'en abstint et se contenta d'opiner du chef. Saphora réajusta sa robe brodée d'un geste mal assuré. On aurait dit qu'il avait oublié ce qui s'était passé entre eux la veille.

Sans leur accorder plus d'attention, il prit place sur le sofa au fond de la pièce, le visage fermé et les bras croisés. Quelle mouche pouvait bien le piquer ? Elle n'eut pas le temps de s'attarder là-dessus car Impera et Clematys arrivèrent ensemble, toutes deux vêtues de robes chatoyantes. Impera ressemblait à une nymphe, sa robe satinée épousant sa ligne svelte et elle portait un collier ras de cou brillant que Saphora ne connaissait pas. Clematys portait le même type de robe d'un rouge flamboyant avec un décolleté plus grand, mettant en valeur sa petite poitrine. Les deux jumeaux se regardèrent et Clematys lui répondait à voix si basse que Saphora n'entendit rien.

Yobé et Impera se saluèrent froidement. Apparemment, leur idylle avait dû s'achever, vu que Saphora n'avait plus surpris de regards enflammés entre eux depuis un moment déjà. Etrangement, elle ne s'en sentit ni soulagée, ni attristée pour l'un ou pour l'autre. C'était peut-être mieux ainsi. Voyant l'ambiance se dégrader à vue d'œil, Saphora décréta qu'il était temps pour eux d'y aller et ils empruntèrent un couloir pour les mener à la porte à l'arrière de la salle. August les rejoignit quelques secondes plus tard et à l'annonce du héraut, ils entrèrent tous ensemble.

Une bonne partie de la cour de nacre était revenue à Kalagas pour fêter cette célébration annuelle, très importante chez les vampires, qu'ils soient pratiquants du culte vampirique ou non. C'était une tradition ancestrale que les seigneurs vampires d'Orpyr tenaient à fêter tous les ans. Saphora se tenait à côté de Maxius et lui murmura :

— Tout va bien, seigneur Volkov ?

Silence. Elle s'agita à côté de lui, à la fois contrariée et inquiète. Leur lien télépathique, avait-il été rompu ? Elle se pencha vers lui mais il esquissa un mouvement sur le côté, comme s'il la repoussait. Les grandes portes de la salle s'ouvrirent et Saphora dut reporter leur discussion à plus tard.

De nacre et d'acierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant