Chapitre 25 : Saphora

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Saphora n'avait presque pas fermé l'œil de la journée. L'idée de partager sa chambre avec le seigneur Volkov ne l'enchantait pas le moins du monde et savoir qu'il était à demi-nu sur le sofa avait réussi à la perturber bien plus qu'elle ne voulait bien l'admettre.

Un peu avant la tombée de la nuit, elle se leva pour se délasser dans un bain brûlant. Elle ne s'encombra pas de s'habiller avant de sortir de la salle de bain dans son peignoir et commença à fouiller dans son armoire pour trouver une tenue à la fois acceptable et capable d'attirer l'attention de Maxius pour le faire enrager. Il avait tendance à loucher allègrement sur ses jambes, même s'il tentait pitoyablement de rester droit comme un piquet.

La respiration régulière du vampire indiquait qu'il dormait encore. Elle disposait donc d'assez de temps pour se rendre plus que présentable à la table de la cour de nacre.

Lorsqu'elle dénicha une courte robe cobalt et des collants d'une jolie résille crème, elle se hâta à s'appliquer un peu de poudre, souligner ses yeux de noir et peignit sa bouche en rouge, comme elle le faisait quotidiennement. Le seigneur Volkov commença à remuer dans son sommeil. Ses pensées lui échappèrent : « non, pitié ». De quoi pouvait-il rêver ? De ses victimes ? Ou de ce fameux accident dont il ne voulait pas parler ? Saphora se demanda bien quel genre de créature pouvait bien craindre un vampire de Sang-Pur comme Maxius.

Elle ferma à la hâte ses longues bottes pour s'approcher de lui et se mettre à sa hauteur.

Malgré son expression grave, sa beauté n'en était pas altérée. Bien que sa vue était plutôt développée, Saphora n'avait jamais eu l'occasion de l'observer de si près aussi longtemps. La peau claire de son torse semblait briller d'un éclat surnaturel. Même plongé dans son sommeil, ses muscles ciselés se mouvaient lentement avec une certaine grâce. Elle continua à le le détailler, ses longues mèches de cheveux étalées autour de son visage aux traits fins, ses sourcils noirs parfaitement dessinés et ses longs cils lui frôlant ses hautes pommettes. Son nez n'était pas aussi long qu'elle le pensait, il était droit et volontaire. Et sa bouche, pleine et ourlée... Où un sourire en coin fit sursauter la jeune femme.

Allez-vous faire cela chaque matin, chère épouse ? demanda-t-il en s'étirant de tout son long.

— Je vous entendais marmonner, enfin, votre esprit marmonnait des choses, voilà tout, se défendit-elle.

L'expression mutine de Maxius s'effaça aussitôt. Que craignait-il de révéler durant son sommeil ? Saphora haussa les épaules et retourna vers sa coiffeuse. Elle dénicha l'un de ses ridicules cadeaux de mariage : de boucles d'oreilles en cristal.

— De quoi rêviez-vous, seigneur Volkov ?

Du jour où vous cesseriez de m'appeler comme mon père, l'entendit-elle râler dans son dos.

Elle lui coula un regard en coin. Idiot. Elle dénoua sa tresse et s'attela à concevoir une coiffure complexe pour la dernière soirée en compagnie de la cour d'acier. Elle laissa quelques mèches frisées échapper de son chignon haut, trouva un collier pour compléter son allure sophistiquée et rejoignit Maxius près de l'alcôve. Le vampire était déjà prêt, en train de boutonner sa veste noire jusqu'au cou comme à son habitude. Il semblait plus apprêté pour des funérailles plutôt qu'à une réception en haute société.

Courage, Saphora, se dit-elle. Encore une soirée avec les Volkov et ensuite nous retrouverons notre quotidien. Notre ? Mon quotidien, se corrigea-t-elle.

**

Après le départ de la cour d'acier, Saphora constata avec amertume que le dit quotidien qu'elle attendait de retrouver avec impatience était désormais un lointain souvenir. On commença à la solliciter, à l'inviter à des dîners et des soirées mondaines ; en outre on ne cessait de l'importuner. Pire encore, elle attirait toute l'attention, lui rendant impossible de continuer ses recherches en toute discrétion et encore moins de retrouver Yobé pour un rendez-vous clandestin. Son esprit bouillonnait d'une frustration grandissante. Chacun de ces évènements ne faisaient que l'éloigner un peu plus son objectif.

De nacre et d'acierWhere stories live. Discover now