Chapitre 5 : Maxius

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Enfin seul, pensa Maxius en poussant un profond soupir blasé. Il déchaussa ses bottes d'un coup de pied et posa sa veste sur l'immense lit trônant au milieu de sa suite. Le jour commençait à poindre, annonçant un repos bien mérité après ce long voyage. Ainsi, il serait plus enclin aux bavardages de la cour de nacre lorsqu'ils se réuniraient au coucher du soleil. Le programme ne faisait pas rêver : un long dîner suivi d'une balade à cheval sur le domaine du seigneur de Kalagas. Le lendemain serait pire encore, car on leur avait annoncé qu'ils suivraient les sœurs Del Wyn dans leurs activités quotidiennes. Maxius se demandaient bien ce qu'il y avait de si passionnant à voir, ni pourquoi se trouvait-il encore là. Il en vint même à espérer d'être convoqué séance tenante à Rörk par son père pour une quelconque affaire urgente à régler. Il ôta le reste de ses vêtements et se doucha rapidement. Cette nuit avait été interminable, il ne se fit pas prier pour se glisser dans les draps luxueux. Une horloge sonna six coups. Maxius s'endormit rapidement en rêvant de l'inconnue à la cape blanche.

**

— Debout ! gronda une voix autoritaire.

Maxius grogna, enroulé dans ses couvertures. Il reconnut Clematys qui tira sans ménagement ses draps d'un geste brusque. Elle était déjà habillée, vêtue d'un costume trois pièces d'un rouge profond, sa couleur fétiche.

Toujours aussi délicate, Clem.

— Si tu ne te dépêches pas, nous allons être en retard pour notre première soirée avec les Del Wyn. Maxius grogna à nouveau et se leva pour se diriger vers la salle de bain. Il se hâta à se rendre présentable et en sortit, enveloppé dans un peignoir moelleux parfumé à la lavande.

— Pressé de retrouver ta jolie Impera ?

En guise de réponse, il reçut un coussin dans l'estomac. Il lâcha la tresse qu'il s'attelait à nouer pour renvoyer le projectile vers sa sœur.

— Je la trouve sympathique, se défendit Clematys. Mais je doute qu'elle soit intéressée, du moins sur le plan « amoureux ».

— Et toi ?

— Elle est jolie. Nous avons pas mal de points en commun, éluda sa jumelle.

— Et la petite sœur ?

— Encore plus jolie, rit Clematys. Mais je n'ai pas vraiment eu le temps de discuter avec elle. Je crois que nous l'avons un peu impressionnée. Je suis sûre que tu l'as effrayée. Elle a déguerpi juste après votre danse.

— Je n'ai rien fait, se défendit Maxius. Elle n'arrêtait pas de jeter des coups d'œil partout comme si elle était pourchassée par le diable. Drôle de fille.

— En tout cas, tâche de te montrer plus sociable, mon frère. Nous avons peu de temps pour nouer des liens avant les fêtes, avant...

— Avant que les parents ne viennent, j'ai bien compris.

— Je m'occupe d'Impera et toi de la petite.

— Cesse donc de l'appeler ainsi...

— Mais tu as vu ? Elle est si mignonne pour une vampire !

— Tu fais à peine dix centimètres de plus qu'elle, n'exagère pas.

Clematys lui jeta à nouveau un coussin qu'il put éviter. Il ouvrit l'armoire pour sélectionner une tunique croisée, une veste courte à col droit et un pantalon noir et rechaussa ses bottes en écoutant parler sa sœur qui lui tournait le dos. Il enfila ensuite une cape noire en prenant soin de rabattre le col en fourrure jusqu'en haut de son cou. Il avait horreur que l'on s'attarde à contempler sa cicatrice. Il déverrouilla ensuite la fenêtre de l'alcôve pour aérer la pièce. De fins flocons de neiges commençaient à se déposer sur le sol, faisant scintiller les dalles blanches du domaine. Au loin, la forêt privée des Del Wyn et la cime de ses arbres recouverts de poudreuse s'étendait à perte de vue. Tout était calme, apaisant. Cela n'avait vraiment rien à voir avec Rörk, ses murs délavés et les cris des vendeurs à la sauvette arpentant les rues à toute heure de la nuit. Il devait bien reconnaître là qu'il appréciait la sérénité et la beauté des lieux. Cependant, Maxius trouvait cela curieux qu'aussi peu de monde ne circulait dans les environs.

Alors qu'il se perdait dans sa contemplation, un rire résonna jusqu'à lui. Un rire cristallin, l'expression d'une joie pure et innocente. C'était quelque chose de chaleureux, de réconfortant. D'où venait-il ? Maxius chercha des yeux d'où est-ce qu'il pouvait provenir, sans succès. Décidément, il semblait tellement distrait ces derniers temps que ses sens s'en retrouvaient perturbés. Il soupira avant de refermer la fenêtre, prêt à affronter cette nouvelle nuit en compagnie du clan Del Wyn. Comme si sa sœur lisait dans ses pensées, elle tenta de le rassurer :

— Allez, courage, Max. Avec un peu de chance, papa et maman se rendront compte que c'est ridicule de nous forcer à faire comme eux : un mariage de convenance.

N'en sois pas si sûre. Pour eux, cela a leur a plutôt bien réussi, mais ils sont plutôt une exception dans ce domaine. Pense au désastre du mariage du roi Drimir et de la reine Olivia. Voilà ce qui se passe vraiment quand ce genre d'union a lieu.

— Paix à son âme, fit Clematys en posant une main sur le cœur.

Ce n'est pas drôle, Clem, râla Maxius.

— D'accord, d'accord, gloussa la vampire. Réfléchissons alors à un moyen pour rompre cet accord sans déclencher de conflit. En attendant, faisons comme si et tâchons de nous amuser. Depuis combien de temps n'avons-nous pas eu de vacances, mon frère ?

Maxius se contenta de lever les yeux au ciel, sans pour autant admettre que sa sœur avait raison. Parfois, il avait l'impression que tous les enfants des bonnes familles nobles d'Orpyr passaient leur temps à festoyer et à voyager, toujours dans le but d'aller s'amuser quelque part. Maxius et Clematys devaient être les rares exceptions à travailler et offrir leurs services aux autres, sans obtenir quoi que ce soit en retour. Du moins, il n'y avait que leur père qui en récoltait les bénéfices et les jumeaux commençaient à en pâtir.

Maxius le premier.

Quand pourraient-ils enfin profiter de leur vie d'immortel ? Sûrement pas en se pliant aux quatre volontés du clan Volkov. Clematys disait vrai : il pourrait peut-être passer un moment agréable ici, loin du regard de leurs parents, même s'ils avaient une tâche à accomplir.

De nacre et d'acierWhere stories live. Discover now