Chapitre 11 : Saphora

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Aux côtés de sa sœur et de son père, Saphora se laissait immerger dans l'éclatante splendeur de l'opéra, où un ballet se jouait sous son œil morne. Sa silhouette était enveloppée dans une robe de soirée bleue nuit, rehaussée par une fourrure luxueuse qui glissait élégamment sur ses épaules. Bien que sa tenue étincelante fasse illusion, un sentiment de révolte persistait en elle, amplifié par la monotonie de son existence. Saphora avait jadis chéri cette existence, ces longs dîners enchanteurs au sein de la cour de nacre, les bals où elle se perdait dans la danse et l'insouciance, ainsi que ses apprentissages dans le domaine des arts ou de travaux manuels divers. La journée, elle s'échappait dans les rues de Vseya, avait visité la ville de long en large, sans toutefois franchir ses remparts surveillés par de nombreux gardes.

Impera l'arracha à ses pensées en lui donnant un léger coup de coude pour lui signaler qu'elle se rendait aux latrines.

— Tu aurais pu prendre tes précautions avant, ronchonna la cadette.

Impera émit un petit rire avant de se faufiler hors de leur loge. Saphora, luttant contre le sommeil, détourna son regard du spectacle étincelant pour scruter le public. Elle repéra la chevelure rousse de Yobé, un peu plus loin, et l'odieux Basarab, avec ses fines mèches d'un gris terne. Elle détourna son regard de lui pour ne pas attirer son attention. Le ballet avait beau être magnifique, elle s'ennuyait ferme. Où était passée Impera ? Cela faisait maintenant vingt bonnes minutes qu'elle n'était pas revenue.

— Je reviens, chuchota-t-elle à son père.

Saphora se leva et tomba sur les iris cuivrées de Maxius qui se détournèrent vivement d'elle. Elle se faufila entre Clematys et lui en prenant soin de ne pas le toucher. Elle ouvrit discrètement le pan de l'épais rideau en velours rouge, à la recherche de sa sœur. Elle tomba nez à nez avec Yobé. Il avait le souffle court et les cheveux en désordre.

— Ah, tu es là ! s'exclama-t-il.

— Bonsoir, Yobé ! Aurais-tu vu Impera ?

Saphora arqua un sourcil, remarquant l'hésitation inhabituelle chez le soldat. Les bras croisés, elle attendit une réponse dans le silence qui s'étendait entre eux.

— Depuis combien de temps le sais-tu ? questionna-t-il. Elle t'a tout raconté ?

— Bien sûr que non, répondit Saphora. J'ai commencé à avoir des soupçons depuis les dernières fêtes de Phésas.

— Je t'ai déjà dit d'arrêter de laisser traîner tes oreilles partout, le sermonna son ami.

— Vous n'aviez qu'à vous montrer plus discrets, rétorqua Saphora.

Ce qu'elle omettait de lui confier, c'était que ce soir-là, elle avait pleuré toutes les larmes de son corps en se promettant de ne plus jamais tomber sous le charme de qui que ce soit. Quelle idiote de s'être laissée aller à de telles sentiments, avait-elle pensé.

Et Yobé avait à peine remarqué ses yeux rougis le lendemain soir, conversant comme à son habitude avec son bienfaiteur August. Quant à Impera, elle avait dissimulé habilement ses émotions, à l'exception du regard idiot qu'elle lançait discrètement au soldat. Aimait-elle Yobé ? Pourquoi ne lui avait-elle rien dit ? Elle connaissait bien les sentiments de sa petite sœur envers lui.

Cette situation avait incité Saphora à prendre ses distances et à s'engager seule dans ses recherches sur la mort de leur mère. Elle fixa Yobé avec une moue désapprobatrice, se demandant par quel droit il se permettait d'être contrarié d'avoir été découvert. Soudain, l'expression du soldat changea radicalement.

— Seigneur Volkov ! Bonsoir. Vous cherchez les latrines, peut-être ?

Saphora se retourna pour faire face au seigneur. Son air calme la désarçonna, contrastant avec ses yeux qui semblaient briller de fureur. Il se contenta de secouer la tête et pointa son doigt en direction de la jeune vampire.

De nacre et d'acierWhere stories live. Discover now