Chapitre 1 : Maxius

67 15 6
                                    

Maxius regardait défiler le paysage à travers la vitre du train, sa tête reposant dans la paume de sa main. Dans quelques heures, il rejoindrait la région la plus lointaine et la plus mystérieuse d'Orpyr : Kalagas, la cour de nacre. Il n'était pas particulièrement ravi à l'idée de devoir accomplir cette tâche. Jouer les émissaires pour assouvir le besoin de grandeur de sa mère était une chose. En revanche, cette idée de mariage arrangé ne l'enchantait pas le moins du monde. Secrètement, il espérait que la fille du vieux seigneur de Kalagas refuse cette alliance.

— Tiens, j'ai ajouté du miel dedans, l'interrompit une voix.

Sa sœur, Clematys, l'accompagnait, comme toujours. Depuis son accident, les jumeaux ne se quittaient presque plus. Maxius supposait qu'implicitement, sa sœur s'en voulait peut-être de ce qui avait pu lui arriver. Non, c'est bien moi qui ai joué aux imbéciles, songea-t-il. Il attrapa le gobelet de sang et le but de mauvaise grâce.

— Tu disais quelque chose ? s'enquit Clematys.

Non, répondit-il par la pensée. Il avait oublié de dresser son rempart mental pour éviter à sa sœur d'entendre ses pensées vagabondes. Clematys, pour une raison qu'ils ignoraient tous les deux, semblait être la seule personne en capacité de l'entendre. Après avoir perdu l'usage de la parole, ses parents avaient tout tenté pour la lui rendre ou au moins trouver une personne capable de retransmettre ses pensées : cela se solda par un échec cuisant. Seule Clematys pouvait entendre les paroles piégées dans son esprit. Elle lui servait donc d'interprète. Pas toujours, car Maxius parvenait à se faire comprendre, de temps à autre. Même avant ce tragique évènement, Maxius avait toujours été une personne plutôt taciturne, peu bavarde. S'il avait su ce que l'avenir lui réservait, il aurait peut-être essayé de changer ce caractère pondéré. Clematys s'installa en face de lui avec une moue boudeuse.

— Je trouve cette affaire complètement ridicule, maugréa-t-elle. Deux siècles d'une vie paisible et maintenant, Papa se met en tête de nous imposer un mariage ! Qu'est-ce qui peut bien l'intéresser dans cette maudite région ?

Les ressources, sans doute, supposa Maxius. Et sa passion pour que chaque individu de cette dimension lui soit redevable de quelque chose. Regarde ce qu'il a tenté de faire aux métamorphes.

— C'est sûr ! Enfin, il ne savait pas encore à qui il avait affaire. Ça lui servira de leçon, à toujours vouloir plus d'or alors que ses coffres en débordent. Et maman, qui s'y met aussi ! Je commence à en avoir assez de toujours devoir me plier à leurs caprices.

Ils sont comme ça, Clem, pondéra Maxius. On ne va pas les changer de sitôt.

Le hurlement de la locomotive leur indiqua qu'ils arrivaient à leur destination. Les jumeaux se levèrent, suivi de plusieurs hommes de leur père qui avaient fait le voyage avec eux. Les portes s'ouvrirent enfin et les jumeaux posèrent un pied sur le sol de l'immense ville de Vseya, la ville principale de la région de Kalagas. La gare ferroviaire se trouvait en plein air, tout y semblait immaculé. Maxius resta ébahi, face à ce paysage aux antipodes de sa ville natale, Rörk, surnommée la Cité d'Acier.

Il avait vécu sur la côté ouest d'Orpyr, là où le vent hurlait sans cesse contre la tôle des maisons délabrées et où l'odeur de l'océan se mélangeait aux vapeurs des usines. Ici, il ne voyait rien de tel. Vseya se trouvait sur la côte est, l'air y était d'un froid sec et le ciel, bien que couvert, semblait luire d'une myriade de nuances de blanc, d'ivoire et d'or. Un tourbillon de neige voleta au-dessus de leur tête. Un homme se précipita vers eux avec un sourire avenant.

— Bienvenue dans la région de Kalagas ! claironna l' émissaire. Nous sommes heureux et honorés de vous rencontrer.

— Merci à vous pour cette invitation, répondit Clematys.

De nacre et d'acierDär berättelser lever. Upptäck nu