Chapitre 71

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PDV du Sultan Abdelkader El Khaldi

Le lendemain matin, j’étais à la rue Monpa au hennout (boutique) de Kamatcho. Tous le personnel travaillait dans les métiers artistiques, y compris mon cousin Mohamed Khassani.

Mon cousin mit sur le mur du magasin le cadre photo d’un acteur algérois : Azzeddine Medjoubi. Il a connu la même destiné que Cheb Hasni. Aisément reconnaissable à sa voix de stentor qui l’a imposé à la radio, Azzedine Medjoubi est entré dans le cœur du grand public par son talent. Il est mort sous les balles devant son propre entreprise : Le Théâtre National. Après avoir posé le tableau, Mohamed Khassani déclare de sa voix vibrante cette phrase pour accueillir ses clients :

---- Voilà, on est là, on est là, ça commence et c’est parti pour le show. Djibou el gaz fi souk, djibou el gaz (Apportez nous du gaz au magasin, apportez nous du gaz.)

Soudain, une cliente pas comme les autres fit son entrée dans le magasin de vêtements. Elle était fort bien habillée. Elle était vêtue d’un pantalon et d’une chemise fuchsia. Cette oranaise avait l’allure d’une femme d’affaires qui travaillait dans le business. Ses cheveux partaient en rafale. Je n’étais pas le seul à être abasourdi par cette beauté angélique. Tous les hommes de la pièce l’observaient d’un regard envieux, avec un grand sourire. Mais bon sang, Abdelkader, que fais-tu ? Tu es déjà marié !!!! Ne trahis pas Bakhta. Quand cette mystérieuse femme enlevait ses lunettes de soleil, je pouvais reconnaître son doux visage entre milles. Je lui souriais. J’avais besoin de sa présence dans le hennout. Elle me rendait son plus belle éclat de rire. C’était bien ma femme qui venait de faire sa plus grande entrée. Elle est capable de réveiller cette flamme qui brûle en moi.

Elle était accompagnée de Loubna, la gouvernante de mon palais. Je la considère un peu comme ma mère adoptive. Elle m’a élevé au petit grain depuis la perte de mes parents. Elle a mit son voile rose ainsi que sa djellaba. Ma reine foullait les rayons. Elle conseillait à la gouvernante de prendre de la soie pour confectionner des robes pour ses cousines. Kamatcho, le vieux propriétaire, me fit un compliment :

---- Sidi El Khaldi, helou ouehi, matloum wahdi ala el helwa Bakhta. (Majesté, quel chance d’avoir une femme aussi gentille que Bakhta.)

---- Je sais.

---- Vous faites toujours les bons choix.  

Bakhta vient au comptoir. Loubna paia de mon argent. Le prix est exorbitant mais cela en valait la peine. Ma reine mit ses achats dans le sac. Tous les algériens la regardaient, d’un sourire bête et niais. Je ne suis pas jaloux au contraire. J’ai conscient que sa présence illuminait tous mes sujets du royaume. Mon cousin arriva précipitament à la caisse pour régler les affaires de la souveraine :

---- Mazal karenti, ya cheikha ? (Encore confiné, ma reine ?)

---- Mohamed !!!! Vous travaillez ici ?

---- Le matin, je suis à la boutique. Le soir, je chante ou je fais des représentations. Les après-midi, je suis en tournage d’une série. Ça dépend de mes journées. Mais vous, quelle est la raison de votre visite, votre altesse ?

---- Je viens d’acheter des tissus pour faire les trousseaux de Sara et Souhila.

---- Wach ntouma t3erfou menach Souhila ghadi tb9a tetzawej ? (Et vous savez  avec qui Souhila va se marier ?)

---- Ghadit tb9a tetzewej m3ak. (Elle va se marier avec vous.)

---- Je sais. Il lui faudra confectionner un trousseau digne d’une princesse. Les robes doivent être parfaites. Je compte sur vous pour que les khouatettes (jumelles) deviennent les reines de leur soirée. Ils leur faut un mariage digne de ce nom.

---- Bien sûr.

---- Chouf, ya sidi, bnat familia (Regardez, majesté, cette fille de bonne famille).

Je souriais. J’étais fière d’avoir ma Bakhta comme mon plus beau trophée.

Soudain, un grand galet vint saluer ma reine. L'homme chauve, comédien algérien, était doté d'un charme naturel qui dépassait largement sa calvitie. Son visage expressif était le reflet de sa passion pour l'art de la comédie. Ses yeux pétillants et son sourire contagieux attiraient immédiatement l'attention du public. Il avait une présence scénique remarquable, utilisant habilement chaque geste et chaque expression pour captiver son auditoire. Son talent pour l'improvisation et la création de personnages uniques était inégalé. Malgré son apparence chauve, il rayonnait de confiance et de charisme sur scène, faisant rire et émouvoir le public avec ses performances captivantes. Sa voix puissante et son sens du timing comique ajoutaient une dimension supplémentaire à ses spectacles. Cet homme chauve, comédien algérien, était véritablement un artiste talentueux et passionné qui illuminait la scène à chaque représentation. Il se présenta devant Bakhta avec ses plus beaux atouts :

---- Mon nom est Mokhtar Yabadi. Je suis comédien et directeur du grand théâtre d’Oran.

Elle lui serra la main avec politesse. Mokhtar était tellement content qu’il va jusqu’à serrer la main de ma reine. Je luis fais une remarque :

---- Fais attention, mon ami. Doucement avec la souveraine.

---- Je suis désolé. Mais je suis tellement content. Vous avez un trésor entre vos doigts, ya sidi. Conservez la.

Avec son sourire, elle secouait délicatement sa main. J’expliquais à ma reine, le talent caché de mon ami le directeur :

---- Mokhtar est doué dans la chanson, habiba. Il sait rapper et chanter.

---- Je veux voir ça.

Mohamed est prêt à entamer une improvisation en arabe qui allait laisser tout le monde sans voix. Son regard perçant et son attitude confiante laissaient présager un moment époustouflant. Il se lança dans un flot de paroles oranais habiles et rythmées, créant des rimes avec une facilité déconcertante, à l’oranaise. Les mots sortaient de sa bouche avec une énergie débordante, captivant instantanément l'attention de l'auditoire. Ses paroles reflétaient son vécu, ses pensées profondes et sa vision du monde, tout en s'adaptant à l'instant présent. Il improvisait des métaphores saisissantes, des jeux de mots ingénieux et des punchlines percutantes. Son flow fluide et sa cadence impeccable ajoutaient une dimension artistique à sa performance. À mesure que l'improvisation avançait, il captivait son public, le faisant vibrer au rythme de ses mots. L'improvisation de rap était un véritable tour de force artistique, démontrant la maîtrise de l'artiste et sa capacité à créer un spectacle captivant en temps réel. Mokhtar avait ce don.

Ma reine l’applaudissait :

---- Bravo, vous avez un talent.

---- Merci, ya cheikha.

Je voyais que ma reine était pressée. Elle me révélait qu’une soirée meddahate était organisée entre les femmes de sa famille pour fêter l’évènement. J’ai hâte de te retrouver pour te chanter mes sérénades et que tu me confies, comme toujours, tout ce que tu as sur le cœur. Ô Bakhta, tu t’en allais comme une tornade qui ravageait tout sur son passage.

Musique du Chapitre 71 : Cheb Khaled ft Cameron Cartio - Henna (Version Arabe-perse)

Musique du Chapitre 71 : Cheb Khaled ft Cameron Cartio - Henna (Version Arabe-perse)

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Bakhta ou la muse de Wahran Where stories live. Discover now