Chapitre 16

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PDV de Bakhta Fellah

Nous venions de faire du lèche-vitrine avec ma mère, pour les costumes traditionnels de mon mon mariage forcé. Vivement que je me débarrasse de lui !!! Je ne le supporte plus. J'espère que le roi dira "non", concernant la bénédiction. In'challah, j'y crois. Je souhaiterais être libre comme une hirondelle.

Il était midi, l'heure de manger un bon plat. Ana jirane ! Ana ratchane ! (J'ai faim ! J'ai soif !). Tout à coup, nous nous arrêtions devant la street food, le plus prisé du royaume. Sur l'enseigne se gravait une belle spécialité du royaume : La bonne karantika oranaise.

Plat local de Wahran, la karantika était réputée pour être le repas pour tous les algériens, que ce soit pauvre et riche. Manger un sandwich illuminait plusieurs sourires. Beaucoup d'habitants se retrouvaient, ici, pour parler de tout et de rien. Ce flan, à base de farine de pois chiche, rassemblait toutes les familles, tous les gens de la société. Selon les habitants, c'était le repas préféré de la royauté.

Tous les clients, les jeunes nous regardaient. Certains jeunes hommes m'obervaient, avec envie et désir. Et je ne porte que ma djellaba. Je me sentais gênée. J'avais l'impression d'être entourés de fauves. Un jour, le regard, de ces messieurs, changera, in'challah.

Nous commandions, au vendeur, deux gros sandwichs de karantika-kamoun (cumin), sans harissa :

---- Bidee zouj sandwich karantika-kamoun, bidoune harissa !(Je voudrais deux karantika cumin, sans harissa ).

---- À emporter ou sur place, hadja.

---- Sur place.

---- Bel khobz ou lei la ? (Avec du pain ou sans ?)

---- Bel khobz. (Avec du pain)

---- Saha (D'accord). Allez vous installer, mesdames.

Nous avions acheté ces sandwichs pour 100 dinars soit 73 centimes. Dans le restaurant, je me mettais, dans un coin, avec mouima, à l'abris de ces kelbs (chiens) en chaleur. Ma mère leur lança des regards noirs pour les calmer. C'est la première fois que nous venions dans cet endroit. Un vieil homme nous aborda en disant que c'est le meilleur restaurant rapide de karantika du royaume. On ne pourra plus s'en passer, une fois, que le sandwich sera englouti, dans notre corps.

La plupart des oranais aiment manger la karantika avec un soda pas comme les autres. Le propriétaire des lieux nous offrait une bouteille en verre de limonade Skada Sidi Kada, parfum citron. Cette boisson vient d'être inventé à Mascara. Il est très populaire à Oran.

Il existait beaucoup de parfums pour cette limonade : ananas, pomme, cola

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Il existait beaucoup de parfums pour cette limonade : ananas, pomme, cola. Mais les parfums, les plus récurrents, restent citron et orange. Des classiques !!!! Dans des verres en plastique, nous portons, à nos lèvres, ce breuvage citronné. Quel fraîcheur !!! C'est exquis !!! On sent bien le goût fruité de cette gazouz (soda). À la fin de mes gorgées, je fis un "heh", c'est un tic, dans ma communauté. On aime prendre le temps de bien se rafraîchir avec la gazouz.

Les sandwichs, à la cade, sont encore chaudes. Je sentais l'odeur du pain, du pois chiche. Entre nos mains, nous mangions El Hami (la toute chaude, ancien mot oranais qui veut dire la karantika). À la première bouchée, une myriade d'émotions envahissaient mon corps et mon esprit. Je fermais les yeux. C'est tellement bon. Les oranais ont raison, c'est le casse-croûte par excellence, le meilleur du pays. Crémeuse et bien cuit au feu de bois, la karantika dégoulinait du pain. Je léchais, cette crème aux pois chiches, entre mes lèvres, proprement. Hum hum hum, quel régal !!! Un délice !!! J'en ai mangé des sandwichs, avec mon père, mais celui-là reste mon coup de cœur.

Je voyais la tête de ma mère. Elle se régalait. C'est son tout premier sandwich de toute sa vie. Elle avait trop sous-estimé la qualité des restaurants rapides. Elle s'était trompée sur eux. Cet endroit changeait des restaurants de luxe, aux prix exorbitants. Elle me confiait sa pensée sur la karantika oranaise :

---- Miam, benti, karantika cheba, mleha. Rkhees (Miam, ma petite, la karantika est belle, bonne. C'est très bon marché).

---- Wah (Oui).

Ce n'est pas pour rien que ce casse-croûte est le repas du peuple.

---- C'est une bonne affaire, ce sandwich.

---- À ce qu'il paraît, on peut aussi la commander, sans pain, à emporter ?

---- Oui, avec une assiette qu'on aura sur nous. En gros, il nous la sert dans un plat qu'on peut emporter. Je vois, déjà, la karantika, au milieu des salades, de la pastilla batata (omelette aux pomme de terre). Et on peut la manger, à toute heure, pour n'importe quelle occasion.

J'imagine, déjà, ce plat dans nos banquets, les fêtes et les buffets familials. Spectaculaire !!! Tous les yeux, de notre tribu, se pencheront sur cette spécialité du peuple algérien, déjà la grande star du royaume. Nous finissions les sandwichs. J'ai bien mangé. C'était excellent. Il était temps de rentrer. Toutes les bonnes choses ont une fin. Ma mère se tourna vers le cuisinier ambulant pour le remercier de cette spécialité, unique en son genre :

---- Sahet. Kan ladhidha, sidi (Merci. C'était délicieux, monsieur).

---- Afuan, hadja. Barakallahoufik (De rien, madame. Que la bénédiction de Dieu soit sur vous).

---- Amine. Naharek mabrouk ! (Paix sur vous. Bonne journée !)

---- Ma'asalama.

Nous quittions ce fast-food, avec des étoiles pleins dans les yeux. Que d'émotions intenses ! Je n'arrive pas à trouver les mots pour décrire cette heure de déjeuner. À ce moment-là, je retrouvais ma gentille mère que je connais tant. Ça m'émeut. J'ai, presque, les larmes aux yeux. Je me retiens. Ana wahrania (Je suis oranaise !). Les algériens, ça ne pleure pas. Je blague. Je ne crois pas en cette légende. En réalité, tous les êtres humains ont, tous, un coeur. Y compris, nous, les algériens, nous sommes de grands sensibles.

Si seulement, elle arrivait, à me comprendre, mais impossible. Difficile de faire changer l'avis d'une mère, qui a tout transmis à son enfant. Elle marche droite, sans regarder le vide, sans observer le regard de sa propre famille. Elle ne voit pas ce que je veux vraiment. D'ailleurs, qu'est-ce que je souhaiterais plus que tout ? De me réconcilier avec ma famille. Je veux vivre une vie simple, sans problèmes. Il vaut mieux rester seule. C'est compliquée, pour moi, de trouver l'homme idéal, capable de me comprendre. C'est difficile de battre de ses propres ailes

Il est temps de rentrer à la maison. Je n'étais pas au bout de mes surprises. Je suis impatiente de découvrir ce que le destin m'a réservé.

Musique du chapitre 16 : Cheb Houssem - Khatira Khatira

Musique du chapitre 16 : Cheb Houssem - Khatira Khatira

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Bakhta ou la muse de Wahran Where stories live. Discover now